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WSOP 2009 - Jour 8

Day 8, demandez le programme

Avec sept tournois au programme, dont trois tables finales, cette huitième journée des WSOP 2009 s’annonce comme la plus chargée depuis le début du festival. Attachez vos ceintures, c’est parti pour au bas mot quinze heures de reportage :

Midi : Event #9 – No-Limit Hold’em Six-Handed 1,500 dollars (Day 1)
Les grinders online sont à l’honneur aujourd’hui, pour une épreuve qui trouve son inspiration directe dans le poker en ligne, où la majorité des parties de cash-game middle et high-stakes en no limit se jouent en « short-handed », c’est à dire avec six joueurs par table. C’est en 2007 que les organisateurs des WSOP ont pris vent de la tendance, en mettant pour la première fois au programme une épreuve de ce type. Depuis, leur succès ne s’est jamais démenti. Près de 1,500 joueurs sont réunis au Rio aujourd’hui, dont les membres du Team Winamax Johny, Tallix, Cuts, Nico Levi, Arnaud Mattern et (il me semble) Eric Koskas)

14 heures : Event #7 – No Limit Hold’em 1,500 dollars (Day 2)
Aux portes de l’argent dans le second donkament des WSOP 2009 ! 2,791 joueurs étaient au départ de l’épreuve, créant un prize pool de 3,8 millions de dollars. Au départ de la seconde journée, ils ne sont plus que 337 pour 297 places payées. J’ai repéré quatre joueurs français dans la liste :

Françis Mahiout 50,200
Philippe Uzan 46,700
Stéphane Tayar 42,600
Jacques Zaicik 15,200

Françis Mahiout est un joueur parisien participant chaque année aux WSOP. Stéphane Tayar, on s’en souvient, avait atteint une finale en 2008. Jacques Zaicik n’est pas inconnu des fidèles lecteurs de nos reportages. Philippe Uzan est un régulier de l’Aviation Club de France. Tapis moyen : 37,000

L’objectif du jour est d’atteindre la table finale à neuf joueurs – je doute que cela soit possible. Problablement que la partie s’arrêtera tard dans la nuit avec deux ou trois tables restantes, pour ensuite reprendre jeudi.

14 heures : Event #4 – No Limit Hold’em 1,000$ (Finale)
Sept randoms, un Steve Sung, et un Dan Heimiller. A consulter absolument, le site officiel de ce dernier, à mourir de rire. Cliquez ici pour un voyage dans le passé d’internet : https://69.93.123.146/

14 heures : Event #5 – Pot Limit Omaha 1,500 dollars (Finale)
Tous derrière notre favori Jason Mercier ! Pour plus d’infos sur cette finale qui s’annonce riche en action, consultez le reportage du Day 7.

14 heures : Event #6 – World Championship Stud 10,000 dollars (Finale)
La nuit dernière, la partie s’est arrêtée net aux portes de la table finale avec onze joueurs restants, en vertu d’une nouvelle règle stipulant qu’aucun tournoi des WSOP ne se poursuivra après trois heures du matin, histoire d’assurer aux joueurs un repos minimal – une règle pour le moins sympathique, si vous voulez mon avis. Bref, qui est encore en position de disputer la finale du plus gros tournoi de Stud de l’année ? Entre autres : Hasan Habib, Jeff Lisandro, Max Pescatori, Eric Drache, Tim Phan, Greg Muelle, et Daniel Negreanu avec un petit tapis. Le vainqueur final recevra la somme rondelette de 373,751 dollars.

14 heures : Event #8 – No-Limit Deuce to Seven 2,500$ (Day 2)
Seuls 35 joueurs vont reprendre le départ de cette épreuve qui en comptait 147 à l’origine. Xavier Laszcz, dont je vous racontais les affrontements contre Greg Raymer hier, a survécu et pointe en 28ème place avec un tapis de 21,675.

Etant donné la nature agressive et rapide de la variante, et le peu de joueurs restants, on ne devrait pas attendre trop longtemps avant de voir se dessiner la table finale. Voici le Top 10, qui sonne comme un who’s who du poker high stakes américain :

Layne Flack 75,125
Raphael Zimmerman 60,750
Yan Chen 48,500
Phil Ivey 46,700
David Grey 46,025
Rodeen Talebi 45,000
Phil Hellmuth 41,150
Mike Matusow 40,975
John Monnette 39,650
Tony G 39,250

17 heures : Event #10 – Pot-Limit Hold’em/Omaha 2,500 (Day 1)
Un tour à deux cartes, un tour à quatre cartes : les fans de l’alternance seront servis, avec cette épreuve mélangeant les deux variantes les plus populaires du poker moderne. Parmi les français au départ : Michel Abécassis, faisant sa grande entrée aux WSOP 2009.

