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WSOP 2023-Rubriques - Interviews

Le coup d’éclat de Sarah

La première grosse vibration bleue de ces WSOP est signée Sarah Herzali. La grindeuse française a réalisé un deep run exceptionnel sur le 1 500 $ 6-max, se hissant à la 3e place pour un gain de 207 720 $. La Marseillaise valide le plus gros score de sa carrière sur son format de prédilection, un après la victoire retentissante de Léo Soma sur ce même tournoi.

Herzali a rendu les armes contre le futur vainqueur, le Brésilien Rafael Reis, mais 24 heures après, la joueuse ne retient que du positif. Au moment de revenir aujourd’hui autour au Horseshoe, elle arbore toujours ce sourire, qui illuminait déjà sa table finale hier soir. La joie d’une perf XXL, mais aussi du travail récompensé, un an après avoir, enfin, commencé sérieusement à travailler le jeu, sous la houlette d’un certain Pads Leonard.

Herzali

Fausto : Salut Sarah, qu’est-ce que ça fait de se réveiller aujourd’hui plus riche de 207 000$, dans la peau de finaliste WSOP ?

Sarah Herzali : Je suis très heureuse et très satisfaite du tournoi. Je n’ai même pas eu de sentiment de frustration, par rapport au fait que j’étais proche d’un bracelet que je n’ai pas réussi à avoir. Je me dis qu’il y aura d’autres occasions de le gagner sur un autre Event.

F : Tu es encore dans l’émotion d’hier ou l’adrénaline est déjà redescendue ?

S : Je ne sais même pas pas si j’a eu vraiment le temps de réaliser. J’ai tellement kiffé hier… Et là kiffe encore, je me sens très bien.

F : C’est l’impression que tu donnais hier. Tu paraissais détendue, tu souriais, on sent que tu as vraiment profité du moment…

S : C’est exactement ça. Pourtant, je me suis réveillé très stressée. Je n’avais pas trop réussi à dormir, je me suis levé à 4H du matin, comme un hibou. Je sentais un peu la pression d’être si proche, d’autant que j’allais démarrer la journée chipleader. Tu as l’impression d’avoir cette pression en plus de devoir clôturer le tournoi. Et au final, quand je suis arrivée à table, tout s’est envolé.

F : T'es-tu dit quelque chose avant d’arriver à table pour évacuer cette pression ?

S : J’ai fait du yoga pendant une heure avant de venir, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour essayer de me détendre. J’ai discuté avec Tom (Jarry), mon mari et il m’aide beaucoup à relativiser. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse du mieux que je pouvais, comme je savais faire et c’est ce que j’ai fait.

Herzali

C’était ma première finale WSOP. Quand je suis arrivé au Day 3, je savais que c’était à un de mes plus gros deep runs. C’était la première fois que j’arrivais aussi proche d’une perf si conséquente. Je savais qu’il y avait 400 et quelques à gagner, ce qui est une énorme somme.

Pour autant, je ne me suis pas mis d’objectifs en tête, par exemple “il faut que je fasse Top 2 ou Top”. Je ne voulais pas “miss” de spot et m’en vouloir sur des mains en particulier. Si je devais bust sur un hero-call, et bien j’aurais bust sur un hero-call, s’il me semblait bon à ce moment-là. Le but c’était juste de bien jouer.

« Être la première meuf à gagner ? Je m’en fous »

Herzali

F : Quels ont été les moments clefs de cette finale ?

S : J’ai été assez card-dead dans mon Day 3. J’ai fait une straight-flush en demi, quand même. Je n’ai pas gagné beaucoup de jetons, mais c’est kiffant de toucher une quinte flush en demi de WSOP.

Sinon, je n’ai pas eu de set-up, pas de "all-in" pré-flop. J’ai réussi à prendre quelques spots de 3-bet pour me maintenir autour des 13 millions. C’est le stack que j’ai eu tout le début de journée. J’ai surtout eu ce gros coup où je call-muck avec Top 2 contre straight (sur un board 4Q9K5). Ça m’a tué un peu mon stack.

On est 4 left à ce moment-là. Derrière, je me retrouve à batailler avec le shortstack pour la 3e place. J’ai réussi à gratter un palier tout de même, ce qui n’est pas négligeable.

Je suis arrivé chipleader, mais les stacks qui étaient assez proches du mien ont eu la chance de gagner des coups à tapis et de bust des joueurs. Moi je n’ai pas eu ces spots. J’ai éliminé John Monette, mais il était vraiment short, et c’est le seul coup que je joue à tapis avant de me retrouver moi même en danger. J’aurais pu me retrouver à jouer le titre contre l’Espagnol et le Brésilien, mais c’est ce gros coup qui a changé les choses.

F : Sur les bords du rail, on entendait des gens mentionner le nom de Vanessa Hellebuyck, première française à avoir remporter un bracelet. Tu aurais pu être la deuxième et la première à gagner sur un évènement “open”. C’est quelque chose auquel tu pensais ?

S : Absolument pas. En fait, je m’en fous d’être la première meuf à gagner. Je ne fais pas de distinction. Je suis un joueur de poker comme tout le monde. Si j’avais gagné, j’aurais succédé à Léo (Soma) et j’aurais aimé que ce bracelet reste en France. Ca ça me parlait plus. Je pense vraiment que les Français, on a un avantage sur ce tournoi, parce que c’est du 6-max, , la variante qu’on joue toute l’année online sur Winamax. C’est clairement mon tournoi préféré après le Main. Je vais d’ailleurs peut-être me tâter à faire le 3 000 $ 6-max, que je n'avais pas mis dans mon programme au départ.

F : C’était la première grosse finale français du festival. Il y avait du monde dans les tribunes, avec notamment les Come-on Sarah qui résonnait chez Paul Guichard, Florian Ribouchon et plein d’autres grinders français. Ça faisait quoi d’avoir tous ces amis à côté ?

J’ai trop kiffé. C’était vraiment fun. J’étais déjà détendue mais ça enlève le côte un peu trop sérieux de ce genre de table. Pour autant, ça m’a pas empêché de rester focus sur la partie. Mais ça crée une bonne atmosphère, ça rigole et tu te dis que tu fais ce boulot pour ces moments-là. C’est vrai qu’ils sont extrêmement rares, mais ça vaut le coup de les vivre.

Herzali Rail

F : Le soutien s’est aussi exprimé en dehors des tables, tu as du recevoir pas mal de messages…

S : J’ai coupé les réseaux à partir du Day 2. J’essayais de pas voir. C’est juste que je n’aime pas ignorer les gens, ça nécessitait de répondre et je ne voulais pas y passer trop de temps non plus. J’ai rallumé aujourd’hui et j’ai vu beaucoup de messages, parfois de gens que je n'ai pas vu depuis très longtemps. C’est vraiment agréable de voir qu’il y a des gens qui pensent à toi depuis l’autre bout de la planète.

« En vérité, je n’ai jamais vraiment travaillé mon jeu »

Herzali

F : Ca fait longtemps qu’on te connait, tu as eu tes perfs, ta période sponsorisée et maintenant vient ce plus gros exploit de ta carrière. Quelle résonance a cette perf après quasi 15 ans de carrière ?

S : Pour être tout à fait honnête, j’ai quinze ans de poker, mais pas quinze ans de travail du jeu. En vérité, je n’ai jamais vraiment travaillé mon jeu. J’ai beaucoup joué en cash game live, ce qui ne nécessitait pas pour moi de bosser plus que ça. Depuis le Covid, j’ai du me mettre en ligne. Je ne jouais quasi pas sur les rooms avant. J’étais plutôt médiocre jusque-là. J’avais gagné quelques High Roller sur PMU, mais je pense que j’avais surtout run-good et c'étaient des petits fields.

Récemment, ce qu’il s’est passé,, c’est que j’ai eu la chance d’intégrer le groupe de Pads (Patrick Leonard). Ca fait un peu plus d’un an que je boss avec lui, ainsi qu’avec deux autres joueurs. C’était la première fois que je travaillais le jeu de manière aussi intense et poussée. Je n’aurais jamais pu faire cette perf sans les compétences que j’ai acquises. Il m’a beaucoup aidé techniquement. Le coaching que j’ai reçu, ça n’a pas de prix.

Pour moi, c’est un peu le résultat de cette année de charbon, parce qu’on voit la perf, mais on voit pas tout le travail qui a été fourni avant ça.

F : Est-ce que ce groupe te permet de franchir un nouveau palier, avec de nouveaux objectifs ?

S : L’objectif que j’avais au moment de commencer le coaching, c’était de monter d’ABI online. Malheureusement, je n’ai pas eu les résultats que j’espérais. Mais c’est ça qu’est bien quand tu travailles dans un groupe comme ça : ça motive, tu ne lâches pas, tu reviens le lendemain, tu recommences et ça finit par payer.

Herzali

F : Qu’est-ce que cette perf va changer pour toi ? Est-ce que ça va te permettre de t’installer sur des limites plus hautes, en allant jouer plus régulièrement les EPT ou plus cher par exemple ?

S : Je pense que c’est très ambitieux de dire ça maintenant. J’ai assez peu fait de Live cette année, on habite au Royaume-Uni, les frais de déplacements coutent cher. Vegas, c’est un stop obligatoire, j’adore venir ici. Mais pour les EPT, il faut être un peu lucide. C’est cinq tournois dans l’année, le sample est minime, c’est très relevé et c’est beaucoup de variance. Aujourd’hui, à 35 ans, je sais pas si j’ai envie de prendre ce risque. Ce qui me motive, c’est juste d’être meilleure. Je veux kiffer quand je joue, et tant que je kiffe et que je m’améliore, je continue.

