Siège 8 : David Benefield
Tapis : 6,375,000 (short-stack, 16BB)
Origine : Fort Worth (Texas, Etats-Unis)
Âge : 27 ans
Profession : Joueur de poker dilettante, coach poker, entrepreneur et étudiant. Enseigne au sein de la réputée poker school Card Runners. A annoncé en 2009 sa décision de ne plus se consacrer à plein-temps au poker. A profité de son temps libre pour étudier, entre autres, le Chinois et les Sciences Politiques à l’université de Columbia (New York). Il lui reste un an pour obtenir son diplôme. Benefield a aussi investi dans KingsGateEnergy, une boîte spécialisée dans les énergies renouvelables.
Statut : A l’origine pro en cash-games high-stakes online, mais plutôt tourné vers les MTT live depuis qu’il ne se considère plus comme pro à plein-temps.
Gains en tournoi live (avant le Main Event) : 633,243$
Twitter : @DWBenefield
Profil
A première vue, David Benefield peut sembler ne présenter que peu d’aspérités avec son parcours ultra-classique, vu et revu chez tant d’autres autour des tables finales de nombre de gros tournois de ces cinq dernières années : un étudiant brillant, sportif de haut niveau, qui découvre le poker avec ses potes à la fin des années lycée, s’y découvre un talent certain en ligne, et abandonne la fac après six mois et une blessure afin de s’y consacrer entièrement, laissant tout le reste derrière. Rien de nouveau sous le soleil du Texas ! Sauf qu’en regardant les choses de plus près, on se rend compte que les choses ne sont pas si simples qu’elles en ont l’air : ce jeune homme de 27 ans n’a en fait jamais réellement eu l’envie d’être un pro à plein temps, malgré un talent largement reconnu par ses pairs depuis longtemps. Déjà en 2009, alors qu’on lui prêtait des gains faramineux sur les grosses tables de cash-game d’Internet (plusieurs millions de dollars sous le pseudonyme de “Raptor”), Benefield annonçait publiquement son intention de faire autre chose. Pas d’arrêter complètement, non, simplement de ne pas laisser son esprit être complètement envahi par les cartes, les jetons, et les frustrations inhérentes à la compétition quotidienne. Des paroles entendues à maintes reprises chez d’autres, mais qui ne sont que rarement suivies d’effets, tant l’inertie est un trait de caractère prononcé chez les jeunes pros du poker. Mais pas chez Benefield : le Texan a bel et bien repris ses études, bûchant d’abord la philosophie et l’économie, puis les Sciences Politiques et le Chinois (langue et culture) à la prestigieuse université de Columbia, à New York, avant de s’installer un temps à Beijing pour un programme d’apprentissage intensif. Résultat : d’après un joueur installé à Macau, Benefield parlerait désormais presque couramment le Mandarin ! Ce qui n’est guère surprenant si l’on sait que quelques années auparavant il avait réussi à maîtriser le… Grec ancien. Le Texan a aussi entrepris d’investir une partie de ses revenus dans l’économie, pariant sur une start-up spécialisée dans les énergies renouvelables. Bref, nous avons affaire à un bosseur, un brillant touche à tout incapable de se satisfaire d’une seule marotte. Une tête bien faite et bien pleine, qui n’a pas délaisse le sport non plus, restant en forme en apprenant la boxe et en faisant régulièrement de l’exercice, s’essayant même au rôle de meneur d’hommes en coachant une jeune équipe de base-ball locale plusieurs mois durant.
Un mot sur les résultats live de Benefield avant cet été, ils ne sont pas complètement anecdotiques. L’Américain a principalement brillé aux World Series of Poker (qu’il dispute depuis 2007) avec plusieurs demi-finales dans plein de variantes (Hold’em, Pot-Limit Omaha, Mixed Games, Six-Max…), une 73e place au Main Event en 2008, et trois finales où il n’a pas fait mieux qu’accrocher les places d’honneur : 6e dans un 5,000$ en 2010, 8e dans un Mixed PLO/NLHE en 2012, et 8e dans le High-Roller à 50,000€ des WSOP Europe organisés à Cannes en 2012.
