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WSOP 2009 - Main Event - Jour 8

Made in America

Mercredi 15 juillet 2009. Cinquantième et dernier jour de notre été aux World Series of Poker. Une folle aventure se termine aujourd’hui. Le dernier chapitre d’un long roman sera écrit aujourd’hui. Après six semaines de joies, de peine, d’extase, de déception, d’euphorie et de pleurs, que nous réserve l’épilogue de cette épopée ?

Dans l’Amazon Room presque entièrement vidée, 26 hommes et une femme se sont donnés rendez-vous autour des trois dernières tables du plus gros tournoi de poker de la planète. Pour eux, le rêve américain vanté par la publicité n’est plus une chimère, mais une réalité palpable. Il y aura seulement neuf places autour de l’ultime table, neuf façons de voir sa vie changée à tout jamais. L’argent et la gloire sont là. A eux de jouer la plus importante partie de cartes de leur vie pour s’emparer des deux.

La bataille sera âpre. La partie se poursuivra jusqu’aux petites heures de la nuit. Pour la première fois en quarante ans de World Series of Poker, plusieurs compétiteurs français sont en position pour décrocher le titre ultime.

Nicolas et Ludovic au Rio le lendemain de notre arrivée à Las Vegas, le 26 mai 2009

Après deux ans de succès ininterrompu, le Team Winamax va encore plus loin, encore plus haut, envoyant un de ses représentants au huitième jour du Main Event. Ludovic Lacay peut-il réaliser l’exploit et revenir en novembre pour la table finale ?

Tableau de bord
27 joueurs restants (sur 6,494 au départ)
Blindes : 60,000/120,000, ante 15,000
Tapis moyen : 7,21 millions

Les trois dernières tables

Nos trois français sont assis à la même table : ça sera plus simple pour suivre.

Table B1
1/ Jesse Habbak (USA) 2,750,000
2/ Ian Tavelli (USA) 4,385,000
3/ James Calderaro (USA) 6,475,000
4/ Jonathan Tamayo (USA) 3,300,000
5/ Warren Zackey (Afrique du Sud) 5,485,000
6/ Eric Buchman (USA) 10,005,000
7/ Leo Margets (Espagne) 1,530,000
8/ Tommy Vedes (USA) 5,070,000
9/ James Akenhead (UK) 8,615,000

Table B2
1/ Phil Ivey (USA) 11,350,000
2/ Jeff Shulman (USA) 10,170,000
3/ George Caragiorgas (Canada) 1,615,000
4/ Nick Maimone (USA) 1,545,000
5/ Andrew Lichtenberger (USA) 5,625,000
6/ Marco Mattes (USA) 5,285,000
7/ Joseph Cada (USA) 6,565,000
8/ Darvin Moon (USA) 20,160,000
9/ Jordan Smith (USA) 4,510,000

Table B3
1/ Jamie Robbins (USA) 9,785,000
2/ Antonio Esfandiari (USA) 4,470,000
3/ François Balmigère (France) 1,440,000
4/ Ludovic Lacay (Team Winamax) 5,610,000

5/ Steven Begleiter (USA) 11,885,000
6/ Ben Lamb (USA) 9,410,000
7/ Antoine Saout (France) 11,135,000
8/ Kevin Schaffel (USA) 11,245,000
9/ Billy Kopp (USA) 15,970,000

L’échelle des prix

Vainqueur : 8,546,435$
2e : 5,182,601 $
3e : 3,479,485 $
4e : 2,502,787 $
5e : 1,953,395 $
6e : 1,587,133 $
7e : 1,404,002 $
8e : 1,300,228 $
9e : 1,263,602 $

12e à 10e : 896,730 $
15e à 13e : 633,022 $
18e à 16e : 500,557 $
19e à 27e : 352,832 $