(midi à Vegas = 21 heures en France)

Un air de famille

Parmi les joueurs ayant démarré le Day 2 de l’épreuve de No-Limit à 1,500 dollars, on retrouve la version texanne de Cétautomatix, le forgeron et armurier d’un petit village peuplé d’irréductibles gaulois prêts à tout pour résister à l’envahisseur Romain. Si je retrouve le barde, je vous fais signe.

Belle finale en Stud

Après les éliminations de Ray Dehkharghani et Daniel Negreanu, la table finale de l’épreuve de Stud à 10,000 dollars est prête. Oui, je sais, le Stud est un jeu habituellement disputé en 8-handed, mais je suppose que les organisateurs ont fait une exception ici – cela ne devrait pas poser de problème, sauf si les neuf joueurs décident de disputer tous ensemble un coup jusqu’à la septième carte, un événement ayant une probabilité de se produire égale à zéro.

Bref, c’est une table finale sympathique à laquelle nous avons affaire, et finalement cohérente avec le statut du Stud dans le poker moderne : remplie de joueurs plutôt old-school. La génération internet a passé son tour pour cette fois.

Siège 1 : Freddie Ellis (569,000)
Siège 2 : Eric Drache (847,000)
Siège 3 : Jeff Lisandro (392,000)
Siège 4 : Hasan Habib (593,000)
Siège 5 : Ivan Schertzer (337,000)
Siège 6 : Max Pescatori (536,000)
Siège 7 : Greg Mueller (222,000)
Siège 8 : Ville Wahlbeck (613,000)
Siège 9 : Tim Phan (167,000)

Max Pescatori possède un bon tapis : en route vers un troisième bracelet en quatre ans ?

Eric Drache est une véritable légende de l’ombre du poker, ayant travaillé dans l’industrie depuis quarante ans. L’invention des tournois satellites à une table, qui ont permis à des centaines d’amateurs de se qualifier pour les WSOP durant les années 7 – au grand dam des pros qui se voyaient voler la vedette – c’est à lui qu’on la doit.

Drache a successivement été en charge de la gestion des salles de poker du Golden Nugget et du Mirage, apportant de nombreuses innovations dans l’organisation des parties, innovations qui restent encore la norme aujourd’hui. Il est désormais prodcuteur d’émissions de télé telles que Poker After Dark et High Stakes Poker.

Malgré toutes ces occupations, Eric Drache n’en reste pas moins un formidable joueur de poker, et de Stud en particulier : sa présence en table finale n’est pas due au hasard. Les plus grands pros de la discipline ne tarissent pas d’éloges sur son talent. Un peu moins sur sa capacité de « table selection », comme en témoigne Doyle Brunson, auteur du fameux de ce fameux bon mot durant les années 80 :

« Eric Drache est le huitième meilleur joueur de Stud dans le monde entier. Le problème, c’est qu’il joue exclusivement avec les sept premiers ! »

Ah, oui, au fait, on murmure que Drache aurait fait partie d’un petit groupe de rock et roll dans les années 60, paraît qu’ils ont eu quelques succès à l’époque :

6-max, maximum busto

On pouvait s’y attendre : l’épreuve de Short-Handed à 1,500 dollars est une véritable boucherie (voire même une charcuterie), plus encore que ses pendants « full-ring ». Les joueurs disparaissent à toute vitesse, telles les petites pastilles dont raffole Pacman. Je crois que c’est du au fait que beaucoup de joueurs novices jouent beaucoup trop agressivement, sans doute après avoir lu dans un bouquin qu’en 6-max, une main comme As-Valet est absolument max préflop. Les chiffres ne sont pas encore affichés au compteur, mais il est probable que l’on ait déjà perdu la moitié, voire deux tiers des partants après quatre heures de jeu.

Parmi ces malheureux, une bonne partie du Team Winamax : Nicolas Levi, Arnaud Mattern, Eric Koskas, et, dernier en date au moment où j’écris ces lignes, Anthony Roux. « J’ai vu huit ou neuf joueurs se faire éliminer rien qu’à ma table », explique Tallix, qui a poussé des dix dernières blindes au bouton avec [Ac][6d] après une relance du cut-off. La petite blinde paie avec [Ah][Jd], et le cut-off fait de même avec [Qs][7s]. (Le flop est [9s][4s][3h], le turn [As], la rivière sans importance) « Mon premier re-steal de la journée, » soupire Tall.

