Trois joueurs Winamax attaquent la sixième journée du Main Event
Dimanche, le plus gros tournoi de poker de l’année a lentement poursuivi sa progression, voyant son field coupé de moitié au cours d’une courte journée de six heures. Ils ne seront que 185 à prendre le départ du Day 6 à partir de midi.
Parmi eux, trois joueurs Winamax aux profils bien différents.
Il y a d’abord Ludovic Lacay, le pro, membre de la première heure du Team. Habitué des phases finales des grands tournois. Habitué à gérer un gros tapis. Plus du tout impressionné par les grosses pointures du circuit. Et en passe, peut-être, de réaliser la plus grosse performance d’une carrière courte, mais déjà auréolée de succès.
Puis il a Loic Degrou. Un passionné, un amateur qualifié sur Winamax au cours du King 5, le plus grand rassemblement par équipes du paysage online français. Un conducteur de train venu du Nord qui tient tête aux pros depuis jours avec une désinvolture désarmante.
Et enfin, il y a Julien Brécard, qui réalise le rêve secret de beaucoup de membres de l’industrie du poker : passer de l’autre côté de la barrière pour s’assoir aux tables en compagnie des grands, après les avoir observés pendant toutes ces années. Ecoutons les réactions de nos trois joueurs.
Ludovic Lacay : le pro
« Je suis content de la manière dont j’ai joué aujourd’hui, par rapport à hier, où j’ai fait quelques trucs que j’ai un peu regretté. Aujourd’hui, j’ai eu une table très difficile, avec d’énormes joueurs de cash-games high-stakes : Phralad Friedman, David Benyamine, et Cole South directement à ma gauche qui m’a beaucoup sur-relancé… Ceci dit, à ce stade du tournoi, toutes les tables sont difficiles. Friedman n’a joué que deux mains durant tout le temps qu’on a passé à la même table. Et les joueurs que je ne reconnaissais pas étaient dangereux aussi. Mais au final, je pense avoir eu le contrôle de cette table. Je suis rentré dans grosso modo 60% des coups. J’y ai gagné 400,000 en jetons alors que je n’ai pas touché une seule main potable, ou presque. J’ai eu deux fois les Rois, avec lesquels j’ai juste pu ramasser les blindes. J’ai fait beaucoup de gros bluffs. »
« Sur le coup où je 4-bet préflop à 325,000 contre deux joueurs, j’avais une paire de Dix. Je pense que j’aurais payé une relance à tapis. Parce que le joueur qui me 3-bet, je le connais, c’est le même joueur que j’ai doublé avec 88 contre 99 à la table précédente. Il est ultra-agressif, et en position de squeeze, il ne va pas hésiter à relancer des paires, et des mains comme As-Valet. Il gère assez mal les tailles de tapis, et va se mettre dans des situations où il ne saura pas quelle décision prendre. J’étais prêt à prendre un risque ici, car on m’avait 3-bet six ou sept fois auparavant. J’ai aussi fait deux autres moves du même style. Je ne supporte pas de me faire marcher dessus. »
« Les World Series se sont mieux passées qu’en 2008 en ce qui me concerne, c’est sur… Être encore en course dans le Main Event au sixième jour, c’est pour moi la continuité de la saison qui vient de s’écouler. J’ai beaucoup progressé en jeu deep-stack, j’ai engrangé des tonnes d’expériences sur la manière de gérer le milieu des tournois, une fois les places payées atteintes. Ça paie aujourd’hui, contre beaucoup de joueurs, même des très bons. Il y a plein de joueurs d’internet très expérimentés, à la technique sans faille, qui ont des problèmes d’endurance. J’ai l’habitude de jouer à ce stade du tournoi, je sais qu’il ne faut pas paniquer quand on perd trois coups de suite, que ce n’est pas grave de passer de chip-leader à 28ème, etc. Ce sont des choses que l’on a pas naturellement. Cela vient avec le temps. Sauf si on est un joueur calme, et je suis tout sauf un joueur calme. Un bon joueur de cash-game ne va jamais changer de rythme en tournoi. Il 3-bet et 4-bet toujours à la même fréquence, et s’il perd trois coups de suite, il aura du mal à ralentir. Le joueur de tournoi va se dire « Stop », et étudier si la table va être cassée dans pas longtemps, le nombre de mains qu’il reste à jouer, être plus sérré, attendre la prochaine table pour repartir de zéro, etc. C’est ce que j’ai fait sur ce tournoi. J’ai eu des périodes très serrées, et d’autres beaucoup plus folles. »