F : Vous avez fait quoi après la 3e place ? Vous avez célébré un peu ?

S : On est juste parti boire un verre avec Tom, un ami et deux copains du groupe de coaching justement. Un grinder Roumain et un autre Slovène. On n’a rien fait de spécial, mais aujourd’hui, on fête nos deux ans de mariage avec Tom, donc on va cumuler les célébrations avec un beau resto ce soir.

F : Mazel-Tov alors ! Encore un grand bravo Sarah et bonne chance pour la suite du festival.

Shaun Deeb, les bons conseils de la légende

Tandis que votre serviteur tenait trois heures dans son premier tournoi WSOP, la légende Shaun Deeb jouait trois jours pour aller chercher son sixième bracelet WSOP. Interview d'un vrai joueur tout-terrain.

Shaun Deeb
Chipleader du Day 1, l’homme qui a parié cette année 1 000 000 $ avec Bill Perkins qu’il pouvait descendre son taux de graisse corporelle sous les 17%, a réalisé une superbe remontada au Day 3, jusqu’à aller chercher la victoire. Un nouvel exploit signé Deeb, aussitôt reparti à la charge sur le 10 000 $ Razz, afin d’engranger les points dans la course au “WSOP Player of The Year”. Lors de la pause, la légende a pris le temps de parler au néophyte des mixed games, pour remonter le temps et délivrer quelques-uns de ses secrets.

Salut Shaun et félicitations pour ce nouveau bracelet. Te souviens-tu du premier tournoi WSOP que tu as joué ?

J’avais 21 ans. On avait loué une petite maison à côté de South Point Casino, avec des amis. On avait une petite équipe, on jouait online, on était sur 2+2. Je n’étais pas encore un joueur de Mixed Games, je jouais n’importe quel tournoi de No Limit, des 500 $ au 2 000 $. Je jouais tout ! J’avais réussi à faire trois cash sur des WSOP… Trois fois 27e. J’avais un blocage avec ça. Sur mon quatrième deep run, j’étais encore très short à la 28e place. Je me suis dit, je vais pas encore finir 27e ! Il y avait mon ami à table… Adam Richard, et je le bust finalement quand le tableau affiche 28 joueurs… Mais un autre joueur était sorti en même temps donc j’ai vaincu la malédiction. Et hier, je me suis rendu compte que je remportais l’Event… #27. On s’est appelé avec Adam, et on s’est dit qu’il fallait que je me fasse un tatouage “Shaun Fucking Deeb” floqué du numéro 27.

Dans quel état d’esprit tu arrivais aux tables à cette époque ?

C’était très différent. Quelques personnes me connaissaient du Online et entre jeunes on discutait pour savoir qui était quel pseudo. Mais sinon, j’étais un inconnu... Maintenant, après 20 ans, on reconnait les noms, les visages et je suis plutôt connu maintenant.

La première semaine, avec cette nouvelle barbe et la perte de poids, j’ai réussi à passer incognito pour quelques jours. Mais, malheureusement, en gagnant un tournoi et en portant cette casquette brillante, les gens se sont finalement rendu compte que c’était moi.

Ho, arrête Shaun ! Tu as perdu à peine 30 livres (13 kilos) et tu penses que les gens ne te reconnaissent pas ???

40, pas 30 ! Je t’assure, j’ai parlé à des gens qui ont mis cinq minutes à m’apercevoir que c’était moi.

Hormis la barbe et la réputation, quelles sont les grandes différences entre le Shaun Deeb d’il y a vingt ans et celui d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui, quand je punt (faire un move peu inspiré où l’on perd beaucoup de jetons), les gens pensent que je joue bien. Alors qu’à l’époque, quand je faisais un punt, les gens se disaient “ouah, il est vraiment nul”. C’est fou comme les gens se disent que les gens sont bons ou non sous prétexte qu’ils ont gagné des titres. `

C’est aussi fou d’être dans ce monde depuis si longtemps et de continuer à faire des résultats. Un nouveau public est arrivé et j’ai entendu qu’on m’appelait “old guy” ou que j’étais de la vieille génération. Je n’ai que 37 ans, ce n’est pas si vieux bordel ! Quand j’y pense, lorsque je suis arrivé dans le poker, les Ivey, les Daniel avaient tous trente ans et plus. C’est étrange de dépasser l’âge qu’ils avaient quand j’ai commencé à les regarder à la télé.

Quels sont les atouts que tu as acquis après vingt ans, et que tu n’avais pas au départ ?

Depuis que j’ai commencé à jouer les Mixed Games, j’ai toujours été très observateur. Quand je jouais online, que ce soit en cash ou en tournoi, je repérais qui était le meilleur joueur à table dans telle variante. Dès qu’il y avait un showdown, je cliquais sur la HH et je regardais quelle décision il prenait et pourquoi.

J’essayais de disséquer la main d’une perspective extérieure, en fonction des différents adversaires, des différents boards. Au bout d’un moment, je suis devenu le 2e meilleur dans beaucoup de formats mixed games sur la plupart des tables. Avec beaucoup de volume, j’ai réglé la plupart des leaks que j’avais et c’est ce qui me rend compétitif dans tous les jeux aujourd’hui.

En France, on ne peut pas jouer en mixed games, ou bien très rarement. Aurais-tu un conseil à donner pour les Français qui souhaitent devenir bon dans ces jeux ?

Il y a les SCOOP et WCOOP qui proposent des tournois de mixed-games intéressants. Je sais qu’on ne peut pas jouer ça en France, mais dans ce cas il faut sortir du pays, ou trouver un moyen de pouvoir jouer sur le .com. Il y a aussi des home games sur des sites où l’on peut jouer des variantes pour des buy-in abordables. Allen Kessler organise des tournois comme ça. Il faut se mêler à cet univers, jouer des parties, faire du volume, faire ses recherches… L’expérience est tellement importante dans les variantes, afin d’être confortable dans tous les jeux. Si un joueur commence à se poser la question “est-ce que c’est mon tour ?” Ou “combien ai-je le droit de miser”, un pro comme moi essaiera de le disséquer et d’abuser de lui dans certains spots.

WSOP : tous nos articles en direct de Vegas

Lhuillier, la perf à l’anglaise

Axel Hallay, Sarah Herzali, Alex Réard, Julien Sitbon, Samy Boujmala… Les cinq premiers finalistes français de ces WSOP étaient tous bien connus de nos services. Mais pendant que les deux derniers cités bataillaient sur le 3 000 $ 6-max, un autre bleu faisait des étincelles, sur l’ultime table du 1 500 $ Freezeout. Un grinder de l’ombre, anglophile, qui est allé cherché sur un field monstrueux le plus bel exploit de sa carrière, ni vu, ni connu… Enfin, jusqu’à aujourd’hui.

Event #28: Freezeout No-Limit Holdem 1 500 $ (Day 3 / Finale)

Lhuillier

Dans les tribunes du spot télévisé, on cherche le rail tricolore venu soutenir notre représentant bleu. Jean Lhuillier vient d’atteindre la finale du 1 500 $ Freezeout, un tournoi massif de 2 046 joueurs, promettant plus de 400 briques pour l’heureux vainqueur. Pourtant, pas de drapeau bleu affiché, ni de visages du poker français dans les gradins. Les supporters de Jean sont bien présents. En revanche, ils parlent tous anglais.

« C’est notre ami français, on est venu ensemble d’Angleterre » lance Charlie, dans un accent scouse bien prononcé. Le natif de Liverpool appelle les cartes comme un fou aux côtés de son pote James.

« Kiiiiiiiing ! Niiiiiiiine ! » scande les deux hommes, alors que Jean est à tapis avec K9 contre le 1010 de Benjamin Hector. Malheureusement, leurs prières ne seront pas exaucés. Un board QA362chhsd et le parcours de Jean s’arrête en 4e position. Sur un field de 2 046 joueurs, ça reste un beau run. Lhuillier vient de réaliser la perf de sa vie, pour 137 159 $ !

Gears of War, croupier et Good Morning England

Lorsque Jean vient auprès de ses deux acolytes britanniques, il s’exprime dans un anglais parfait, à croire que l’homme est né de l’autre côté de la Manche.

« J’habite en Angleterre depuis onze ans, explique le Normand. À l’époque, j’étais croupier. J’avais suivi une formation Cerus, j’ai fait un an à Perpignan, un an à Bordeaux, puis je suis parti en Angleterre, à Birmingham. C’est là que je me suis rendu compte qu’il y avait des joueurs qui gagnaient leur vie avec le poker. En France, j’étais plutôt à la roulette et au blackjack. Pour moi, le poker, c’était un truc de gambler. Mais, non, j’ai compris que c’était un jeu de skill ».

Lhuillier

Une découverte qui réveille le compétiteur sommeillant en Jean Lhuillier. « Depuis petit, je jouais beaucoup à des jeux en ligne. Je faisais des compétitions de Gears of War. J’ai toujours aimé les compétitions de jeux vidéo. Je me suis dit qu’il y avait un truc à faire avec le poker et je m'y suis mis à fond ».

Nous découvrons le grinder le jour de sa consécration, sur son “one time” en finale des World Series. Mais avant d’arriver sous les projecteurs de Vegas, la route fut longue.

« Ça fait environ dix ans que je joue. J’ai commencé avec des petits tournois, mais ça ne se passait pas super bien. J’avais environ 2 000 € de bankroll. Je me suis mis en cash game, en commençant avec la 2NL. J’ai commencé en mode gros nit de full ring, je regardais des vidéos, je jouais contre les gens et je m’adaptais. Aujourd’hui, je joue en 1k NL, le graphe ne s’est jamais arrêté de monter » raconte Jean.

