Siège 9 : Jay Farber
Tapis : 25,975,000 (quatrième position, 65BB)
Origine : Est né à Doyletown (Pennsylvanie, États-Unis) mais a principalement vécu à Santa Barbara (Californie). Installé à Las Vegas depuis ses 23 ans.
Âge : 28 ans
Profession : Manager VIP pour des établissements de nuit de Las Vegas. Diplômé de l’université de Santa Barbara (Californie).
Statut : Unique amateur pur de la finale, mais a joué en cash-game de manière semi-professionnelle avant de trouver un job à Vegas.
Gains en tournoi live (avant le Main Event) : 7,222$ grappillés au cours de trois petits tournois à faible prix d’entrée.
Twitter : @Jay_Farber_LV
Profil
Le plus gros tournoi de poker du monde aussi l’un des plus compétitifs, c’est logique : que ce soit lors des débuts, durant les années 70, où ces dix dernières années depuis l’improbable victoire d’un comptable nommé Chris Moneymaker, il a toujours été très difficile pour les joueurs amateurs de se faire une place en finale des Championnats du Monde. Cette année, Jay Farber est le seul parmi les neuf finalistes qui ne tirait pas des gains substantiels du poker avant cet été… En un mot : un amateur !
Et un amateur qui ne manque pas de relief, pour le coup, sorte de fêtard professionnel dont le métier est d’organiser des sauteries dans les lieux nocturnes de Las Vegas. Là-bas, on appelle ça un “VIP Host”, ou “promoteur”, et la ville n’en manque pas, vu le nombre de boîtes de nuit et lieux de débauche que compte le Strip et ses alentours. Un gars dont le rôle est de vous trouver la meilleure table, les meilleures soirées, les meilleures filles et les meilleures drogues (bon, c’est moi qui extrapole). Bref, un VIP Host s’assure que les fêtards passent la meilleure soirée possible tout en dépensant le maximum d’argent : Farber ramène de gros clients dans les boîtes, des “baleines” enclines à cramer des sommes allant parfois jusqu’à six chiffres, et ces boîtes lui versent de grosses commissions en retour. Pas étonnant donc que les gradins de la table télévisée étaient remplies de strip-teaseuses du club olé-olé le plus réputé de Las Vegas, le Spearmint Rhino, durant les phases finales du Main Event : Farber travaille étroitement avec l’établissement. Et pas étonnant non plus que l’amateur compte nombre de professionnels du poker (Shaun Deeb, Ben Lamb, etc) parmi ses amis : ces loustics-là figurent parmi les client les plus fidèles de ce genre d’endroits !
En lisant les articles consacrés à Farber, on devine entre les lignes un profil de joueur “en galère”, mais pas rassasié : l’Américain a découvert le jeu vers quinze ans, jouant entre amis dans les proverbiaux “home games” de son quartier, vivotant ensuite en jouant semi-professionnellement en cash-game autour de chez lui, ce qui ne devait pas suffire à assurer son train de vie car il travaillait aussi dans des bars à Santa Barbara, assurant la sécurité ou le comptoir selon les nuits. Puis, débarqué dans cet avatar moderne du Rêve Américain qu’est Las Vegas, Farber a repris sa routine de poker dans une ville qui ne manque pas de tables. Mais il faut bien manger : “Je n’avais pas de travail en arrivant ici, et beaucoup de mes amis étaient promoteurs ou hôtes VIP, alors je leur ai demandé s’il n’y avait pas quelque chose pour moi”, explique t-il.
Farber a disputé le Main Event trois ou quatre fois (il avoue ne plus se souvenir très bien), mais c’est seulement cette année qu’il parvient enfin à y réaliser une perf - et quelle perf ! Avant cela, son palmarès en tournoi ne comprenait que trois modestes résultats dans des tournois au prix d’entrée faible.
Parcours dans le Main Event
Jay Farber est très actif sur Twitter, ce qui nous facilite la tâche pour retracer son parcours dans le Main Event. La clé de la réussite pour un amateur face aux pros ? Toucher de grosses mains, semble t-il, et ne pas se les faire craquer. Jay se met d’abord en selle en doublant rapidement son tapis lors du Day 1 avec les As, puis gratte des jetons avec un brelan floppé et une couleur max. C’est lors du Day 3 qu’il intègre pour la première fois le Top 30, remportant un pot énorme avec deux Rois contre deux Dames pour grimper à 410,000. Pour franchir la barre du million de jetons, il fait brelan contre brelan, et conclut la main en carré d’as ! Son rush se poursuit dans les stades plus avancées du tournoi : un full floppé et une confrontation gagnée avec Roi-Dame contre As-Dix à tapis avant le flop lui permettent d’emballer trois millions de jetons pour le Day 6.