27 joueurs pour 9 places en finale

  1. Darvin Moon 20,160,000
  2. Billy Kopp 15,970,000
  3. Steven Begleiter 11,885,000
  4. Phil Ivey 11,350,000
  5. Kevin Schaffel 11,245,000
    6. Antoine Saout 11,135,000
  6. Jeff Schulman 10,170,000
  7. Eric Buchman 10,005,000
  8. Jamie Robbins 9,795,000
  9. Ben Lamb 9,410,000
  10. James Akenhead 8,615,000
  11. Joseph Cada 6,650,000
  12. James Calderaro 6,475,000
  13. Andrew Lichtenberger 5,625,000
    15. Ludovic Lacay (Team Winamax) 5,610,000
  14. Warren Zackey 5,485,000
  15. Marco Mattes 5,285,000
  16. Tommy Vedes 5,070,000
  17. Jordan Smith 4,510,000
  18. Antonio Esfandiari 4,470,000
  19. Ian Tavelli 4,385,000
  20. Jonathan Tamayo 3,300,000
  21. Jesse Haabak 2,750,000
  22. George Caragiorgas 1,615,000
  23. Nick Maimone 1,545,000
  24. Leo Margets 1,530,000
    27. François Balmigère 1,440,000

Tableau de bord
27 joueurs restants (sur 6,494 au départ)
Blindes : 60,000/120,000, ante 15,000
Tapis moyen : 7,21 millions

Premières escamouches
Et premier sortant français de la journée

Je n’ai jamais été aussi nerveux devant le spectacle d’une bande de types en train de jouer aux cartes. Ludovic était moins stressé que moi. Deux verres hier soir ont suffi à lui procurer le « buzz » nécessaire pour dormir comme un bébé à la veille de la partie de poker la plus importante de sa vie.

La partie a commencé dans une atmosphère incroyablement calme. Les spectateurs sont venus en masse, mais les célébrations sont pour le moment restées assez discrètes. Chacun est conscient de l’enjeu, et préfère laisser les joueurs se concentrer au maximum.

En quarante-cinq minutes de partie, deux éliminations sont à déplorer, dont celle de la dernière joueuse en course, Leo Margets. L’espagnole succède donc à Tiffany Michelle au poste de « Last Woman Standing ».

Ludovic, François et Antoine sont assis à la même table sur le podium ESPN secondaire. Ce n’est pas une table télévisée à proprement parler : les caméramen se contentent de filmer les coups potentiellement intéressants. Et pour l’instant, il n’y en a pas eu beaucoup : chacun des joueurs dispute une partie relevée. Chaque jeton est âprement disputé. Les showdowns sont peu nombreux.

Ludovic s’implique dans beaucoup de coups, sans trop de succès pour le moment. Je l’ai vu payer deux relances pour se coucher ensuite sur le flop. Je l’ai vu aussi initier l’action avec une relance au bouton payée par la grosse blinde. Le joueur du Team Winamax remporte le pot avec un continuation-bet sur le flop [7d][4c][2c].

Son voisin François Balmigère a doublé d’entrée de jeu – avec dix grosses blindes, il en avait bien besoin. Le toulousain ami de Cuts a trouvé un As sur le turn pour compléter son As-Dame et battre la paire de Rois de son adversaire. Mais cela ne suffira pas : tandis que j’écris ces lignes, on vient d’annoncer au micro l’élimination de Balmix, à une très belle 25ème place. Il remporte 352,832 dollars, et est le premier sortant français du jour. Félicitations à lui ! Et petit bonjour au passage à toute la communauté des limpers dont Balmix fait partie…

On équipe les joueurs de micro à leur arrivée

Les deux toulousains des demi-finales : François Balmigère et Ludovic Lacay

Antonio Esfandiari tient cour auprès de ses fans

Tableau de bord
24 joueurs restants (sur 6,494 au départ)
Blindes : 60,000/120,000, ante 15,000
Tapis moyen : 8,117,000