Un profil “grinder online”, qui tente cette année ces premiers shots à Vegas. « Je suis venu trois fois ici. D’abord avec mon ex-girlfriend… Enfin, mon ex-copine, désolé, je suis complètement "anglifié". Et deux fois pour le poker, dont la première fois en janvier. Je suis venu pour le Cash game, ça se passait bien, puis j’ai joué des limites très hautes, qui m’ont couté très cher » confesse le Normand.

Pas de quoi abattre Lhuillier, qui retente l’aventure cinq mois plus tard, avec ses deux mêmes compagnons de voyage, pour un mois de cash game et de WSOP. « J’ai perdu 5k assez rapidement, puis en 5-10, ces quatre derniers jours, j’ai atomisé les tables, pose le joueur. J’ai pris 27 000 $ en quatre sessions ! Je sentais que le run good allait continuer, et puis là 137 000 $… Ça ne s’arrête pas ! ».

Mais alors, comment ce spécialiste de cash game est allé chercher une perf à six chiffres sur un énorme tournoi WSOP ?

« J’ai toujours été un mec slow »

Lhuillier

« D1, D2, D3… Physiquement, il faut être chaud pour enchainer les jours, commente Lhuillier, qui découvre les structures du Nevada. J’ai assez chatté tout le long mais puisque c’est une “Clock” très longue, chose dont je n’ai pas l’habitude, j’ai pris mon temps. J’essayais de read les fishs de la table. Je prenais des spots low-variance contre les bons joueurs et j’essayais de prendre les jetons des moins bons, qui overplay les spots ou overfold ».

Pas vraiment habitué à l’exercice du Live, le joueur dégage une étonnante sérénité, que ce soit au moment d’arriver en table finale comme en l’interview. « Certes, il y a un peu de pression quand tu arrives en finale de WSOP… Mais en vrai, j’étais confiant. Je me suis bien préparé ce matin, j’ai vu les Hendon de tous mes adversaires, il n'y avait personne d’impressionnant, j’étais confiant. Je ne sentais pas vraiment cette pression. En fait, je ne suis pas un mec qui stress beaucoup. Je suis plutôt calme. À table, je ne tilt jamais. J’ai toujours été un mec slow. Je suis en mode méditation un peu tout le temps ».

K-9, "bankroll boost" et quête de High-Stakes

D’un point de vue des cartes, Jean résume son tournoi à « une histoire de Roi-neuf ». « Sur les deux tables restantes, j’étais chipleader. Je gagnais tout, je raisais bien… Puis je perds deux coups contre Roi-Neuf avec des mains dominantes. Avec As-Roi, puis As six et je tombe sous les vingt blindes au moment de la finale. Et la main où je bust, c’est encore avec K-9. J’envoie tout avec 10BB CO, c’était peut-être une erreur mais Roi Neuf, c’est la main du tournoi qui m’a bien couté ».

Jean a tout de même trouvé un spot clef en début de finale, avec un coup qui vaut son pesant d’or. « C’est en tout début de TF. Le bouton jam avec 11 big blindes et j’ouvre A9 en SB. Il y’a beaucoup de snacks autour des quinze blindes, donc la pression ICM est énorme. Je tank toute ma vie, ils appellent le “Time” et je finis par payer. J’avais un read sur le mec. À un moment il me parle, et je vois sa lèvre trembler. Je me dis qu’il ne se sent pas bien, je paie, il a 66 Et le flop vient KK9. Si je perds ça, je suis éliminé et je prends 20k. La, je fais 4e et je prends 137 ! ».

Lhuillier

Un gain colossal pour ce joueur qui va changer son Vegas, et potentiellement toute sa carrière de joueur. « C’est un vrai “bankroll boost”. Maintenant, je peux faire le Main sans avoir à vendre, donc c’est parfait. Pour le Cash game, c’est un score qui va me permettre de jouer plus haut c’est sûr. Après, je joue sur GG Poker en 1K NL déjà. Je vais sûrement me faire un peu plus de Live » affirme le résident de Nottingham, qui malgré son ton calme et posé, ne cache pas ses ambitions.

« Je veux atteindre les plus hautes stakes de cash game. Je veux aller "challenge" les plus gros joueurs. J’ai toujours eu des histoires de BRM, mais maintenant que je suis bien à l’aise, je pense que je vais pouvoir faire les choses bien et atteindre les grosses limites. Même pour aller tâter les LinusLove et tout ça ». Avec ce score remarquable et ses ambitions affichées, c’est bien la dernière fois que ce grinder perf “à l’anglaise”. Jean Lhuillier vient de se faire un nom à Vegas, et ce n’est pas la dernière fois que l'on parlera de notre ami anglophile. GG Jean.

Axel Hallay : « Je suis fait pour les High-Rollers »

Hallay
Avec Grégoire Auzoux, il est l'autre joueur français à avoir investi la scène des tournois high-stakes du circuit live ces derniers mois. Et on peut dire que les débuts se passent bien pour Axel Hallay : après une première finale sur un event à 10 300 $ de la PCA en janvier aux Bahamas, le résident londonien a commencé ses WSOP en fanfare en prenant une belle 4e place sur le premier High-Roller des Championnats du Monde, encaissant là son plus gros gain en carrière, soit 363 326 $. Dix jours après son deeprun, le Français revient sur cette perf' majuscule, mais aussi sur son intégration dans la scène du poker high-stakes et ses objectifs futurs.

Bonjour Axel. Un peu de temps a passé depuis ta finale sur le 25k... À froid, quel est ton ressenti sur ta performance dans ce High Roller WSOP ?

Je suis un peu mitigé. Je suis super content d’avoir refait une finale sur un High Roller, c’était vraiment cool. Mais il y a un peu de frustration de ne pas avoir win. Quand tu est chipleader à six joueurs restants, tu te vois déjà gagnant… Et je voulais ce bracelet. En plus les enjeux étaient quand même assez massifs, ce qui peut être “life-changing’ pour ta carrière. Sur le plan technique, les seuls moves sur lesquels j’avais quelques doutes ont été validés par mes amis joueurs et mon coach : tout le monde était d'accord pour dire que j’ai bien joué durant cette finale, même si j’aurai pu faire un petit peu mieux sur certaines choses.

Avant d'arriver en finale, tu t'es retrouvé très shortstack lors du Day 2, que tu as finalement terminé chipleader. Comment as-tu géré ce swing ?

Au début du Day 2, j’étais bien. Mais je perds flush over flush contre Sean Winter, ce qui me laisse avec trois blindes. Ensuite, j’ai chatté les double-ups, j’ai bien run toute la journée, et je termine chipleader. C'est là où je me suis dit : “Huit joueurs left, on n’est pas loin, j’ai un gros chiplead…” Et j'étais content de mon jeu au Day 2. Je n’avais pas trop de stress et d’émotions avant le Day 3 honnêtement, c’est assez standard comme situation. La pression arrive surtout en table finale.

En tout cas, tu n’es pas un vieux de la vieille sur le circuit des High Rollers [Axel ne facture aucune perf sur un High Roller à cinq chiffres avant 2023].

On va dire que j’ai commencé en 2023. J’ai joué un 50k à Prague en décembre 2022 tout de même, puis les Triton Series à Chypre récemment, les High Rollers sur les EPT... Je commence à m’y mettre. C’est le début de ma carrière sur les Super High-Stakes, mais on s’habitue, c’est comme tout.

Pourquoi avoir décidé de passer au niveau supérieur cette année ?

Il y a plusieurs raisons. Déjà, j’ai la chance d’avoir un deal de staking. On peut se dire que sur ces “stakes”, on va monter les échelons un à un… Mais en fait, on n’aura jamais la bankroll suffisante pour jouer ce genre de tournois, il faut des millions. Rien que pour jouer un 50k, il faudrait 10 millions de "roll"… Peu de gens s’en rendent compte, mais tout le monde est staké sur ces tournois, même les tops players. Bon, il y a aussi quelques mecs qui sont légitimes, qui ont monté des millions dans leurs business, et quelques joueurs qui ont la bankroll nécessaire tout de même.

Hallay 3
La deuxième chose, c’est que je pense avoir le niveau pour jouer ces tournois. Je pense que je suis un peu fait pour ça, c’est la suite logique de ma carrière. Je suis quelqu’un qui n’envoyait pas beaucoup de volume par rapport à d’autres grinders, mais je passais beaucoup de temps à étudier, bosser mon jeu sur les solvers. D’autres mecs ne sont pas dans cette optique, ils ont simplement un jeu très solide à leur limite. Moi qui ait une approche plus théorique du jeu, ça me permet de jouer les High-Stakes. Quand je joue contre un "top monde" comme Chidwick, Dvoress, Petrangelo ou Koon, je ne me fais pas éclater. Contre eux, je joue comme contre l’ordinateur, alors que d'autres regs peuvent avoir des leaks, comme les millionnaires asiatiques aux Triton, contre qui tu peux jouer full exploit. Je pense que mon profil est fait pour jouer ces fields-là, cela représente une énorme EV pour ma carrière. De plus, c’est ce qui me motive le plus aujourd’hui en terme de sensations, de vibrations et de reconnaissance. Ce sont quand même des tournois assez prestigieux. Je vais faire ça pendant deux-trois ans, et on verra bien : ça passe ou ça casse. Après, ce serait mieux pour tout le monde que ça se passe bien !

Dans quels domaines penses-tu posséder une marge de progression pour être encore meilleur sur ces High Rollers ?