Cuts est l’un des derniers survivants du Team (avec Johny, peut-être, je ne suis pas sur). Je l’ai observé quelques instants, le temps de le voir pratiquer son jeu agressif habituel : une sur-relanc au bouton après une relance du cut-off. La petite blinde tank une heure, et passe. La BB et le relanceur, eux, attendent moins longtemps avant de l’imiter.

La bulle éclate dans l’épreuve #7

Moment de liesse typique des tournois à petit buy-in des WSOP : les 296 joueurs payés dans l’épreuve de No-Limit à 1,500 dollars laissent éclater leur joie – ils ont gagné au moins de quoi rembourser leur entrée. OK, j’ironise, mais j’aimerais bien en faire partie : considérations financières mises à part, un résultat aux WSOP, même minime, fait toujours bon effet sur le palmarès. Et ça fait de bonnes histoires à raconter aux petits enfants. J’imagine la scène en 2041 : « Vous saviez que de mon temps, on ne jouait pas les championnats du monde en ligne, mais dans une salle avec des vraies cartes, des vrais jetons et des vrais êtres humains ? Et l’on était que 6,000 au départ ! Ah, le bon temps, je vous dis. » « - Oui, papy, on sait, tu nous l’a déjà raconté dix fois, ton histoire. Tais toi, on essaie de se concentrer sur notre 11$ rebuys à 250,000 joueurs. »

Au moins deux français sont payés : Stéphane Tayar (photo) et Françis Mahiout, qui entame bien son séjour à Vegas puisqu’il s’agissait de son premier tournoi. Jacques Zaicik a malheureusement sauté avant la bonne. Concernant Philippe Uzan, je ne dispose pas d’infos.

Nos favoris pour les WSOP 2009
Cinquième édition

Michael Martin figure lui aussi dans l’argent pour son premier tournoi des WSOP. Son palmarès et sa sympathie en font un favori naturel du Team W pour les championnats du monde cette année, après Jason Mercier, Lex Veldhuis, Soren Kondsgaard et Alexander Kostritsyn. Inutile de poursuivre plus loin les présentations : je pense que vous savez déjà tout de ce joueur avec qui nous passons régulièrement de bons moments sur le circuit, tellement que je vous ai bassiné à son sujet. En une semaine à peine, deux de nos choix ont déjà joué une table finale. Il me paraît clair à ce stade que nous exerçons une influence bénéfique sur nos poulains, galvanisés par la confiance que nous leur portons. Je devrais songer à monnayer l’entrée des joueurs dans ce sélect club de favoris… Il y a de l’argent à se faire !

Seize joueurs dans le Deuce to Seven No-Limit
Un second français en finale ?

L’une des épreuves les plus rigolotes des WSOP avait repris à 14 heures avec tout juste 35 joueurs restants. Les éliminations – Phil Hellmuth, Mike Matusow, Eric Seidel, Markus Golser - sont allées bon train jusqu’à la bulle moment où les choses sont tombées au point mort. Normal, me direz-vous. Moins normal étant le nombre de place payées – 21, bien au dessus des 10% habituels puisque 142 joueurs étaient au départ. Mais qu’importe, le casting était beau, et la partie intéressante. Phil Ivey, Vanessa Rousso et David Gray ensemble à une table. A côté, Layne Flack, Erick Lindgren et notre français du jour, Xavier Laszcz. Derrière, Tony G, Archie Karas, Freddy Deeb, Barry Greenstein et Daniel Alaei. Du beau monde. Des « gros pardessus », comme dirait Michel Abécassis.

Xavier avait commencé la partie avec un tapis en dessous de la moyenne. Ce tapis a fondu encore un peu plus d’entrée de jeu, avant de remonter aussi sec. « J’ai payé une relance avec hauteur Valet. Je n’avais plus qu’une dizaine de blindes avant le second tour d’enchères. Lindgren et mon adversaire ont demandé des cartes. Je suis resté « pat ». Lindgren mise à la hauteur de mon tapis. Je raisonne que si il avait trouvé son jeu, il aurait misé moins cher. » Xavier paie avec sa main somme tout moyenne : il avait vu juste, Lindgren a manqué son tirage.