« Pour revenir à ma table, j’ai senti que tous ces bons joueurs s’observaient entre eux, sans trop faire attention à moi. Je me suis : pourquoi ne pas prendre le contrôle tout de suite ? »
« Le plan pour demain ? Comme d’habitude : il faut d’abord que j’étudie ma table de départ, et aviser en fonction. J’ai un tapis de 100 blindes. C’est beau ! En début de journée, les joueurs attaquent beaucoup. Je vais probablement commencer lentement, et commencer à agresser petit à petit. Stratégie standard, mais qui fonctionne. Il y a beaucoup de joueurs qui ont un plan d’agression bien précis en tête, dès le début : ils 3-bet comme des fous, et s’épuisent vite. »
« Je ne ressens pas encore la pression. Par contre, je peux t’assurer que si je suis encore dans le tournoi pour le dernier jour mercredi [avec 27 joueurs restants, ND Benjo], je ne vais probablement pas dormir la nuit précédente ! »
Loic Degrou : l’amateur
« Je me sens bien. Normal. Sans pression. J’ai choppé la crève aujourd’hui, mais à part ça, tout va bien. Je suis là pour gagner le tournoi ! »
« Je suis un joueur de poker amateur, mais j’ai l’expérience des cartes et l’esprit de compétition. Cela fait une vingtaine d’années que je touche à tous les jeux : belote, rami, tarot, black-jack, et surtout Magic, jeu auquel j’ai été très actif, et disputé pas mal de tournois pros. »
« C’est d’ailleurs lors d’une compétition de Magic que j’ai découvert le Texas Hold’em. On jouait le soir à l’hôtel avec des joueurs tels que Gabriel Nassif, Manuel Bevand, José Barbero… Qui sont par la suite tous passés professionnels. Petit à petit, je suis devenu accro, et j’ai commencé à jouer sur Internet. »
« C’est au cours du Day 5 que je me suis retrouvé à tapis payé pour la première fois. J’ai eu de la chance. Je ne pouvais pas trop bouger avec les deux joueurs au gros tapis à ma gauche. J’avais un petit tapis : 300,000, et un tirage couleur. Il y avait déjà 400,000 au milieu. J’ai tout envoyé, en me disant que de toute façon je n’étais pas mort si j’étais payé. En face, il y avait un tirage couleur inférieur, et un brelan. J’ai touché un carreau pour tripler mon tapis. »
« J’ai abordé le tournoi comme une partie de cash-game. La structure est excellente, avec des tapis très profonds et des niveaux extrêmement longs. On voit plus de flops, de turns et de rivières. Aujourd’hui, par contre, avec 40 grosses blindes, on s’est plus retrouvé dans une situation de tournoi classique. J’ai du changer ma stratégie. »
« A la table, je suis patient et observateur. J’essaie de collecter un maximum d’informations sur mes adversaires. »
« Je ne connais personne sur le circuit. Je suis sur que j’ai joué avec plein de grosses pointures durant ces cinq derniers jours, mais je n’en ai aucune idée. Hier, j’étais avec une star, semble t-il. Les caméras étaient tout le temps en train de le filmer. Je me suis un peu moqué de lui durant quelques niveaux, je l’ai bluffé trois ou quatre fois, il était en colère, et cela faisait marrer les spectateurs. »
« L’esprit d’équipe est primordial. Seul, je ne serais pas venu à Vegas. On est une bande de potes. C’est très motivant. Et comme je suis le dernier en course, je joue pour cinq ! »
« L’argent est secondaire. La compétition est plus importante. OK, ici au Main Event, des sommes astronomiques sont en jeu, donc l’argent est quand même important. »