Déjà, je suis plus à l’aise. Quand tu as joué plusieurs tournois à 25k, tu prends l’habitude. Là où je peux progresser, c’est dans la connaissance de certains joueurs en particulier, comme Sean Winter par exemple. Et durant la TF du 25k, j’ai un peu peur d’avoir lâché des tells : parmi les trois joueurs restants, il y avait deux des mecs les plus réputés en tells physiques, Sean et Chance Kornuth, ce n’était pas évident. Il y a aussi l’aspect mental, car ces enjeux génèrent tout de même beaucoup de pression. Chaque coup peut potentiellement changer ta carrière, si tu gagnes très gros derrière… Alors qu’il y a des mecs qui ont l’habitude de jouer pour des gains à sept chiffres.

Quel est ton rapport à cette pression nouvelle ?

Ça ne me plaît pas beaucoup, mais il faut que j’apprenne à la gérer. C’est à la fois super grisant et très paralysant. Ce n’est pas comme si tu lançais une petite session online…

« Une majorité des regs super high-stakes ne sont pas si bons que ça. Certains sont juste connus et riches ! »

Que penses-tu du niveau général de ces tournois High-Rollers en live ?

Je pense qu’en réalité, une majorité des regs super high-stakes ne sont pas si bons que ça. Certains sont juste connus et riches ! Ils sont forts, mais je ne me sens pas derrière techniquement. En revanche, il y a une dizaine de joueurs qui sont là depuis au moins une dizaine d’années et qui sont clairement meilleurs que moi : ceux déjà mentionnés, mais aussi Mateos, Isaac Haxton... C’est inspirant. Et j’ai un peu envie de montrer que j’ai les compétences. Quand tu joues un Triton ou un High Roller, la moitié de la table peut être composée d’excellents regs, et l’autre de récréatifs asiatiques. Il faut jouer différemment selon les profils. Par exemple, dans le tournoi à 1 500 $ que j’ai joué cette semaine [interview réalisée mardi, NDLR], il n’y a pas un seul spot où j’ai joué GTO. Les mecs ont tous beaucoup de faiblesses.

Tu as déjà joué quatre finales WSOP depuis le début de ta carrière. Le bracelet est-il finalement un vrai objectif pour toi ?

Ça commence à faire beaucoup ! J’avais fait 3e, 6e, 4e… Je me disais que cette fois, c’était la bonne, sur un 25k… Tu te dis que ça va finir par passer. Là, après quatre finales, j’ai vraiment envie d’un bracelet maintenant. Cette année, où l’année prochaine, inch’allah. Mon autre gros objectif en terme de résultats, c’est de gagner un Triton.

Justement, tu as donc pu te rendre à Chypre en mai, où aura lieu pour la première fois une étape de l’European Poker Tour en octobre. Que penses-tu du spot ?

Déjà, il n’y a pas que des gros tournois là-bas, lmais aussi des festivals avec des Main Events à 5k ou 3k. Honnêtement, c’est un bon spot, et quand ce sont les Triton, l’organisation est top. C’est prestigieux, tout est parfait pour donner envie aux joueurs de revenir. C’est bien rodé, tu as une personne à chaque table qui note toutes les mains sur une tablette, pour l’application [ce qui permet de suivre chaque main en direct : téléchargez-là, l'essayer, c'est l'adopter - Note de l'auteur de ces lignes].

Hallay 2
Avant de jouer des buy-ins à cinq chiffres, comment as-tu débuté dans le poker ?

Il y a un peu moins de dix ans. J’étais en stage de fin d’études à Paris. À l’époque, je faisais beaucoup de compétition d'échecs. Et j’en avais marre, je stagnais. Puis j'ai rencontré un pote qui lui jouait au poker, et qui m’a montré. Le stage terminé, j’ai commencé à travailler dans la finance, mais ça ne m’a pas convenu, et je jouais de plus en plus au poker. Je suis vite parti, et en cherchant un boulot, je me suis fixé des objectifs sur quatre ou six mois au poker. Comme je les ai atteints, je suis passé pro. J’ai contiunué à progresser et commencé à gagner mieux ma vie qu’avec un vrai boulot, donc je n'avais pas de raison de m’arrêter… C’est la meilleure décision de ma vie. Je suis pro depuis huit ans maintenant.

Tu as débuté sur quel format ?

Je ne faisais quasiment que des tournois. Des sit’go au tout début pour apprendre à jouer, mais j’ai monté les "stakes" petit à petit, en commençant sur les tournois à 1 €. Et j’ai beaucoup travaillé, je suis réputé pour ça. Même si je passe beaucoup de temps à coacher et pas tant que ça à grind, cela m’a bien servi de me mettre à bosser assez tôt la théorie.

Comment vois-tu la suite de ta carrière ?

Idéalement, j’aimerai arrêter à 35 ans. Là, j’en ai 31. Cela me fait donc quatre ans, majoritairement dans les high-stakes ou super high-stakes. Si ça se passe mal, je jouerai moins cher, ou je jouerai online. Après, si ça se trouve, j’en aurai marre avant, car quand tu es joueur ça arrive, et dans ce cas il faut arrêter.

Quel est ton programme pour le reste de ton Vegas 2023 ?

Il y a le 10k Secret Bounty [Axel est chipleader du Day 2 au moment où nous écrivons ces lignes]. Je vais jouer pas mal de tournois WSOP, avec cet objectif bracelet. Il y a aussi un 10k sur la fin, après le Main Event. Les plus gros tournois sont passés [Axel n'a pas joué le 50k et le 100k], mais il en reste, notamment au Wynn et à l’Aria. Je vais jouer seulement en Hold’em. Les variantes ? Peut-être. Sur ces WSOP, j’ai joué le 1 500 $ Badugi, où j’avais des bases. Mais j’ai peur que ça me prenne trop d’énergie et me demande trop d'efforts, et j’ai envie de m’hyper-spécialiser en Hold’em.

Propos recueillis par Rootsah

Restez branchés à notre rubrique « Interviews » : vous y retrouverez bientôt un entretien avec le vainqueur de ce fameux 25k High Roller, le Suisse Alexandre Vuilleumier !

Alexandre Vuilleumier : « Les échecs sont beaucoup plus difficiles que le poker »

Vuilleumier
Cela ne fait que cinq ans qu'il a enregistré son premier résultat live, et en plus, le Covid est passé par là. Pourtant, Alexandre Vuilleumier trône déjà à la troisième place de la All Time Money List suisse. Comment ? Grâce principalement à la plus belle victoire de sa carrière au début des WSOP 2023 : le titre du High Roller à 25 000 $ 6-Handed, pour 1 215 864 $, devant notamment le Français Axel Hallay. Une belle réussite pour cet ancien champion d'échecs, longtemps coach dans la discipline : il affrontait déjà les meilleurs joueurs du circuit sur les gros MTT online, mais débarque tout juste sur la scène des high-stakes live mondiale, pour représenter un pays où les joueurs de très haut niveau sont rares. Ambitieux, Alexandre nous parle ainsi performance, et nous détaille les passerelles entre le poker et les échecs. Entretien high-level.

Pour commencer, bravo Alexandre pour cette belle victoire. Dix jours après ce titre [interview réalisée dimanche 11 juin], quel est ton sentiment sur cette performance ?

C'est génial. C'était inattendu. La première grande décision a tout simplement été d'aller jouer ce tournoi, parce que ce n'est pas comme si on pensait qu'on finirait à 300 % de ROI ! (rires) Il fallait vendre de l'action, convaincre des gens, se convaincre soi-même. Tu peux jouer trois 25k et les perdre, alors il vaut mieux trouver des backers, et j'ai vendu 50% de mon action. Je suis évidemment très heureux d'avoir joué, d'avoir gagné, et d'entretenir de bonnes relations avec les gens qui m'ont acheté des parts. Mais cela fait longtemps que j'affronte ces joueurs high-stakes en ligne. J'ai fait les tournois à 10 000 $ de l'Aria en avril, et il n'y avait pas de problème de niveau. Cela fait un an et demi que je joue quasiment tous les gros joueurs high-stakes en live. Là j'ai joué Artur Martirosyan pour la première fois, Bonomo, Chidwick, c'est sympa et toujours assez impressionnant. Mais même ces joueurs-là ne sont pas impassibles, tu peux prendre des décisions sur des live tells contre eux. Ils sont humains.

Justin Bonomo est quand même réputé pour avoir l'une des meilleures pokerfaces du circuit... Comment fais-tu pour déceler des choses chez ces joueurs-là ?

C'est quelque chose que j'ai beaucoup travaillé. J'ai collaboré avec une société, Beyond Tells, dont le fondateur est un professeur de psychologie. Il sait ce qu'il raconte, et j'ai aussi beaucoup travaillé avec lui en privé. J'avais également fait une semaine d'improvisation où l'on t'apprend à ne pas partir sur ton idée, à essayer de t'adapter à ton partenaire. C'est un peu comme au poker : tu essaies d'avoir de l'empathie, de rentrer dans l'esprit de ton adversaire, car ça ne sert à rien d'avoir raison post-mortem. L'étude du comportement, c'est vraiment une mayonnaise qu'on fait, et j'adore ça. Il faut arriver à nommer et quantifier certaines choses : il fait ceci, il fait cela, parce qu'il a fait cela avant, il était comme ceci, comme cela... La plupart des déductions, ce n'est pas juste dire : "Je le mettais sur As-Roi". Il y a une part d'instinct et d'ethologie, si on veut.

Tu étudies également le jeu au niveau technique ?