La période du « main par main » est interminable. J’ai tout loisir d’observer Phil Ivey de près. Le Tiger Woods du poker joue un jeu tranquille, discutant aimablement avec David Gray, tout en ne cessant de tripoter son Ipod et des deux Blackberry – il tient le tout dans une seule main lorsqu’il est dans un coup.

A côté, Barry Greenstein à l’air de s’ennuyer à mourir, comme d’habitude – mais comment fait-il depuis vingt ans ? A la table de Xavier, Layne Flack est surexcité, comme d’habitude aussi. Je le soupçonne d’être hyperactif.

Puis, la situation se débloque. Le « bulle » boy n’est autre que Daniel Alaei. Les 21 autres, dont Xavier, sont dans l’argent. Un money finish français de plus aux Series.

Les trois dernières tables sont redistribuées. Xavier se retrouve avec Grey, Tony G, Rousso et Barry. Liberés de la pression financière – bien que, vu le casting, je doute que beaucoup des joueurs restants soient si préoccupés par une place payée à 4,000$ - les joueurs se remettent au travail. Karas, Lindgren, Erle Mankin, Greenstein et Rousso sautent.

Il ne reste plus que 16 joueurs, et le superviseur choisit ce moment pour envoyer les survivants en pause. Il y aura sept places en finale, et notre poulain français possède un tapis dans la moyenne.

*** PAUSE-DÎNER ***

A venir : compte-rendu, photos et interview - tout sur la victoire du favori du Team Winamax Jason Mercier dans l’épreuve de Pot-Limit Omaha !

Cuts s’approche de l’argent dans le Short-Handed
Le joueur du Team Winamax possède un gros stack à quelques places de la bulle

Enfin des bonnes nouvelles pour le Team, une semaine après l’arrivée à Vegas de ses premiers membres. Ludovic Lacay est actuellement assis derrière un tapis de 61,000 dans l’épreuve Short-Handed à 1,500 dollars. A ce stade, cela représente presque deux fois le tapis moyen, et les places payées approchent à grand pas. Bref, Cuts a toute latitude pour envisager un « deep run »

« Enfin, j’ai quand même Isaac Haxton à ma gauche, ne t’emballe pas Benjo », interrompt Cutsy, en train de regarder mon écran tandis que je tape ces lignes. Mais, quelques minutes seulement après être arrivé à la table du récent runner-up du tournoi anniversaire à 40,000$, Ludovic possède déjà plus de jetons que son voisin.

Ceci grâce à un récent double-up obtenu contre le bourreau de Johny001 (un coup horrible : tapis avec AK contre Q9 sur le turn K93-2, il y a 40,000 au milieu, et un Neuf sur la rivière). Ludo limpe au cut-off avec [Td][9c]. « Je ne relance pas car Haxton 3-bet beaucoup trop souvent : j’ai envie de voir le flop, et vérifier s’il veut m’isoler ou pas. » Haxton passe, la petite blinde complète, la grosse checke.

Ludo flop une ventrale sur [4d][6h][8s]. Check collégial (comme dirait Philippe Bouvard)

Turn [7d] : Bingo ! Cuts est plus max que Max, l’as des glaces.

La grosse blinde « donk » 1,500. Ludovic est convaincu qu’il fait face à un gros jeu : il relance à 5,500. Il entend les mots magiques, «all-in », et clique si vite sur le bouton « call » qu’il en casse presque le bouton gauche de sa souris. En face, une belle main, certes, mais drawing dead, zéro pour cent, aucune chance de gagner, cuit, carbonisé :[5d][6s].

Ludovic possède enfin un bon stack, alors que l’argent approche. « Je n’ai jamais eu plus de trente blindes jusqu’au retour de pause-dîner, où j’ai choppé un bon rush : un brelan floppé, trois fois As-Roi, et beaucoup de vols et contre-vols. »

Tableau de bord
190 joueurs restants (sur 1,500 environ au départ)
144 places payées
Blindes : 400/800, ante 100
Tapis moyen : 32,000
Gros stacks : Peter Gould, Praz Banzi, Dario Minieri

Jouons cartes sur table

De vieux amis effectuaient un bref passage à Vegas cette semaine : je ne pouvais pas manquer un dîner avec eux, au Bellagio, à l’excellent Olive’s que je vous recommande chaudement – demandez la terrasse pour admirer les fontaines qui s’enclenchent toutes les vingt minutes.