Helter Skelter

Après deux heures de jeu, il était temps de prendre un break. Le premier niveau du Day 8 n’a pas été tendre envers Ludovic Lacay, qui a perdu plus de la moitié de son tapis pour tomber à deux millions seulement. Le pro du Team Winamax est officiellement short-stack : les blindes vont passer à 80,000/160,000, ante 15,000. La stratégie sera simple, comme il l’explique lui-même : « La prochaine fois que je relance, ce sera pour tout mon tapis. »

Comment Ludovic a t-il perdu ses jetons ? Rien de très compliqué. Des relances payées qui manquent le flop. Des calls qui check/foldent au flop. Et un gros coup perdu contre son compatriote Antoine Saout, qui, avec A-9, trouve un As sur la rivière pour battre la paire de Dix de Cuts. Saout se maintient bien aux alentours de dix millions.

Comme l’on pouvait s’y attendre, le rythme des éliminations est au point mort. On vient néanmoins de perdre l’un des derniers joueurs médiatiques encore en course : Antonio Esfandiari. Le magicien a fait un move avec une paire de 5 sur le flop T-4-2 avec deux carreaux. Il y avait déjà beaucoup d’argent au milieu : Steven Begleiter ne pouvait décemment pas jeter son K-T.

La partie va bientôt reprendre. Mon prochain post annoncera l’une des deux choses suivantes : l’élimination de Ludovic, ou son double-up. Croisons les doigts. C’est tendu maintenant. Le joueur du Team Winamax n’a été à tapis couvert qu’une seule fois durant toute la partie. Il ne peut plus y échapper, maintenant.

Selon www.worldseriesofpoker.com :

Billy Kopp : chip-leader avec 27,8 millions
Phil Ivey : en baisse avec 6,87 millions

Antony Lellouche est là en soutien

Tableau de bord
23 joueurs restants (sur 6,494 au départ)
Blindes : 80,000/160,000, ante 15,000
Tapis moyen : 8,47 millions

Plus que deux tables !

L’action fut frénétique durant l’heure qui vient de s’écouler, avec pas moins de cinq éliminations ! Le très short Marco Mattes a poussé ce qui lui restait avec une paire de 5, trouvant un payeur avec une paire de 8. L’allemand ne s’est pas amélioré. Puis, Warren Zackey est tombé avec une paire de 2 contre QJ (de « belles » mains pour envoyer tapis – pourtant, on est bien aux championnats du monde et pas sur un Mad Tilt) Il fut suivi par Jonathan Tamayo, éliminé lors d’une confrontation plus classique : AQ contre KK. Puis ce fut le tour de George Caragiorgas, envoyant son tapis avec un tirage contre le brelan floppé de Nick Maimone : le turn apporte directement le carré, faisant tomber le public à la renverse. Un main parfaite pour la télé. Enfin, Tommy Vedes a poussé ses vingt blindes avec une paire de 3 sans trop de fold equity. Mauvaise idée : Eric Buchman détenait une paire de 7.

Tous ces joueurs remportent 352,832 dollars pour leurs efforts, tandis que les 18 derniers joueurs sont tous assurés de remporter au moins un demi-million de dollars. Ce qui signifie que quoi qu’il arrive, Ludovic Lacay empochera aujourd’hui son plus gros en deux ans de présence sur le circuit professionnel.

La table finale du plus gros tournoi du monde n’a jamais été aussi proche. La moitié des joueurs encore en course l’atteindront.

Avec 2,7 millions, Ludovic Lacay reste le plus petit tapis, mais il est encore permis d’esperer. Antoine Saout reste constant avec 10,2 millions. Phil Ivey est toujours dangereux, malgré un tapis en dessous de la moyenne de 5 millions.

Les prix restants à être distribués aujourd’hui :

16e à 18e : 500,557 $
13e à 15e : 633,022 $
10e à 12e : 896,730 $

Tableau de bord
18 joueurs restants (sur 6,494 au départ
Blindes : 80,000/160,000, ante 20,000
Tapis moyen : 10,5 millions

Sir Cuts : 16ème sur 6,494 !