Il y a tellement de chantiers... J'ai construit une team autour de moi depuis plusieurs mois. Il y a déjà "bencb". Lui joue tous les dimanches les meilleurs du monde, alors il peut dire : "Ah, dans ce secteur, ils ne sont pas au top, alors on va travailler plutôt là-dessus", et ça c'est génial. Il y a aussi le jeu préflop, avec énormément de travail, de mémorisation. Mais il faut aussi comprendre comment les joueurs dévient des tableaux et comment on peut exploiter cela. Il faut utiliser des solvers, travailler soi-même. Ce qu'il m'a beaucoup apporté, c'est prendre des notes en regardant les vidéos, pour observer des erreurs ICM qui peuvent être catastrophiques. Il faut aussi construire une base de données sur ses adversaires.

Vuilleumier
Finalement, quand as-tu vraiment démarré les high-stakes live ?

J'avais joué un 10 000 $ à l'Aria l'année passée. Ma véritable entrée dans les high-stakes, c'était aux USPO en avril [une série de high-rollers organisée par PokerGO]. Il n'y avait que des 10k, on était là pour ça. Le but est de jouer ces gros tournois en live, mais aussi online.

Quel a été ton parcours initiatique dans le poker ?

En août, cela fera six ans que je joue au poker. J'ai commencé en cash-game en dilettante, puis je me suis focalisé dessus avec Poker Détox pendant un an et demi, et cela m'a permis d'intégrer les parties high-stakes. Et depuis janvier 2022, je ne fais que des tournois.

Avant le poker, tu étais maître international et coach renommé aux échecs. Qu'est-ce qui t'a poussé à sauter le pas vers le poker ?

En fait, à l'époque de Moneymaker, j'avais joué deux semaines, car je faisais toujours mes études à l'époque et je donnais des cours d'échecs pour les financer. J'avais adoré ça, mais j'avais compris qu'il fallait s'investir à 100% et travailler, ne pas faire cela en amateur. J'ai laissé ça en friche, car j'avais trop l'esprit de compétition pour ne pas le faire de manière sérieuse, et j'ai repris il y a six ans, après huit ans comme prof d'échecs. J'ai adoré ça, mais au bout d'un moment, tu as fait un peu le tour. Et tu veux vivre des choses toi-même, pas seulement à travers tes élèves. Or, aux échecs, il faut commencer très tôt pour être vraiment fort. Moi j'ai commencé très tard, à 13 ans.

C'est pour cela que tu es devenu prof d'échecs ?

J'ai fait une licence d'histoire aussi. Mais en donnant mes cours d'échecs pour financer l'université, je me suis rendu compte qu'en fait je préférais la relation pédagogique avec des enfants qui ont choisi les échecs, alors que prof d'histoire, tu passes plutôt ton temps à faire la police qu'autre chose. C'est ce qui m'a poussé à devenir prof d'échecs.

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Dans cette démarche pédagogique, coach poker, ça te tenterai ?

Je ne pense pas, même si je pense en toute modestie que je serai très bon pour mettre des mots sur ce que te racontes l'ordinateur, ce que j'ai fait pendant dix ans aux échecs. Mais mon idée est plutôt de gagner suffisamment pour pouvoir prendre ma retraite.

Quelles sont tes compétences de joueur d'échecs applicables dans le poker ?

Il y a la gestion des temps de concentration. Aux échecs, tu as des journées de 14 heures où il faut te concentrer comme un malade. Par exemple après le dinner-break, il y a parfois des petits passages à vide, alors que nous les joueurs d'échecs sommes encore frais, ça donne une longueur d'avance. Il y a aussi une logique intellectuelle : on arrive à réfléchir de manière abstraite, à reconstruire une main... Il y a cette même rétro-analyse dans le poker, où on voit plus tard ce qu'on aurait pu faire avant.

Penses-tu qu'un joueur d'échecs pourrait apporter quelque chose à un joueur de poker, s'il le coachait au niveau mental ?

Il y a déjà de plus en plus de coaching mental dans les échecs. Malheureusement, je crois qu'il faut voir les choses dans l'autre sens : il y a très peu de joueurs d'échecs qui sont millionnaires, et encore, seulement s'ils arrivent en finale des championnats du monde contre Magnus Carlsen. Il y a un match à 1 million tous les deux ans. Pourtant, les échecs sont beaucoup plus difficiles que le poker, car il faut s'user le corps et l'esprit durant des décennies pour arriver au top. Mais ça reste super mal payé, les à-côtés sont très peu développés, alors qu'au poker ils le sont beaucoup plus. Au poker, il y a des Master Class, différentes manières de présenter le coaching mental de manière spécifique. C'est moins développé aux échecs.

On a pu voir à l'œuvre la légende Magnus Carlsen sur le Main Event des WSOP l'an passé. Que pense-tu de lui en tant que joueur de poker ?

J'ai écrit un bouquin sur sa vie, mais je n'ai jamais joué au poker avec lui, malheureusement. Typiquement, en tant que joueur d'échecs, il est monstrueux pour bluffer, pour prendre des risques : il est tellement bon en défense qu'il peut exagérer jusqu'à un certain point, davantage que tous les joueurs du monde, car il arrivera toujours à défendre. Il a vraiment un rapport psychologique avec son adversaire, il fait ça magnifiquement bien, et ce serait naturel pour lui d'être très fort au poker. C'est triste à dire, mais une grosse différence entre Carlsen et les autres aux échecs, c'est qu'il fait moins d'erreurs. Et au poker, les meilleurs du monde le sont surtout parce qu'ils font moins d'erreurs que les autres, ils ne partent pas en tilt, alors que même chez des regs très forts, ça peut partir en sucette. Carlsen n'est pas plus fort parce qu'il trouve des meilleurs coups que ses adversaires, mais surtout parce qu'il fait moins d'erreurs. Il a aussi très bien compris ce que ça voulait dire d'être au top de sa forme, de bien manger, et c'est aussi important au poker.

La Suisse connait actuellement un bel engouement pour le poker en live. Ça t'inspire quoi ?

Cela m'intéresse, absolument. J'adorerais pouvoir jouer des tournois à Montreux, l'une des plus belles villes du monde, avec la vue, le lac. Le problème, je crois, c'est que pour les joueurs pros en Suisse, le fisc ne compte pas les années perdantes, comme en Espagne. Du coup, c'est impossible de vivre du poker en Suisse. Alors les pros sont partis, comme mon ami Dinesh Alt, un joueur online.

Schemion Alex
Existe t-il une scène de poker high-stakes en Suisse, live et online ?

Il y a des parties à Zurich, avec tous ces banquiers, et ça part en parties de dizaines de milliers de francs suisses. Après, je ne crois pas qu'il y ait des parties super high-stakes, à 200 000 € ou un million. En ligne, il y a Dinesh Alt, et quelques autres joueurs connus.

Quels sont tes futurs objectifs de carrière ?

Cette victoire sur le High Roller est un magnifique milestone, mais ce n'est qu'une étape. Mon objectif, c'est les Triton Series. Alors il ne faut pas d'endormir, ne pas se reposer sur ses lauriers, continuer à se battre tournoi après tournoi, aussi bien sur des 25k que des 1k ou des 3k. Dès le lendemain de ma victoire, j'ai rejoué.

C'est quoi ton programme pour la fin des Series ?

Je suis rentré au Costa Rica, où j'habite, après avoir tenté le satellite pour le High Roller à 100 000 €. Je reviendrai fin juin-début juillet. Je vais faire le Main Event, les 10k en NLHE à partir du 28 juin, y compris ceux de l'Aria. Enfin, cela dépendra des fields, mais on m'a dit que le niveau était mauvais l'an passé. Les variantes ? Cela ne fait qu'un mois et demi que j'ai à peu près compris les règles de l'Omaha...

Propos recueillis par Rootsah

Crédit photos : WSOP, Winamax*

*malheureusement, Alexandre est reparti au Costa Rica avant que nous ayons pu organiser une petite séance photo. Nos photos ont été prises au dernier EPT Londres.

Brian Rast : « Sur le PPC , il n’y a aucun endroit où se cacher »

C’est un Brian Rast bien enthousiaste qui apparait sur l’estrade télévisée. Après avoir remporté un sixième bracelet WSOP, son troisième sur le Poker Players Championship, le plus prestigieux tournoi du monde, pour un peu plus de 1,3 million de dollars, Brian a effectivement des raisons d’être heureux. Mais sur la scène High Roller, rares sont les joueurs aussi démonstratifs. Quelques minutes après sa victoire, le champion revient sur ce tournoi unique qu’est le PPC, le triplé qu’il vient d’accomplir, et sur cette émotion, qu’il savoure pleinement.

Event #43 : 50 000 $ Poker Players Championship (Fin)

Rast

Brian, on te voit aujourd’hui très expressif, très heureux, très ému, presque plus que lors des autres titres…

Ce troisième titre, il signifie beaucoup. Jusqu'en 2018, je jouais tout, tout le temps. J’allais régulièrement dans la Bobby’s room. Maintenant, je joue les WSOP tous les jours, je ne fais plus de cash game. J’ai peut-être une perspective différente, parce que je vois ma carrière de joueur de manière différente. Depuis l’année dernière, mon focus est sur les tournois. Et voir que cela paie, c’est très gratifiant.

Tous les titres sont satisfaisants, mais peut-être qu’en vieillissant, on apprend à savourer davantage quand les choses se passent bien. Aujourd’hui, ça s’est bien passé, mais ce n’est pas comme ça tous les jours. Les quinze derniers tournois que j’ai joués, j’ai du faire deux ITM. Le poker peut être dur dans ces moments-là. C’est beaucoup d’échecs pour des succès modérés. Et très rarement, il y a des grands succès. Je suis arrivé à un point dans ma vie où quand ça marche, il faut que j’en profite à fond.

Comment décrirais-tu cette émotion que tu exprimais au moment de remporter la main finale ?