Me voilà de retour à l’intérieur de l’Amazon Room. Après la victoire express de Jason Mercier, et outre le Short-Handed à 1,500$, cinq tournois sont encore en cours. En voici le menu (gastronomique, comme il se doit), réalisé avec l’aide du remarquable travail des équipes de www.worldseriesofpoker.com :

Event #7 – No Limit Hold’em 1,500 dollars (Day 2)
Il reste 85 joueurs (sur 2,791), la route est encore longue jusqu’à la table finale. A part Stéphane Tayar, je n’ai aucune idée des joueurs encore en course, et m’y intéresserai un peu plus tard.

Event #4 – No Limit Hold’em 1,000$ (Finale)
A quatre joueurs, Steve Sung possédait 60% des jetons en circulation. Quelques heures plus tard, l’américain sortait logiquement vainqueur. C’est la première victoire de sa carrière, qui comprenait déjà trois finales WPT (dont celle jouée par Cuts) et quatre finales WSOP. Au final, c’est donc un pro établi de longue date qui remporte le donkament à 1,000$ des amateurs. Félicitations ! La galerie sera mise à jour plus tard dans la soirée.

Event #6 – World Championship Stud 10,000 dollars (Finale)
Max Pescatori et Hasan Habib sont sortis respectivement en quatrième et cinquième place. Le bracelet et le premier prix de 373,000 dollars se jouent désormais entre Eric Drache, Ville Wahlbeck et Freddie Ellis.

Event #8 – No-Limit Deuce to Seven 2,500$ (Day 2)
Xavier Laszcz est aux portes de la table finale, mais avec un tapis très réduit. Ils ne sont plus dix pour sept places autour de l’ultime table. Les têtes connues se nomment Phil Ivey, Tony et Layne Flack. Je ne reconnais pas les autres. Xavier a un prix minimum garanti de 6,292 dollars.

Event #10 – Pot-Limit Hold’em/Omaha 2,500 (Day 1)
Je m’en occupe dès que j’ai cinq minutes de dispo.

Night Shift
This shit never ends, doesn’t it ?

2H17 du matin dans l’Amazon Room désormais à moitié vide. Seuls les cash-games tournent encore, et à plein régime. Au fond, sur le second podium ESPN, le duel final de l’épreuve de Stud à 10,000 dollars entre Eric Drache et Freddie Ellis. Je suis resté plus d’une heure à observer l’action et discuter avec les railbirds, et j’ai collecté plus d’anecdotes que je ne pourrai en raconter jusqu’à la fin des World Series. Si j’arrive à rester éveillé assez longtemps, je vous raconterai l’histoire plus tard dans la matinée.

On refait un point sur les tournois terminés et en cours :

Event #9 – No-Limit Hold’em Six-Handed 1,500 dollars (Day 1)
Ludovic a terminé la journée avec un bon tapis de 74,000. Croyez-le ou non, c’est la première fois en trois visites à Vegas qu’il passe la première journée d’une épreuve des WSOP. « Ca fait plaisir », m’a t-il confié, content et soulagé. « En plus, j’ai quelques jetons pour tenter quelque chose demain. » 109 joueurs sont encore en course sur les 1,459 au départ, dont Isaac Haxton, avec qui Ludovic s’est lié d’amitié, ayant partagé la même table plusieurs heures. J’ai bu un coup avec les deux une fois la partie terminée – Haxton est très cool, et l’on a « refait le match » en ce qui concerne son tête à tête perdu dans l’épreuve à 40,000 dollars. Des mains très funky avaient été jouées, mais après avoir entendu les explications d’Haxton, j’y vois plus clair, malgré la téquila et la vodka tonic qu’avait commandées Cuts pour nous trois. L’américain commencera le Day 2 avec un tapis modeste.

Event #7 – No Limit Hold’em 1,500 dollars (Day 2)
Stéphane Tayar a été eliminé dans l’argent, en 77e position – je n’ai pas de nouvelles concernant les autres français. Le dernier favori en date du Team Winamax Michael Martin est encore en course parmi les 35 joueurs restants. On approche de trois heures du matin : l’épreuve va donc être mise en pause jusqu’à demain après-midi. Ensuite… la partie continuera tant que l’on a pas obtenu un vainqueur. Un long Day 3 en perspective !