C’est à l’occasion de la première main de cette journée qu’il va disputer la main clé de son tournoi et être catapulté parmi les hommes de tête, doublant sur Noah Schwartz avec deux As contre deux Rois dans un pot de deux fois la moyenne ! Son manque d’expérience est relevé dans la journée lorsqu’il prend un tour de pénalité pour avoir exposé ses cartes alors qu’un joueur n’avait pas encore donné sa décision dans la main. Grâce à un dernier brelan floppé, il se positionne en huitième place avant d’aborder la dernière journée. Jay connaît un début de Day 7 compliqué, perdant les deux tiers de son tapis puis va connaître un dernier rush incroyable, remportant un coin flip, trouvant une quinte contre Mark Newhouse, prenant des jetons à Marc-Etienne McLaughlin avec deux Rois contre deux Dames, puis remportant un ultime gros ot face à JC Tran avec une top paire mieux kickée que celle de son compatriote. L’amateur entamera la finale en quatrième place au classement.
Évolution du tapis de Jay durant le tournoi
Au départ du Day 1 : 30,000
Day 2 : 104,400
Day 3 : 298,900
Day 4 : 604,000
Day 5 : 1,345,000
Day 6 : 3,030,000
Day 7 : 8,975,000
Day 8 : 25,975,000
Ce qu’il a fait ces trois derniers mois
Depuis son exploit, Jay Farber a passé le plus clair de son temps à… le fêter ! Le résident de Las Vegas a commencé par récupérer une partie de ses gains auprès du casino Rio sous la forme de 100,000 dollars, ceci afin de célébrer dignement son accomplissement dans sa boîte de nuit de prédilection avec laquelle il collaborait fréquemment dans le cadre de son job de VIP Manager, le Hakkasan. Depuis sa performance sur le Main Event, Farber mélange travail et loisirs en continuant de bosser de temps en temps avec les boîtes de Vegas, mais c’est surtout bouteille à la main que l’on peut l’y croiser.
Sa seule bouffée d’oxygène loin de Vegas et du poker, Farber se l’est accordée en partant cinq jours à Maui, une île d’Hawaii, avec sa petite amie. Il a ensuite multiplié les fêtes durant deux mois : avec le joueur Sam Stein au Hyde de Vegas, dans la maison de l’acteur/héritier multi-millionnaire Dan Bilzerian à Los Angeles, avec Phil Ivey au Light, et le reste du temps au Hakkasan avec sa bande d’amis afin « de célébrer [son] anniversaire durant un mois ». C’est le 11 août qu’il touche pour la première fois des cartes à nouveau… lors d’une partie de poker Chinois contre Jean-Robert Bellande ! Dépensier, Jay s’offre même le luxe de s’acheter une Mercedes V8 Biturbo. Prix : environ 160,000 dollars. « Je ne dis pas que je prends les bonnes décisions » sourit Jay, « juste les plus drôles. »
Le 16 septembre, il décide enfin de se remettre au travail : « c’est le moment de mieux traiter mon corps et de me préparer pour les WSOP. » Durant la semaine qui suit, il se rendra tout de même à trois reprises au Hakkasan mais passera également du temps auprès de Ben Lamb, joueur de l’année des WSOP 2011, et Jesse Sylvia (2nd du Main Event 2012) afin de préparer sa finale. Une préparation comprenant un visionnage extensif des phases préliminaires des WSOP diffusées sur ESPN, et des simulations de la finale. Après avoir signé avec le site 888poker (tout comme JC Tran et Michiel Brummelhuis), Farber dispute son premier tournoi de poker sur la scène internationale post-Vegas à Enghien-les-Bains à l’occasion des WSOP-Europe, où il ne laissera pas une bonne impression aux observateurs. Jugé « arrogant » et « insolent » par la presse spécialisée, il insultera à plusieurs reprises son voisin de table Eric Sfez, le traitant de « monkey » (comprendre : un naze) dès qu’il remportait un coup. Farber a disputé quatre épreuves dans le Val d’Oise et est le seul November Nine à avoir atteint l’argent sur le Main Event des WSOP-E (34ème place).