C’est un mélange : du bonheur, du soulagement, de la fierté… Aussi, je pense à ma femme. Elle est au Brésil actuellement, mais la connexion que j’ai eu avec elle durant ce tournoi était très forte. Je lui envoyais un message à chaque break, je sentais cette confiance qu’elle avait en moi.

Déjà, lors du Super High Roller Bowl (qu’il a gagné pour 7 525 000), ma femme avait été primordiale . Elle était venu au Day 1, ce qui n’arrive jamais et m’avalait fait écouter ce chant appelé “Sara e Kali”, une sainte portugaise. C’est un Mantra de trois minutes que j’écoutais à chaque pause. Normalement, je ne fais jamais ça. C’est étrange mais les moments où j’ai eu le plus de succès dans ma vie sont ceux où j’ai été le plus connecté avec ma femme. Cela procure énormément d’émotions.

Tu viens d'être nommé pour entrer au Poker Hall of Fame. Tu n’as jamais caché que c’était un de tes objectifs ultimes. Est-ce que tu penses y avoir ta place ?

Entrer dans le Poker Hall of Fame me motive, et c’est aussi pour ça que je joue autant de tournois WSOP. J’ai joué les plus grosses parties de Cash Game, au Bellagio ou sur Full Tilt, j’ai joué les plus grands tournois du monde. Peut-être que je ne le fais plus aussi assidument aujourd’hui, mais j’ai eu ma période où je faisais ça. Et je gagnais. Pas autant que les Phil Galfond, Tom Dwan, mais je gagnais. Je pense juste que ce que j’ai fait parle de lui-même. Aujourd’hui, je continue de venir aux tables de poker et de faire ce que j’ai à faire du mieux possible. On verra ce que les gens du Hall of Fame pensent.

Rast 2
Tu as joué pendant cinq jours contre les meilleurs joueurs du monde. Quelle était ta stratégie pour faire la différence face à ce field ?

Vous savez, contre les meilleurs du monde, il n’y a pas vraiment de stratégie d’exploitation que vous pouvez vraiment faire. Quand vous jouez des adversaires qui font plus d’erreurs, oui, mais au plus haut niveau, ce n’est pas comme ça que l’on peut faire la différence. Ils jouent un poker trop solide pour ça. Ce que j’essayais de faire, c’est de me concentrer au maximum, de regarder toutes les mains, même quand je ne suis pas impliqué et prendre le maximum de reads que je pouvais. Je me suis senti confiant dans la plupart de mes reads aujourd’hui, même contre les meilleurs du monde, et je pense que cela a joué.

Tu as gagné six bracelets, dont trois PPC, tu as joué les plus grosses parties, tu vas peut-êtree intégrer le Hall of Fame… Qu’est-ce qui vient après ça ?

Je vais jouer au poker pendant le reste de ma vie. J’adore ce jeu. Il y a quelques années je me disais que j’allais peut être devenir trader… Mais ce style de vie ne m’attirait pas. Je ne jouerai pas un poker aussi hardcore qu’il y a quelques années, quand j’étais un monstre, mais je jouerai toujours. Je ne veux pas d’un job où je dois être à fond tout le temps. Le poker a ça d’unique. : si tu t’en vas pendant deux semaines sans jouer, ce n’est pas grave. Tu es off puis tu es on et c’est ce que j’aime.

C’est pour ça que je ne veux pas gérer une entreprise où gérer quelque chose au quotidien. J’ai peut-être la chance d’être assez bon au poker pour pouvoir gagner ma vie avec ça, d’investir cet argent et j’espère que cela va continuer. Donc je vais continuer à jouer. Et les WSOP sont devenus mon moment préféré. Parce que je joue tous les jeux.

C’est vrai que le poker, et je dirais malheureusement pour moi, a commencé à être “solvé”. Je dis ça parce qu’avant, j’étais relativement meilleur avant que les gens n’aient des réponses des solvers. J’ai continué de travailler, mais je n’aurais plus jamais cet avantage que j’avais il y a huit ou neuf ans. Pour autant, j’adore les World Series. Des tournois comme le "PPC" ou le Dealer Choice sont mes plus belles opportunités, parce qu’il n’y a aucun endroit où se cacher. Je pense que je peux jouer n’importe quelle variante à un très haut niveau. Évidemment, certains sont meilleurs dans certains jeux. Mais avec l’expérience que j’ai je pense avoir une compréhension globale du jeu et de toutes les variantes, notamment en Big Bet. Et on ne trouve que ces tournois ici, pendant les WSOP.

ITW : Ribouchon, grinder affuté, branleur assumé

Event #53 : 1 500 $ Millionaire-Maker

Il a pris deux bonnes heures pour digérer sa défaite en heads-up. Difficile cependant d’user le mot “défaite” quand on vient de remporter un million de dollars. Le bracelet lui a échappé de peu, mais dans le poker français, cette perf résonne comme une victoire. Elle constitue d’ailleurs le septième plus gros score réalisé par un joueur tricolore dans toute l’histoire des WSOP.

Cet exploit émane d’un homme bien connu du circuit, un visage que l’on voit, ou plutôt une voix que l’on entend depuis plus de douze ans. Florian Ribouchon n’est en effet pas connu pour avoir la langue dans sa poche. Quand il s’agit de balancer les vannes ou les chants avinés depuis le rail, il fait même partie des tous meilleurs. L’exercice de l’interview l’excite un peu moins. Avant de rejoindre justement le rail de Julien Sitbon, qui enchaine sur une nouvelle finale, quelques minutes après la sienne, Ribouchon a tout de même pris le temps de se livrer à nos micros. Il revient sur cette perf à sept chiffres, après douze ans de circuit, de hauts, de bas, de redressement et de plafonnements. Un score qui ne changera pourtant rien à ses habitudes, sa nature et à son côté “bralnleur” parfaitement assumé, loin du discours et des ambitions de high-stakers.

Ribouchon

Florian, comment te sens-tu après cette journée de poker ?

Un peu déçu, forcément. Ce n’est pas souvent qu’on est en heads-up d’un bracelet. Mais bon, il avait beaucoup d’avance. Et comme me disait Tonin (Teisseire) s’il y a un tournoi où c’est cool de faire deuxième, c’est celui-là. Il y avait tellement d’écart entre la troisième place et la deuxième place (350 000 $, contre “seulement” 200 000$ entre le 2e et le premier). J’avais l’objectif bracelet. Je savais que ça n’arriverait que dans quelques scénarios parmi tous les scénarios possibles. Finalement, je finis deuxième et je prends un million, il y a pire comme vie.

Tu me disais hier que tu étais sortie de précédentes finales avec des regrets. Qu’as-tu pensé de ta prestation aujourd’hui ?

Il y a cette dernière main ou je ne sais pas trop. Mais il était fort et il avait je ne sais pas combien d’avance. Ca ne doit pas valoir grand-chose. Sinon tout le reste, c’était bien. Je me sentais bien. Je n’étais pas stressé, car du moment où j’étais en accord avec moi-même, c’était bon. Les paliers à 350 000 $ ? C’était marrant. Pour moi, ce n’étaient pas des sous, c’étaient des numéros, des points. Je jouais pour des points.

Durant toute cette finale, tu avais des dizaines de potes derrière toi, littéralement. Ils étaient dans ton dos, à chanter, à t’encourager. Qui étaient ces gens et qu’est-ce que ça t’a apporté ?

C’est des gratteurs. Ils étaient juste là pour me gratter des sous. Non, pour la plupart c’est des très bons amis, il y a aussi des potes et même des gens que je connais “vite fait”. Ça fait kiffer, Tu as 60 personnes qui sont là pour toi, et tu sens qu’ils sont sincèrement heureux. Je montais sur l’estrade pour être avec eux pendant les all-in. Ma place, elle est là-bas avec eux. Normalement, c’est moi qui fais ce bruit.

Ribouchon

Ribouchon et son rail appelant la river

Ribouchon

Ribouchon et son rail après la river

Paul Guichard ne t’a pas lâché d’une semelle. On t’a vu aussi beaucoup parler à Alex Réard pendant les pauses. Quel genre de conseil te donnait-il ?

J’aime bien tailler les gens mais parfois, il faut savoir faire l’inverse. Envers Alex (Réard), je suis très reconnaissant. Ce n’est pas quelqu’un que je vois tous les jours, mais ça fait dix ans qu’il est dans mon entourage poker. À chaque fois, il a des petits mots, il est là pour te donner des conseils, comme aujourd’hui. C’est difficile d’estimer la value de ces choses-là, mais ça compte énormément. Et puis, la partie s’est finie tôt, mais il était prêt à ne pas jouer le 5k 6-max pour m’encourager jusqu’au bout. Ça aussi, ce sont des signes qui ne trompent pas.

« On va pouvoir mettre du beurre dans les pâtes. Et même du jambon, de la sauce, du parmesan ! »

Avant de revenir sur cette perf’, tu peux nous retracer un peu ton parcours de grinder et sur tes débuts dans le poker ?

D’abord, j’ai joué au foot à un niveau correct. Ensuite, j’ai arrêté, je me suis mis aux jeux vidéo et dans le groupe avec qui j’étais il y en a qui jouaient au poker. Ce sont eux qu’ils m’ont mis dedans. Ils ne sont pas là aujourd’hui, mais je leur suis reconnaissant. Le mec en question saura se reconnaitre. D’ailleurs, on peut dire le prénom, merci Jerem’. J’ai arrêté l’école et j'ai fait une année d’interim. Puis je me suis fait insulter par un patron et je me suis dit “vas-y, plus jamais, je veux plus ça” ». Je me suis mis vraiment dans le poker à partir de 2008, 2009, c’est là que je suis passé pro.