Event #8 – No-Limit Deuce to Seven 2,500$ (Day 2)
La table finale est prête, on y trouve une bande de randoms (mais des bons randoms, j’imagine) et le meilleur joueur du monde, qui ne disposera que d’un petit tapis pour tenter de collecter son sixième bracelet :

Siège 1/ Raphael Zimmerman 238,000
Siège 2/ Eric Kesselman 119,400
Siège 3/ John Monnette 238,000
Siège 4/ Rodeen Talebi 94,500
Siège 5/ Yan Chen 159,000
Siège 6/ Elia Ahmadian 136,900
Siège 7/ Phil Ivey 106,300

Event #10 – Pot-Limit Hold’em/Omaha 2,500 (Day 1)
Je vous ai déjà fait le coup, mais j’avoue : je n’ai pas encore eu le temps de m’occuper de cette épreuve. Je crois qu’ElkY est encore en course, mais à part ça, aucune info.

La tragédie de Mister Nice Guy

Minuit et demie au Rio en ce mercredi soir. La plupart des tournois sont terminés pour la soirée, et seuls les cash-games, toujours ouverts et pleins à craquer, apportent un peu d’animation dans l’Amazon Room. Les sons habituels s’élèvent dans la salle grande comme un terrain de football : jetons qui s’entrechoquent et conversations à demi-mot. Le service de nuit tourne à plein régime. Superviseurs, porteurs de jetons, serveuses. Plein d’argent à se faire ici, je me dis en passant devant les tables à 2$/5$ pour rejoindre le second podium ESPN.

Là, autour de la table, deux vieux types sont en train de jouer à un vieux jeu fatigué. C’est le duel final du Championnat du monde de Stud. Le plus gros tournoi de Stud de l’année et, toutes choses considérées, le seul tournoi de Stud de l’année, parce que jeu est mourant. Plus tôt durant la semaine, les blagues allaient bon train sur le banc de presse. « Hey Pauly, tu connais l’âge moyen d’un joueur de Stud ? Réponse : décédé. » Oui, je sais, c’est une vieille blague de Jack McClelland, et il faisait référence au Deuce to Seven, pas au Stud. Mais tout de même. Quelque chose sonne vrai dans cette déclaration. Plus personne ne joue au Stud, de nos jours.

Et pourtant, en cette calme soirée, la vue de deux vieux types en train de jouer à une vieille variante en train de mourir attire quand même un joli paquet de spectateurs. Et des spectateurs célèbres, qui plus est. Pas mal de visages connus font une apparition autour de la table, plusieurs d’entre eux étant là depuis plusieurs heures. Il y a le double champion du monde Johnny Chan, observant l’action avec intensité. Il y a Pamela Brunson, la fille du grand Doyle, s’enthousiasmant et faisant des signes en direction de l’un des deux joueurs. Il y a Carlos Mortensen et Brad Daugherty, deux autres champions du monde, et David Sklansky, Steve Zolotow, et bien d’autres. Et puis il y a plein de visages que je ne reconnais pas. Des vieux visages. Des têtes chauves et des barbes grises. Des vieux de la vieille, remontant au temps du Binion’s Horseshoe, là où tout a commencé. Que se passe t-il ce soir pour que tous ces gens soient là ?

« C’est un match historique », s’élève une voix derrière moi. Je me retourne. Un petit homme chauve, aux lunettes posées sur le bout du nez se présente. « Mori Eskandari. » Un nom familier. Le prodcuteur télé derrière des émissions telles que Poker After Dark ou High Stakes Poker. Mori regarde en direction de la table. « Et le monsieur à la table, c’est mon associé. »

Bien sur que je reconnais le mec qu’il pointe du doigt, un grand mec dans sa soixantaine – bien qu’il ait l’air plus jeune, avec ses longs cheveux gris tous droits sortis de la photo de couverture de Rubber Soul, l’album des Beatles. Le mec en question est en train de jouer pour le bracelet.

Eric Drache est l’un des hommes les plus influents dans l’industrie du poker depuis trente ans. Un homme de l’hombre, le genre de personnage que la plupart des gens, même les fans hardcore, ne reconnaissent pas quand il fait son entrée dans la salle de poker. Et pourtant, il est la raison pour laquelle tant de gens connus se sont pointés ce soir. Eric Drache a transformé le jeu que nous adorons de tellement de façons différentes que la plupart des gens n’ont aucune idée. Merde, c’est quand même le mec qui a mis au point le concept de tournoi satellite, des années et des années avant que Chris Moneymaker et des milliers d’autres donkeys ne se qualifient pour les WSOP en ligne. C’est le mec qui a organisé les championnats du monde durant 17 ans, sous l’aile de Jack Binion. C’est le mec qui a crée le Hall of Fame. C’est le mec qui a dirigé les salles de poker du Golden Nugget du Mirage, les transformant en des endroits incontournables pour tout joueur de poker qui se respecte. Pas mal, comme CV, non ? Je n’ai jamais rencontré Eric Drache en personne, mais j’ai lu toutes les histoires à son sujet dans les grands livres de Al Alvarez, Antony Holden, Jim McManus et Michael Craig. La citation la plus connue à propos d’Erich Drache ? Elle vient de Doyle Brunson : « Eric est le huitième meilleur joueur de Stud du monde. Le problème, c’est qu’il ne joue qu’avec les sept meilleurs. »