Dès son retour à Vegas pour la dernière ligne droite avant la finale, Farber s’est sans surprise attelé à… faire la fête encore allant vider quelques magnums chez son Hakkasan chéri, avant d’y retourner dès le lendemain pour une énième soirée supplémentaire. Sera t-il capable d’arriver en table finale sans gueule de bois ? Question subsidiaire : va t-il réussir à ne pas dilapider ses gains en trois mois ?
L’avis de Ludovic Lacay
« Farber est coaché par le pro Ben Lamb. D’après nos infos, Lamb a du mal à travailler avec lui. Mais c’est peut-être de l’intox volontaire ! On s’est posé la question : « Si tu étais à la place de Ben Lamb et que tu devais coacher un amateur, qu’est-ce que tu lui dirais ? » Evidemment, tu ne vas pas révolutionner son jeu, tu ne vas pas lui apprendre à jouer post-flop. Tu vas lui dire de jouer serré, d’attendre un petit peu avant de prendre du plaisir et d’ouvrir son jeu, des trucs du style « Fais attention, si tu relances, tu vas te faire 3-bet, si tu n’as pas une bonne main, tu 4-bet.» On peut s’attendre à ce que ses adversaires, qui ont tous beaucoup plus d’expérience, tentent de l’amener au flop, c’est là qu’il va être le plus faible. Et s’il devient short-stack, on peut s’attendre aussi à beaucoup d’erreurs de sa part. Du coup, Farber risque malgré lui d’être celui qui dictera le tempo de la finale : comme tout le monde voudra tenter sa chance contre lui, c’est des coups qu’il jouera que naîtront beaucoup de spots de squeeze avant le flop. »
L’avis de Benjo
Alors là, je suis un peu embêté. D’un côté, Farber possède suffisamment de côtés détestables pour que je sois tenté de lui coller d’office l’étiquette de “grand méchant” de cette finale. Déjà, son image de fêtard “à l’Américaine” qui me brosse dans le mauvais sens du poil. Que l’on ne se méprenne pas, j’adore faire la teuf comme tout un chacun, mais les super-mega-clubs de Las Vegas vulgaires et hors de prix où la musique jouée est indigne d’une soirée en camping, très peu pour moi ! Et je ne vous donnerai pas mon avis sur les strip-clubs, je passerais pour un pisse-froid. Mais je ne veux pas non plus jeter ce gros balourd tatoué et musclé de Farber avec l’eau du bain : déjà, son profil d’amateur parmi les pros est un gros plus pour sa côte de sympathie. J’aime les belles histoires de David terrassant Goliath à la table de poker ! Et puis, au niveau du spectacle, Farber sera clairement le joueur dont viendra l’action, l’incertitude, le suspens, comme l’a expliqué Ludo ! Il est donc dans notre intérêt à tous de le voir durer dans cette finale si l’on souhaite un spectacle divertissant. Et puis, comme Farber est le joueur avec le moins d’expérience, il est celui qui sera le plus à même de nous surprendre, en bien. Forcément : ses huit adversaires sont des pros ou semi-pros, on s’attend donc à ce qu’il jouent bien. Farber, lui, n’aura pas cette pression de la performance, et possède une marge de progression beaucoup plus importante que ses confrères finalistes. Il sera donc intéressant de voir quel style de jeu il va adopter. En conclusion : je suis prêt à absoudre Farber de ses défauts s’il range au placard l’attitude arrogante que l’on a récemment pu observer à Enghien lors des WSOP-Europe. Cela serait quand même ballot qu’un mec ayant des biceps plus gros que la tête attrape le melon !
Sources
-Las Vegas Sun - “Local nightlife industry veteran Jay Farber energizes WSOP November Nine
-ESPN.com - “Farber ready for the party of a lifetime”
-PokerPages.com - Jay Farber, Poker Biography
-Palmarès sur PokerPages.com
-WSOP.com - “Getting to know the November Nine : Jay Farber
-Bluff Magazine - “Redefining Run Good with November Niner Jay Farber
-Reportage de PokerNews.com
-ESPN - Diffusions télé du Main Event des WSOP
Benjo & Harper