17h25. Las Vegas, Nevada. Ludovic Lacay se tient debout au milieu de l’Amazon Room presque entièrement désertée. A la main, un bloc compact de billets de cent dollars, et un chèque au montant avoisinant le demi-million de dollars.

Le rêve s’est achevé en 16ème place. Le prix de consolation – une belle consolation – a été collecté à la caisse. Les amis du Team Winamax attendent dans le couloir, déçus et impatients de pouvoir réconforter leur ami. ESPN veut connaître les impressions du dernier joueur éliminé en date, et Ludovic leur donne bon gré mal gré, peinant à retenir ses larmes.

« J’ai perdu la moitié de mon tapis durant le premier niveau », dit-il en anglais aux caméras. « Après, je n’avais plus grand chose à faire, à part attendre une coin-flip, et la gagner. » Après trois heures passées à jeter patiemment ses cartes, Ludovic l’a finalement trouvée, cette coin-flip : une paire de 7 contre [As][Ks] chez Jeff Schulman, l’antipathique patron du magazine Card Player. La pièce est tombée du mauvais côté, et juste comme ça, c’était fini.

« Je suis tout de même content d’avoir atteint les deux dernières tables, histoire de gagner un peu plus d’argent. Quand on se retrouve short-stack comme moi, la stratégie optimale n’est plus d’atteindre la table finale, mais d’essayer d’atteindre le prochain palier de prix. »

« J’ai gagné énormément en expérience, et en confiance », poursuit-il. « Maintenant, je sais que je suis capable de tenir la distance sur huit jours. »

Huit jours de poker magiques qui auront fait vibrer toute la communauté du poker français. Huit jours avec des hauts et des bas, des coups de bluff et des coups de chance, des coups de folie et des coups d’audace.

Cette seizième place acquise face à 6,494 joueurs restera comme l’une des plus belles démonstrations de talent de l’histoire du poker hexagonal, et écrit une nouvelle belle page dans l’histoire du Team Winamax.

Nul doute que de très belle performances attendent Ludovic dans les années à venir, lui qui a disputé son premier tournoi pro il y a deux ans à peine. Le prochain rendez-vous ? Ce soir, quelque part dans une boîte de nuit de Vegas, où Cuts noiera sa déception dans le champagne en compagnie des joueurs du Team encore présents à Vegas. Coverage complet prévu sur Twitter. Je plaisante.

La sortie de Ludovic laisse Antoine Saout seul pour porter les espoirs français, comme aurait pu écrire le journaliste sportif que je fus brièvement il y a trois ans. Antoine évolue depuis trois heures en table télévisée, et a pas mal souffert, voyant ses relances fréquemment sur-relancées. A chaque fois, Antoine a du jeter ses cartes, le faisant chuter en dernière place au classement. Puis est venu cette main récente où Antoine a dit « STOP », a fait tapis après une énième sur-relance adverse, sur le flop 8-8-3. Il n’est pas payé et remporte le pot, reprenant quelques couleurs.

Antoine possède 7 millions environ, tout comme Phil Ivey. C’est en dessous de la moyenne, mais c’est loin d’être désespéré. Par contre, si Ivey était éliminé avant la table finale, je doute que peu de monde va se passionner pour la retransmission d’ESPN.

Ils sont encore 14 à pouvoir prétendre au titre convoité de « November Nine », les voici :

Steven Begleiter 26m
Eric Buchman 26m
Darvin Moon 24,9m
Joseph Cada 17m
Jordan Smith 16,5m
Billy Kopp 16,1m
Jeff Schulman 11m
James Akenhead 10m
Kevin Schaffel 8,5m
Antoine Saout 7,5m
Phil Ivey 7,1m
Jamie Robbins 6,6m
James Calderaro 5,1
Ben Lamb 4,9m

Les blindes passeront à 120,000/240,000, ante 30,000 après la pause-dîner prévue dans trente minutes.