Et pourtant, bien qu’Eric Drache soit un joueur de poker exceptionnel, la plupart des gens n’ont jamais entendu parler de lui. Parce qu’il est resté dans l’ombre toutes ses années, travaillant dur dans la discrétion, changeant le jeu de poker en la machine bien huilée que l’on connait aujourd’hui. Parce qu’à l’époque, tout n’était pas brillant et policé comme aujourd’hui. C’est grâce à des gars comme lui que maintenant, les débutants peuvent s’attendre à recevoir le même traitement que les réguliers dans les salles de poker. C’est à cause de gars comme Eric Drache qu’il y a des règles, une etiquette, ce genre de choses maintenant. Les gars comme lui ont aidé à mettre à la porte les comportements style Far West qui étaient la règle à Vegas durant les années 70. Désormais retiré du monde des casinos, Eric continue de secouer le monde du poker, produisant des shows télé à succès comme High Stakes Poker. L’émission qui a relevé les standards en ce qui concerne le poker de qualité à la télévision, très loin des festivals de tapis préflop fatigués du genre World Poker Tour. Et pourtant, tandis que j’observe le duel final dans ce tournoi de Stud, les deux jeunes joueurs online sirotant des cocktails à coté de moi n’ont aucune idée de qui peut bien être Eric Drache.

Il y a une raison à cela. « Eric n’a probablement joué que deux tournois ces 20 dernières années », dit Thor Hansen. Le légendaire norvégien, titulaire de deux bracelets WSOP regarde aussi la partie, par respect pour celui qui l’a amené pour la première fois au Etats-Unis il y a 22 ans. « Eric était venu en Europe pour les championnats scandinaves, avec l’intention d’inviter le vainqueur au Golden Nugget pour disputer le Grand Prix qu’il organisait. C’est moi qui ait gagné le tournoi, et me voilà ainsi, arrivant pour la première fois aux USA et à Vegas, tous frais payés. Eric est resté un ami très cher depuis, et durant toutes ces années, je ne l’ai jamais entendu dire du mal de quelqu’un. »

Thor Hansen, désormais résident américain depuis une décade et demie, a beaucoup de souvenirs à partager, et je suis plus qu’heureux de prêter une oreille attentive. « Quand Eric était aux commandes du poker au Golden Nugget au Mirage, il n’y avait jamais un siège de libre. Toutes les parties étaient pleines. Parce qu’il traitait tout le monde de la même manière, qu’il soient broke ou millionnaires. Pendant les World Series, tout le monde avait droit à du homard et des steaks, tous les soirs. Et même les journalistes comme toi étaient traités comme des rois. Une limousine allait les chercher à l’aéroport, et ils avaient droit à une suite pendant la durée du festival. » Cela me laisse rêveur, moi qui n’ai couvert mes premiers WSOP qu’au début du 21ème siècle. « Et il s’occupait aussi des gens qui travaillaient pour lui. Une fois, à Noël, il manquait d’argent pour payer les bonus de fin d’année à ses croupiers. Il savait que ces gars là aimaient jouer, qu’ils dépensaient leur argent à je ne sais quoi. Il ne voulait pas les laisser à court pour Noël. Qu’est-ce qu’il a fait ? Il a emprunté des dizaines de milliers de dollars, pas à une banque, bien sur, mais dans la rue, à des types louches. Il a payé des intérêts exorbitants durant des mois, mais cela n’avait pas d’importance. Parce qu’il avait rendu ses employés heureux pour Noël. »