Parcours dans le Main Event
David Benefield s’est positionné dans les hauteurs du classement dès la deuxième journée du tournoi, et a poursuivi sa lancée lors du Day 3 avant de faire un bond en fin de Day 4 grâce à une paire d’As bien rentabilisée contre deux Dames. Assis dans le Top 20, Benefield parvient à progresser un peu plus durant le cinquième jour, éliminant plusieurs joueurs dont l’ancienne gloire des cash-games Internet, le Suédois Frederick ‘H@££INGGOL’ Halling.
La suite sera plus compliquée pour le joueur Américain, qui se retrouve lanterne rouge en fin de Day 6 avec seulement 15 grosses blindes à sa disposition. Benefield a pourtant empoché quelques pots clés lors de cette journée, notamment avec deux Rois contre As-Dames pour 90 blindes. Mais Raptor en a également perdu, comme celui où il 4-bet à tapis Bruno Kawauti avec As-Valet : le Brésilien n’attendait que ça avec ses deux As.
Condamné à bouger rapidement en début de Day 7, David prend tous les risques, et cela lui réussit. Après avoir volé plusieurs fois les blindes durant les premières orbites en engageant son tapis sans se faire payer, il double avec les As. Non pas sans trembler, car James Alexander, qui a payé le petit tapis de l’Américain avec As-2 de carreau, en trouve deux autres sur le flop, mais aucun autre ensuite. Complètement relancé, Raptor remporte dans la foulée une bataille de blindes cruciale : il pousse ses jetons avec As-3 sur la grosse blinde de Maxx Coleman qui paye avec Dame-Valet assortis et est éliminé aux portes des demi-finales. Revenu dans le ventre mou du classement, David prend alors sa revanche sur Bruno Kawauti, en gagnant un coup de pile ou face avec paire de 3 contre le As-Dame du Brésilien.
Installé en table télévisée principale avec notamment Sylvain Loosli comme adversaire, David joue un jeu très solide (témoin ce coup où il touche une quinte sur un tableau où figure une doublette : il arrive à abandonner sa main sur la rivière après une relance de Sylvain, qui avait lui un full) ce qui lui permet de se hisser en finale du tournoi, avec cependant le plus petit tapis de l’effectif.
Évolution du tapis de David durant le tournoi
Au départ du Day 1 : 30,000
Day 2 : 88,025
Day 3 : 261,100
Day 4 : 249,000
Day 5 : 1,675,000
Day 6 : 3,675,000
Day 7 : 1,840,000
Finale : 6,375,000
Ce qu’il a fait ces trois derniers mois
Les trois derniers mois de David Benefield pourraient presque se résumer en deux mots : poker et plage. Quarante-huit heures après avoir atteint la finale du plus beau tournoi au monde, l’étudiant retraité du poker professionnel retrouve son foyer, sa petite amie et son chien à New York. Puis il prépare ses cartons afin de déménager à West Village (toujours dans la Grosse Pomme). Le naturel de David reprend vite le dessus : en vacances début août du côté de Vancouver avec ses potes du milieu (Jason Koon, Ben Tollerene et consorts) où il profite du soleil de la côte ouest Canadienne, David a une furieuse envie de retoucher aux cartes et modifie son vol retour sur un coup de tête afin d’aller jouer quelques tournois en Floride. Il participe notamment au tournoi principal au prix d’entrée de 5,300 dollars du festival Seminole Hard Rock qui regorge de monde (2384 inscriptions) et réalise une petite performance en se classant 173e pour 11,635 dollars de gains.