« Je ne me prends pas la tête. Je suis encore dans le tournoi. On verra où tout cela m’emmène. J’espère qu’on pourra faire une autre interview… en novembre ! »
Julien Brécard : l’insider
« Quand je suis à la table, je me sens comme lors de n’importe quel autre tournoi. Sauf qu’il s’agit d’un tournoi pro, et que j’ai déjà assisté à des dizaines de tournois pros ces trois dernières années. Je sais comment un tournoi se déroule, j’en ai vécu tellement en position d’observateur. J’ai l’habitude voir les masses bouger, j’ai une vision d’ensemble, je sais par exemple que le chip-leader des premiers jours va rarement jusqu’au bout. Ça m’a beaucoup aidé pour rester concentré, et éviter le tilt. C’est mon premier Main Event, mais à la différence de beaucoup d’autres dans le même cas, je savais à l’avance comment cela allait se passer. »
« Le tournoi est encore très long. Il y a dix jours d’épreuve au total, et on vient juste de terminer la cinquième. Pas question de s’enflammer. »
« Mon succès à Vegas cet été, c’est grâce à Winamax à 99%, minimum ! Les joueurs du Team, toi Benjo, Guignol… Le fait d’être présent sur le circuit pro en permanence, de faire des brainstormings ensemble, de revoir les mains des joueurs après coup, d’essayer de comprendre, etc. J’ai eu la chance de pouvoir progresser à toute vitesse en observant, puis en mettant en pratique tout seul dans mon coin, et enfin en tentant ma chance aux WSOP cette année. »
« J’avais les bases techniques depuis longtemps, je pense, mais la chose la plus importante que j’ai apprise ces derniers mois, c’est de rester solide, et d’avoir en permanence du recul sur l’ensemble du tournoi. Ce qui ne m’a pas empêché de tilter 300,000 contre Fabrice Soulier durant le dernier niveau, mais bon… »
« Le fait de démarrer le Day 5 avec le plus gros tapis de la table m’a permis de jouer plus relax, de voir beaucoup de flops, de bluffer sereinement car je ne risquais pas beaucoup… Cela m’a mis grave en confiance. Fabrice est même venu me voir au bout d’une heure, en me disant : « Euh, tu joues peut-être un peu trop, là. » Mais j’ai eu des bonnes cartes, des bonnes situations. Plusieurs fois As-Roi, deux paires de Dames, une paire de Valets… Je n’ai perdu qu’un seul gros coup aujourd’hui, un « cooler » avec deux paires au flop contre brelan. »
« Quand on entame une journée avec un gros tapis, il y a une pression supplémentaire, celle de devoir assumer son rôle de « big stack », et de devoir être actif. Je veux dire, quand on est short, la marche à suivre est assez banale. Avec beaucoup de jetons, on est un peu obligé de jouer agressif, et de ne pas être « scared money ». Je suis content d’avoir réussi à être l’acteur, sans subir et me contenter de jouer les bonnes cartes. »
« Pour résumer, aujourd’hui j’ai monté un million de tapis en grattant coup après coup, et j’ai perdu un million sur une rencontre inévitable, et un « blow-up » quand j’ai essayé de bluffer Fabrice avec un tirage manqué. »
« Je n’ai pas joué tant que ça avec des joueurs pros connus, en fait. Là aussi j’ai eu de la chance. Il n’y a qu’aujourd’hui que j’ai pu évoluer avec des grands noms comme Bobby Baldwin et Theo Tran. J’ai pu éliminer Bobby sur un bad-beat. Je lui ai serré la main en disant que c’était un honneur d’avoir pu jouer contre lui. Theo Tran m’a complimenté sur mon jeu. Et bien sur, notre Fabrice Soulier national. C’est génial de pouvoir affronter ces joueurs dans le Main Event… C’est pas un 20$ rebuy, là, c’est LE plus gros tournoi de l’année ! »
« Ce matin, je lisais les messages de soutien sur ClubPoker et Wam-Poker, et j’avais les larmes aux yeux… [et tandis qu’il dit ça, Yuestud est effectivement assez ému] C’est juste un jeu de cartes, mais ça fait chaud au coeur ! »