Durant tes douze ans de carrière, tu as fait quelques coups d’éclat, sur des IPO, des WSOP-C Cannes, des WPT Deepstack à Paris… Mais ça faisait quelques années qu’on te voyait moins…

En fait, je me suis fait redresser en France il y a deux ans et demi. Ça m’a mis un petit coup. Donc après ça, je n'étais pas très frais. Là, on va pouvoir mettre du beurre dans les pâtes. Et même du jambon, de la sauce, du parmesan ! Nan, je n'étais pas très frais, mais ça va mieux maintenant. Depuis hier ça allait mieux déjà.

Ribouchon

Je ne sais pas si tu te souviens, mais l’année dernière en sortant du Main Event tu me disais…

Je sais très bien ce que tu vas me dire. J’étais sorti du Main Event et je t’avais dit “ça casse les couilles de pas être millionnaire”. Je m’en souviens très bien et j’y pensais même tout à l’heure. Pour autant, j’ai gagné 1 million, mais je suis encore loin d’être millionnaire. Enfin, je suis millionnaire jusqu’à ce que je paye les autres (ceux qui m’ont acheté de l’action).

On peut dire que je suis millionnaire de cœur. Qu’est-ce que ça fait ? Comme dit Zidane, c’est bieng. Non, ça fait plaisir. Même pour les gens qui ont mis des sous sur moi depuis des années, c’est cool de pouvoir leur redonner. Parce qu’en fait, je ne serais pas venu sinon.

« Les blaireaux qui font des 100K en mangeant des graines, ce n’est pas moi »

Ça va changer quoi ce score ?

Pas grand-chose. J’ai monté plusieurs fois pas mal, j’ai re-dégueulé plusieurs fois pas mal. Je pense que là, j’ai compris, je n'ai plus envie de refaire de la merde. Je vais essayer de faire bien.

C’était quoi, du spew, de la mauvaise gestion de BRM…

Tout. On vit bien ici.

Est-ce que ce genre d’accomplissement faisait partie de tes objectifs ?

Faire une “TF” WSOP, oui. Gagner 1 million, non. Ca n’arrive jamais ça normalement. Je ne joue ni de 25k, ni même des 10 ou des 5k. Je n’ai pas vraiment d’objectifs à accomplir particulièrement.

Ribouchon

Tu renvoies un peu cette image de joueur kiffeur, un peu en dilettante, ce qui est assez paradoxal dans un monde qui requiert énormément de travail, de discipline, que tu fournis surement par ailleurs ?

Pas trop non. Je suis un branleur moi. J’ai quand même un peu d’autres revenus à côté, ce qui me rend branleur. Si je ne les avais pas, peut-être que je me serais plus bougé le cul. Si je veux continuer à jouer et que le poker soit mon activité principale, il faut que je redevienne bon. Parce que je sais que depuis les dernières années, j’ai pris du retard c’est sûr. Il y a plein de mecs qui sont meilleurs que moi. Même les solvers. J’en fais un peu, mais quand j’en fais une heure, les autres ils en font vingt.

Est-ce que tu as envie de rattraper ce retard ?

Je pense qu’il faut trouver le juste milieu. Les blaireaux qui font les 100k là, en mangeant des graines, je ne ferai pas ça, c’est pas moi. Me remettre à niveau, ça oui. Je ne vais pas me mettre à jouer les tournois où je ne serai pas bon. Soit tu progresses en travaillant, soit tu restes à ta place à jouer les tournois moyens. Moi ma place, c’est de jouer les 1 000, 1 500, peut-être les 2 000, je ne suis pas perdu encore. Il y en a souvent qui pète les plombs après avoir fait un gros score, ils pensent être les meilleurs du monde. Je suis aussi fort qu’il y a cinq jours, je suis juste un peu plus frais, j’ai chatté un tournoi de 10 400 joueurs. Il faut savoir rester à sa place.

Propos recueillis par Fausto Munz

Ian Matakis « Je n’avais pas prévu de jouer le POY. C’est arrivé en chemin »

Il est l’une des sensations de ces WSOP et l’invité surprise dans la course au "Player of the Year“. Reg lambda il y a encore quelques semaines, Ian enchaine les performances remarquables et les deep runs depuis le début du festival. Surfant sur un run indécent, cet Américain d'origine grecque a enchainé une victoire sur le premier 500 $ un Online, par une finale sur le 600$, le 1 500$ 6-max et ce vendredi sur le 5 000 6-max. Ajoutez quatre Top 20, dont un sur le Millionaire-Maker devant plus de 10 000 joueurs et vous avez le favori pour le POY, à l’approche de la dernière ligne droite… Qui commence avec un nouveau Day 3, puisque le lendemain de sa dernière table finale, Ian Matakis se retrouve à 11 left du plus gros buy-in de sa vie, le 50 000 $ PLO et de 2 303 017 $

Matakis

Bonjour Ian. Tu es l’un des phénomène de cette édition WSOP et l’actuel leader du classement POY. Pour autant, le public français te connait très peu, pourrais-tu nous raconter ton back ground poker ?

Je joue de manière professionnelle depuis un peu plus de quatre ans, mais j’ai commencé à jouer très jeune. C’est ma grande sœur qui m’a appris les règles. On jouait dans la famille à des jeux pour quelques centimes. J’ai toujours eu un intérêt pour le jeu. J’ai commencé à grinder online quand j’étais à l’université et le chemin est parti de là. Maintenant, je joue aussi en Live. Tous les buy-in compris entre 500$ et 25 000$ m’intéressent.

Avais-tu prévu de concourir pour le “Player of the Year” cette année ?

Non. C’est arrivé en route, bien sûr. J’étais venu tout de même avec l’intention de jouer une grosse partie du programme. Mais maintenant, je joue plus et plus cher que ce que j’avais prévu. Je ne prends pas de Day-off, le POY est devenu un véritable objectif.

Comment juges-tu ta première partie des Series ?

(Il s’arrête et rit un instant) C’était bien. Il y a eu quelques moments cruciaux où je n’étais pas loin de faire encore mieux. Mais je ne vais pas me plaindre. Il y a plein de gens ici qui n’arrêtent pas de perdre, de run bad. De mon côté, ça a été un très bon été depuis le début et j’espère que ça va continuer.

On a l’impression que tu deep run tous les tournois auxquels tu t’inscris…

Oui, c’est assez incroyable. Hier encore, j’ai fini 7e du 6-max 5 000$. Ce matin, j’entre au Day 2 du 50 000 $ PLO avec seulement vingt blindes. Et me voilà à 11 left, avec un bag pour le Day 3. Je pense que je joue très bien, mais il n’y a aucun doute sur le fait que je run très bien depuis le début. Aucun.

Matakis

Un trio de prétendants se dessine, avec Shaun Deeb et Mickael Rodrigues. Ce sont des joueurs que tu connais ?

J’ai rencontré Deeb la nuit dernière. On a discuté un petit peu de tout ça, et à vrai dire, c’est lui qui m’a convaincu de m’inscrire sur ce tournoi qui est assez cher. Il est la raison pour laquelle j’ai joué ce PLO. Mickael, je l’ai rencontré aussi aujourd’hui. Ça a l’air d’être un mec bien et on s’est dit qu’on allait échanger sur nos connaissances poker. Il pourrait m’aider en mixed et moi en No-Limit.

But those tourneys don’t count for poy this year so they are useless https://t.co/bHJHH6a9Oc

— shaun deeb (@shaundeeb) June 28, 2023

As-tu la sensation de vivre un tournant dans ta carrière ?

Définitivement. Et ça me donne envie de m’entrainer davantage sur les différents jeux. Sur les prochains WSOP, j’aimerais jouer plus de variantes. Ces différents runs m’ont donné plus d’expérience et de confiance.

Merci Ian, et bonne chance pour le Day 3.

Oléon : « On va revenir les valises pleine d’argent et de souvenirs »

Pour son 59e annviersaire, Jérémy et Julien offraient à leur maman ce dont elle rêvait depuis longtemps : un voyage à Las Vegas. Cette famille de passionnés vivait ainsi leur première fois dans la capitale du jeu. Elle se ponctue par le one-time de Julien Oléon, 3e du Mini Main Event, pour 255 215 $. Une perf' stratosphérique, inattendue, sous les yeux de sa famille. Quelques minutes après son élimination, l’amateur auvergnat se livre à nos micros pour commenter son exploit.

Oleon

Jeremy, tu viens de finir 3e du Mini Main Event pour 255 215 $. Comment tu te sens ?

Le premier truc qui m’est passé par la tête, c’est un brin de déception. Quand on arrive là, on veut toujours viser plus haut et aller chercher le bracelet. Mais quand je prends un peu de recul, c’est juste incroyable. Je joue trois tournois dans l’année. Soit à Royat à coté de chez moi, ou sur un week-end à La Grande Motte une fois par an… Et je suis là, aux WSOP avec les plus grands. Finir 3e sur plus de 5 000 joueurs, je n'arrive toujours pas à réaliser, c’est juste incroyable.

J’ai l’impression que tu prends déjà beaucoup de recul, alors qu’il y a cinq minutes, tu jouais une partie à un demi-million de dollars, où le chiplead valsait toutes les cinq minutes. Comment as-tu vécu tous ces swings ?

C’était fort en émotions, mais j’ai réussi à rester dans ma bulle. Je suis resté concentré au maximum, j’essayais de faire abstraction de tout ce qu’il se passait à l’extérieur, de jouer mon jeu et de profiter surtout ! C’est le truc qui arrive une fois dans sa vie. Enfin, si ça arrive. Hier déjà, je n'avais même pas regardé les paliers d’après. Je ne voulais pas trop me projeter. Juste vivre le moment présent, jouer, profiter et aller le plus loin possible.