Il s’envole ensuite pour Barcelone afin de disputer la première étape de la nouvelle saison EPT. Et l’Espagne lui réussit bien : entre deux séances de bronzette à la plage, David effectue trois places payées en terre catalane, et ce dans les trois plus gros tournois du festival - le Main Event à 5,300 euros, le High Roller à 10,300 euros et le Super High Roller à 50,000 euros. Après une courte escale en Allemagne, David repart à Vancouver, pour jouer cette fois les WCOOP - le festival star de tournois en ligne de PokerStars.com (le site étant toujours inaccessible sur le sol américain). Début octobre, il retourne en Europe, à Londres, jouer la seconde étape du circuit EPT. Il y réalise une nouvelle place payée - sa sixième en six tournois ! - en terminant 7e du Super High Roller à 50,000£. Dans un rythme frénétique, David enchaine ensuite avec Paris, ou plutôt Enghien-les-Bains, pour les WSOP Europe. Mais la France ne sourit pas à notre étudiant en Sciences Po qui quitte bredouille la station thermale.
David choisit alors Mexico comme point de chute. Son objectif ? Faire le vide une bonne semaine, puis mettre son plan a exécution, en remportant la finale du Main Event ! Nous n’avons pas d’informations sur la préparation théorique de Benefield en vue de la table finale. Sans doute qu’il a pris le temps de discuter de la partie de poker la plus importante de sa vie avec ses amis professionnels, mais on pourra argumenter qu’un coach aussi réputé que David Benefield n’a peut-être pas besoin d’un autre coach que lui-même pour préparer ce grand rendez-vous…
L’avis de Ludovic Lacay
« ‹ Raptor ›, c’est l’ancien colocataire de Tom « durrrr » Dwan et un énorme joueur de cash-games qui a voulu ensuite se diversifier et essayer les tournois. A la base, il n’a donc pas un style de jeu typique des joueurs de MTT, c’est quelqu’un qui était très bon dans un autre domaine, mais il a du et il a su s’adapter. Il peut donc commettre de petites erreurs… Ou tout du moins, il peut faire des choses qu’un observateur comme moi pourra considérer comme étant des erreurs, mais après, peut-être que je ne comprends pas tout parce qu’il est un cran au dessus [rires] ! Mais oui, il peut faire des choses étranges, surprenantes avec un stack petit ou moyen, entre 10 et 25 grosses blindes. Il entame la finale avec 16 blindes, donc théoriquement c’est lui qui sera le plus enclin à prendre des risques dès le début : il sera sans doute le premier à partir à tapis. Évidemment, le clan Français souhaitera chaudement qu’il perde ce coup à tapis : on préfère un Raptor éliminé qu’un Raptor qui remonte son tapis en ayant la position sur Sylvain ! »
L’avis de Benjo
Le bon élève de la table finale. Difficile de trouver quelque chose à redire sur ce mec manifestement très intelligent, curieux de la vie, sain et propre sur lui (peut-être un peu trop ?), et évidemment très talentueux au poker. Mais il n’en reste pas moins que la chose la plus importante à avoir en tête à son sujet à l’aube de cette finale, c’est que David Benefield est désespérément short-stack avec seulement seize grosses blindes en sa possession pour la débuter. Bien sur, nous avons affaire à un grand joueur, connu des initiés, un mec respecté par ses pairs, un mec suffisamment bon pour être tout à fait crédible dans son rôle de coach pour le site CardRunners, un mec qui roule sa bosse depuis assez longtemps pour avoir eu le temps de se lasser du poker et d’explorer d’autre univers, un mec qui a été en son temps très compétitif dans le milieu opaque des gros cash-games Internet… Mais ses adversaires sont loin d’être des jambons non plus ! Et ils possèdent autrement plus de jetons. Avec son faible capital, la probabilité est plutôt grande que Benefield soit le premier éliminé de cette table finale. Ce qui serait d’ailleurs une bonne nouvelle pour tous les autres, qui, vu son niveau, ont tout sauf envie de le voir faire un come-back.
Sources
-Blog personnel sur CardRunners.com
-Palmarès sur Hendon Mob
-Poker Pages - David Benefield, Poker Biography
-Reportage de PokerNews.com
-ESPN - Diffusions télé du Main Event des WSOP
Benjo & Kinshu