Pause-dîner : 13 joueurs restants

Après avoir vécu une heure assez difficile en table télévisée, Antoine a doublé son tapis contre l’anglais James Akenhead, remportant un coin-flip à 15 millions avec 88 contre As-Roi de coeur. Un peu de réussite bienvenue, qui le fait remonter à hauteur du tapis moyen.

Réduit à un tapis d’une douzaine de blindes, James a engagé son tapis quelques minutes plus tard avec Roi-Dame contre une paire d’As, et a miraculeusement trouvé deux paires sur le flop pour rester en vie. Je vous raconte pas la bronca sur le banc des supporters anglais.

La partie reprendra vers 20h20, heure locale.

Tableau de bord
14 joueurs restants (sur 6,494 au départ)
Prochain sortant = 633,022 dollars
Blindes : 120,000/240,000, ante 30,000
Tapis moyen : 13,91 millions

Découvrez les « November Nine »

photo : Anne Laymond / www.pokerpics.co.uk

Darvin Moon (USA) 58,930,000
Eric Buchman (USA) 34,800,000
Steven Begleiter (USA) 29,885,000
Jeff Shulman (USA) 19,580,000
Joe Cada (USA) 13,215,000
Kevin Schaffel (USA) 12,390,000
Phil Ivey (USA) 9,765,000
Antoine Saout (France) 9,500,000
James Akenhead (UK) 6,800,000

Tableau de bord
9 joueurs restants (sur 6,494 au départ)
Blindes : 120,000/240,000, ante 30,000
Tapis moyen : 21,640,000

Reprise le 7 novembre 2009 !

La première interview d’Antoine Saout

23h15. La plus grosse bulle de l’année vient d’éclater, et le moment est historique pour le poker tricolore : pour la première fois depuis onze ans, et pour la seconde fois seulement, un français s’est hissé en table finale du tournoi principal des championnats du monde. Antoine Saout, 25 ans, joueur professionnel depuis dix mois à peine, ne réalise pas encore ce qui lui arrive. Il accorde sa première interview à Winamax.

[video]https://media.winamax.com/coverage/2009_WSOP_LasVegas/Saout.flv[/video]

Conclusion (provisoire) de toute beauté

Tout le monde avait en tête la dernière journée des WSOP 2008. Ce n’est qu’à trois heures du matin, après quinze heures de partie, que Dean Hamrick avait quitté le podium ESPN, éliminé en dixième position. Sur le banc de presse, on s’attendait donc à une longue nuit.

Mais non. Il n’aura fallu qu’un seul niveau de deux heures après la pause-dîner pour que l’on passe de 14 à 9 joueurs, et que se terminent ainsi notre été aux World Series of Poker. Ben Lamb, Billy Kopp, Jamie Robbins et Jordan Smith ont sauté les uns après les autres sans que l’on ait trop le temps de se rendre compte de ce qui se passait. L’élimination la plus fumante fut sans aucun doute cette de Kopp, qui, après avoir été dominant chip-leader tout au long de la journée, a tout simplement choisi de jouer un pot gigantesque avec une petite couleur sur un board dangereux.

A 23 heures, la dernière main était donnée sur le podium ESPN. Eric Buchman a payé une énorme sur-relance de Jordan Smith avec une paire de 8, et tout l’argent est parti sur le flop [8c][4d][2d]. Le vainqueur de l’épreuve 36 venait de se faire craquer sa paire d’As. Les gradins, remplis à ras-bord, se soulèvent : on tient les « November Nine ». Un moment électrique. Chaque camp hurle les noms de leurs favoris respectifs : les anglais pour James Akenhead, les français pour Antoine Saout, etc, etc.

C’est le foutoir. Les journalistes assaillent les finalistes, dont les portables n’arrêtent pas de sonner. Seul Phil Ivey reste de marbre, puis finit par décrocher un sourire, enfin. Une heure plus tard, le meilleur joueur du monde fera son entrée dans la Bobby’s Room du Bellagio, sous les acclamations de ses pairs. Il mettra son nom sur la liste d’attente, avant d’aller prendre un repas bien mérité.