"Mon rêve, c'était d'avoir un ITM"

Justement sur les jours précédents, comment ça s’est passé ?

Les jours d’avant, j’avais fait le Colossus. J’ai joué 2h sur le 1A, deux heures sur le 1B et troisième bullet sur le 1C, j’ai joué une heure je pense. Vraiment, je ne m'étais même pas amusé. Le Mini Main, ça a bien commencé, j’ai joué un jeu peu low-variance et j’ai monté les jetons tranquillement. Je me suis retrouvé avec quatre startings stacks après deux heures. Après j’ai stagné, et j’ai quasi plus joué pendant quatre heures jusqu’à la bulle. Je me retrouve à 90 000, soit quatre blindes, mais mon objectif, c’était de faire l’argent. Je rêvais d’être ITM, d’avoir ma petite ligne WSOP Las Vegas… Je jouais pour ça ! J’aurais pu avoir n’importe quelles cartes à la bulle, je les aurais jeté. Même les As, j’aurais jeté, je voulais le min-cash.

Jérémy Oléon

Au Day 3, tu t’es retrouvé avec un gros avantage après le coup A-Q contre A-J, puis derrière, la finale a encore basculé.

Je fais un call un peu limite. Je le vois vraiment sur un tirage manqué. Ce qui me fait payer, c’est que je regarde ces jetons et je me dis si le call passe, il va lui rester 20 millions, l’autre 10 millions, j’en aurais eu 280. C’était le call de la gagne en fait. C’est ce qui me fait payer.

"C'est ma mère qui nous a appris le poker"

Jérémy Oléon

On avait rencontré ta maman Patricia lors du SISMIX. C’est elle qui vous a initié au poker ? C’est quoi vos habitudes de jeu dans la famille ?

On joue depuis longtemps avec ma mère et mon frère. C’est ma mère qui avait commencé à jouer à Royat, elle faisait des initiations au poker. Elle nous a appris, puis on s’est pris au jeu. On est des joueurs dans l’âme. J’adore jouer, pas seulement aux jeux d’argent. Mais ça reste un loisir, je joue quand j’ai le temps.

Patricia nous a dit que tout est parti d’un cadeau d’anniversaire : un voyage à Las Vegas que ton frère Julien et toi lui avez offert. Comment ça vous est venu ?

On savait qu’elle voulait aller à Vegas, mais elle ne parle pas un mot d’anglais donc Vegas toute seule, c’était compliqué. Elle avait failli partir toute seule quand même en décembre dernier. Elle était motivée. Avec mon frère, on s’est dit que ça ferait un beau cadeau. Pas de 60 ans, puisqu’elle n’aime pas fêter les dizaines, mais pour les 59 ans, c’est bien. Et nous aussi on adore le poker, donc on était content d’être là aussi. C’est quelque chose qu’on fait une fois dans sa vie.

Altéras

C’était une très belle idée de cadeau et je crois que le destin vous récompense aujourd’hui…

Oui, je n'en reviens toujours pas. On va revenir les valises pleines d’argent et de souvenirs.

Est-ce que ça va te donner envie de revenir, de faire d’autres tournois, de jouer plus cher ?

Ce n'est pas ça qui me fera jouer plus cher. Ça va peut-être me donner envie de jouer plus, mais pour ça, il faut du temps. J’ai ma famille, j’ai mon boulot, j’ai des amis… Je n'ai pas envie de passer ma vie à travers les villes pour faire plein de tournois. Faire ce que je fais aujourd’hui, ça me va très bien. C’est plus qu’un kiff, mais c’est un moment, on va dire.

Jérémy Oléon

Juste après ta sortie, je t’ai vu d’ailleurs prendre le téléphone.

C’est ma femme et mes deux enfants. Déjà hier, avec le décalage, quand elle est allée se coucher, il restait quelques chose comme 350 joueurs. Quand je l’ai réveillée, on était plus que 5 et j’avais mis les jetons dans le sac, avec 147 000 assurés. Elle ouvrait les yeux et elle se disait “Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ?”. Là, troisième, elle est super contente. Bien sûr, dommage de pas aller au bout. D’ailleurs, c’est celui qui était short qui se retrouve super chipleader. Il a enchainé les double-up, il y a ce coup où on partage… Mais bon, j’en ai touché aussi des comme ça pour être là aussi. C’est le poker.

Et du coup, on file buy-in le Main Event ?

Ah, non. On part vendredi de toute façon. Et puis on a nos femmes et nos enfants qui nous attendent. On va peut être faire le 800 $ du Venetian, mais on va surtout profiter de Vegas en famille.

Propos recueillis par Fausto Munz

Shishi, avalanche d’émotions et légions de nuits blanches

Il s’est mangé une horreur sur un pot à monstrueux à 78 left du plus beau tournoi du monde. Pour son premier Main Event, Shishi a vu son parcours féérique s’arrêter brutalement, sur une river qui restera peut-être à jamais son plus gros bad beat. « J’ai le droit de whine pour toujours », réagissait l'anmitaueru du CP Radio, à chaud. Une petite balade le temps de “tuer le tilt”, puis Mickael revenait nous voir à la table des journalistes. Non pas pour "whine", mais pour partager son ressenti sur sa semaine irréelle, qui a fait vibrer le joueur, ses amis, ses followers et toute la communauté du poker français.

Shishi

« Ça m’a détruit, pose le joueur au moment de revenir sur le fameux bad-beat. D’abord, j’ai pleuré. Puis on a marché sur le Strip avec Timothée (son collègue vidéaste). J’avais envie de manger un truc gras et dégueulasse, confesse franchement le joueur, qui semble avoir digéré le busto en même temps que la malbouffe. On s’est baladé et j’avais l’impression de découvrir la ville. Avec ce deep run, je n’ai eu le temps de rien faire d’autres ».

Pendant le séjour, on n’a vu beaucoup de grinders nous dire qu’il passait plus de temps au bord de la piscine qu’aux tables de poker. Shishi, lui, n’a connu de Vegas que le bruit des jetons, les niveaux de deux heures et l’atmosphère unique du Main Event. « C’est vraiment un tournoi qui a une âme. Beaucoup de grinders m’en avaient parlé. Avec tous les CP Radios, il y avait beaucoup de choses que j’avais anticipé au sujet de ce tournoi. Le fait de ne pas se projeter, le côté survie, marathon, l’importance de prendre son temps… C’est comme si j’en avais fait l’expérience par procuration » déclare l'animateur, reprenant la formule que Benjo lui avait trouvée lors de son débrief de fin de Day 5.

Shishi avait visualisé le tournoi, mais il l’avait surtout très bien préparé. Depuis le début de l’année, le joueur de cash-game a entamé sa reconversion vers les MTT. Évidemment, c’est plus facile quand certains de vos amis figurent parmi les meilleurs joueurs du monde dans ce format. « J’ai vraiment bossé avec Sylvain (Loosli) et Flavien (Guénan). C’était aussi un prétexte pour créer du contenu sur la chaîne, mais grâce à ça, j’ai énormément progressé. Je me sentais à l’aise à table et j’ai vraiment pu mettre en pratique les choses que j’avais apprises ». Shishi a joué des lines subtils, remporté des pots énormes, tenu tête à Jason Koon… Cette performance n’aurait pas existé sans ces six mois de boulot.

Shishi

Le destin s’en est aussi mêlé. Comme lorsqu’en début de Day 2, Shishi créait un pot à 3 averages avec deux Rois contre deux As et frappait le Roi au flop. Deux jours plus tard, il vivait à son tour le cauchemar du poker en se faisant craquer deux As par deux Rois. Au Day 5, il prenait encore deux Rois contre deux Dames pour tomber à deux blindes… Le reste appartient à l’histoire.

Une histoire qui a fait vibrer le poker français, depuis les bords du rail de l’Event Center jusqu’en France. Dans les studios du Club Poker Radio, sur les écrans des abonnés Kill Tilt et dans des chambres de Paris ou du 95, combien de nuits blanches a causé Shishi ? Des dizaines, des centaines d’amis, followers, ou simple amateur de poker étaient derrière les coverages, Instagram, streaming pour pouvoir trouver la moindre information sur celui que les chipcounts appellent Mickael Berrio.

« J’avais aussi tous mes potes hors poker. Ils ne comprennent rien au jeu mais ils ne dormaient pas non plus. Ils m’envoyaient des messages par rapport au coup, au coverage, pour savoir “qu’est-ce que ça veut dire ce truc” » rapporte Shishi, qui a également provoqué des émules dans la maison mère du Club Poker.

L’animateur de la meilleure émission de radio pokeristique inspirait à chaque nouvelle journée un billet d’humeur de son collègue et ami SuperCaddy. Des articles aussi mémorables que le parcours du joueur français, témoignant de la résonance de sa performance à travers notre communauté. C'est que Shishi est un fédérateur, un homme apprécié de tous les gens du métier, tous les passionnés des cartes, qu'on l'ait vu sur ses vidéos, entendu à la radio ou rencontré en chair et en os.

Shishi

Cette épopée restera gravée dans sa mémoire… Mais aussi sur Youtube puisque chaque chapitre de son aventure a été capté par la caméra de Timothée. À la manière d’une série mythique de Winamax, le vidéaste a suivi Shishi et ses collègues de Kill Tilt tout le long de ce Main Event. « Le Vlog va être énorme » s’enthousiasme le protagoniste, qui n’aurait jamais imaginé proposer autant de matière.

Le dérushage risque de prendre quelque temps mais on a déjà hâte de voir le futur « Dans la tête d’un Shishi ». Et de revoir le nouveau crack du MTT sur d’autres grandes étapes. N’oublions pas que ce n’était qu’une première.