Je vais à la rencontre d’Antoine. Un téléphone dans la main, l’autre sur l’oreille. Les américains veulent lui parler. Son anglais est loin d’être parfait. Je sers d’interprete pour une, deux, trois, quatre interviews. ESPN, Card Player, Bluff Magazine, le Las Vegas Review Journal…

On réunit les joueurs autour de la table finale pour la dernière photo de l’été. Des blocs de billets de 100 dollars recouvrent la surface du tapis. Le bracelet le plus convoité de la planète trône par dessus.

Qui sont les neuf joueurs qui reviendront le 7 novembre pour disputer la table finale du Main Event des WSOP ? A tout seigneur, tout honneur : le chip-leader Darvin Moon nous vient de la campagne. Il ne joue jamais au casino, et encore moins en ligne, se contentant d’une partie hedbomadaire dans un club d’anciens combattants local. Incroyable, mais vrai. On tient le nouveau Chris Moneymaker/Dennis Phillips de 2009. J’ai entendu plusieurs échos peu flatteurs concernant son niveau de jeu. Mais qu’importe.

Jeff Shulman est le patron du magazine de poker américain Card Player. Un personnage pas franchement sympathique, pour tout vous avouer. En 2006, sa compagnie possédait l’exclusivité des droits de couverture des WSOP. Leur travail avait été unanimement critiqué par le public et le reste de l’industrie. C’est ainsi que l’année suivante, Harrah’s donnait sa chance au principal concurrent, Bluff Magazine, qui est resté en place depuis. Shulman ne l’a jamais digéré, annonçant ce matin même que s’il gagnait le bracelet, il le « jetterait dans la première poubelle venue. » Illustration directe : quand le photographe des WSOP a demandé aux neuf finalistes de prendre la pose en tendant le bras vers le bracelet, Shulman a simplement posé la main sur un des blocs de cash posés devant lui, en signe de refus. Pas un très bon exemple pour un patron de magazine, censé promouvoir le poker. Voyons s’il changera d’avis dans les trois prochain mois.

James Akenhead est le nouveau héros du poker anglais. Un joueur respecté, au palmarès déjà bien fourni malgré son jeune âge. Son meilleur résultat : une seconde place dans un tournoi de No-Limit lors des WSOP 2008, victime d’un bad-beat sur la dernière main contre Grant Hinkle. Comme d’habitude lorsqu’un anglais fait un résultat, Neil Channing possède un pourcentage d’Akenhead. Channing, l’un des seuls joueurs du circuit à gagner plus d’argent en stacking plutôt qu’en jouant.

Eric Buchman, Steven Begleiter, Joe Cada, Kevin Schaffel : inconnu au bataillon. Mais les trois prochains mois seront largement suffisants pour faire leur connaissance.

Phil Ivey… Que dire qui n’a déjà été dit ? Je veux dire : Phil Ivey, quoi ! Le plus gros joueur de cash-game du monde. Et en passe de devenir le meilleur joueur de tournoi du monde, ayant gagné ses sixième et septième bracelets cette année avec une facilité déconcertante. Une victoire au « Big One » lui donnerait tout simplement l’immortalité pokérienne. Et puis, soyons clairs : sa présence en table finale est la meilleure chose qui soit arrivée au poker depuis des années, peut-être même depuis la victoire de Chris Moneymaker il y a six ans. Une forte audience est garantie lors de la diffusion de l’émission sur ESPN en novembre prochain.

Et enfin… Notre héros français du jour, et des trois prochains mois : un jeune joueur de 25 ans venu du Finistère, professionnel depuis dix mois à peine, et qui, pour le premier tournoi majeur de sa vie, a tranquillement passé tour après tour durant huit jours, et devient ce soir le second français de l’histoire du Main Event a atteindre la table finale. On peut dire sans trop risque de se tromper qu’Antoine Saout sera infiniment plus médiatisé que Marc Brochard, dont la performance date de 1998. Oui, on a pas fini d’en entendre parler de ce joueur discret et humble. Il ne sait pas encore ce qui va lui tomber dessus.

Quelle fin pour ce Main Event 2009, définitivement le plus excitant qu’il m’a été donné de couvrir, avec les « deep runs » de plusieurs excellents joueurs français (Benyamine, ElkY, Fabrice Soulier, François Balmigère, Ludovic Lacay du Team Winamax), l’emergence de talentueux amateurs (Loic Degrou et Julien Brécard), et, pour finir, la plus belle conclusion qui soit avec l’accession en table finale de l’un des notres.

Je ne pensais jamais dire ça, mais je suis un peu frustré que tout se termine ce soir. Vivement le mois de novembre !

Day 50

2h34, il ne reste plus que quatre personnes dans l’Amazon Room : deux hommes de ménage, un journaliste d’ESPN, et votre serviteur.

Le voilà, le dernier des derniers articles de l’été… Je manque encore de recul pour analyser tout çà, mais à chaud, j’ai envie de dire que ce cru 2009 des World Series of Poker fut l’un des meilleurs qu’il nous a été donné de voir.

Les pros ont brillé à tous les étages, plusieurs d’entre eux arrivant à remporter plusieurs bracelets : Phil Ivey bien sur, mais aussi Brock Parker, Greg Mueller et Jeff Lisandro, ce dernier étant particulièrement épatant, ne sachant pas se contenter de deux victoires. On se souviendra aussi longtemps des belles multiples performances des nouveaux venus Vitaly Lunkin et Ville Walhbeck, de la « Triple Crown » de Roland de Wolfe, la belle époppée d’Eric Drache, la victoire de notre ami Jason Mercier. Et Daniel Alaei, Nick Schulman, JC Tran, John Kabbaj…

Si les français ne peuvent se targuer d’avoir pris un bracelet cette année, nous n’avons pas à rougir de nos performances. Le Team Winamax a envoyé quatre de ses membres autour de trois tables finales, avec les retours de Davidi Kitai et Antony Lellouche, et les débuts d’Anthony Roux et Almira Skripchenko. Et puis, bien sur, le sensationnel parcours de Ludovic Lacay dans le Main Event, qui a malheureusement du s’arrêter aux portes de la table finale. Au total, ce sont 87 joueurs français qui se sont classés dans les points cette année. Fabrice Soulier fut le plus prolifique d’entre eux, avec sept places payées, dont une finale. Jean-Philippe Léandri, Mathieu Jacqmin, Gabriel Nassif, Thibaut Durand, Antoine Amourette, David Benyamine, David Jaoui et Pascal Leyo nous ont tous régalé par leurs performances dans des épreuves de Omaha, Hold’em et HORSE. Et le meilleur reste à venir en novembre…

Oui, ce fut un bel été, riche en grands moments, en joies et (parfois) en pleurs. J’ai passé la majeure partie de mon temps dans la même salle lors des cinquante derniers jours, observant des parties de cartes, prenant notes et photos avant de compiler le tout pour le publier en ligne. Je peux vous assurer que que j’ai fait le maximum durant ces 550 et quelques heures passées dans l’Amazon Room depuis le 28 mai. Jour après jour, sans temps mort ou presque, la tâche fut souvent épuisante, parfois ingrate, pas toujours accomplie correctement, mais je quitte le Rio ce soir avec le sentiment du devoir accompli. Sans prétention, avec les moyens du bord, mais avec conviction et honnêteté. J’arrête, je commence à sonner comme un homme politique. On se retrouve dans quelques semaines pour la reprise des tournois du circuit européen. Merci à tous pour votre soutien sans faille.

Cette fois-ci, c’est fini pour de bon :