Le type auquel Eric fait face à la table est aussi un personnage intéressant. Venu de Brooklyn, Freddie Ellis est un petit personnage malingre. En course pour devenir l’un des rares vainqueurs afro-américains de ces dernières années, et aussi pour devenir le vainqueur le plus agé depuis que Johnny Moss a remporté son dernier bracelet en 1988, à l’âge de 81 ans. La biographie que doit remplir chaque finaliste indique que Freddie a 67 ans, mais les observateurs ont une autre version de l’histoire. « Il a 74 ans », dit l’un d’eux. « Je ne sais pas pourquoi il s’est senti obligé de mentir à propos de son âge. Peut-être une erreur de sa part. » Le vieux Freddie a l’air fatigué, mais alerte, payant les relances d’Eric à tempo. Mais il n’est cependant pas favori pour remporter le match final de ce tournoi. « Freddie est un régulier des plus grosses parties de Stud d’Atlantic City », dit un joueur célèbre qui restera anonyme. « Il joue depuis que la partie a été crée, il y a des dizaines d’années. Un joueur perdant. Retraité de l’immobilier. Pesant plus de 250 millions, quelques uns d’entre eux ayant été perdus à la table. » Et pourtant, Freddie a lui aussi attiré pas mal de supporters autour de la table, grâce à sa nature bienveillante et humble. Les reporters de PokerNews, d’habitude pas du genre à prendre parti, ont fait de Freddie leur favori depuis le début du tournoi.

Ainsi, le légendaire Eric Drache a la main dans cette partie. « Il est temps qu’il reçoive sa part de notoriété », dit un autre observateur. « Laissez lui ramener un bracelet à la maison, pour une fois » gémit son voisin. Eric est clairement le joueur le plus agressif de ce duel. Et, malgré mon expertise limitée en Stud, je peux constater qu’il joue juste. Parti avec un [Kc] comme carte visible, Eric relance. Freddie paie, et Eric recoit un autre trèfle, le [Jc]. Il mise à nouveau. Freddie paie, et Eric recoit un [Ac]. Il mise encore, et est payé encore. Son tableau affiche désormais [Kc][Jc][Ac][Jd], et pourtant, Eric checke, puis passe rapidement après une mise de Freddie, concédant le pot à son adversaire. « Eric n’avait rien d’autre que la paire de Valets. Il bluffait en comptant sur la force de son tableau », explique Thor, me donnant une rapide mais bienvenue leçon de Stud. « Il a abandonné sur la sixième carte, car il savait que Freddie ne pouvait miser qu’avec un brelan au minimum. Il savait qu’il était battu. »

Les antes sont élevées, et il n’y a pas plus de l’équivalent de trente mises sur la table. Tout peut arriver. « Mais c’est une bonne structure quand même », dit Thor, toujours en mode souvenirs, pour mon plus grand plaisir. « A la grande époque, le tapis moyen était de cinq grosses blindes en tables finale, et personne ne se plaignait. » Derrière le rail, la nostalgie continue. « Tu te souviens de ces paris de folie avec Chip et Doyle ? Tu devais jeter un jeton de 5,000$ dans un chapeau au milieu de la salle. Dix-huit fois d’affilée tu a visé juste, et dix-huit jetons d’affilée tu as collecté. » Thor secoue la tête, et je ne sais pas si c’est parce qu’il ne se souvient pas de l’histoire, où parce qu’elle ne s’est pas produite ainsi.

Les heures passent, et la partie continue. Le matin pointe, et Eric a perdu son chip-lead. Le vieux Freddie est de plus en plus fatigué, mais il accumule les jetons. « Deux paires à l’As », annonce t-il d’une voi calme après que la dernière mise ait été placée dans un pot gigantesque. Eric Drache hôche la tête lentement, concédant le pot. Le huitième meilleur joueur de Stud du monde est réduit à peau de chagrin, victime d’un fish de 70 ans.

Quelques secondes plus tard, Eric est forcé de mettre ses derniers jetons au milieu. Il double son tapis, mais ce n’est pas suffisant, et peu après, Freddie Ellis est déclaré vainqueur. Eric Drache doit se contenter de la seconde place. Il a l’air épuisé, mais pas tellement frustré pour quelqu’un qui vient juste de chuter sur la dernière marche. Je ne connais pas Eric, et ne lui ai jamais adressé la parole, mais me sens quand même obligé de lui serrer la main, et de lui dire quelques mots. Je pense seulement au fait que la victoire de Mister Nice Guy aurait pu faire une très belle histoire, celle d’un homme recevant enfin un peu de reconnaissance, après trente ans de service auprès de la communauté du poker.

Tandis que Freddie pose pour les photographes, je partage mon chagrin avec Nolan Dalla, le directeur des médias aux WSOP, qui vient d’arriver sur le podium pour collecter les impressions du vainqueur en vue du prochain communiqué de presse. Il est aussi déçu que moi, car Eric et lui sont amis depuis des lustres. Comme souvent, c’est Nolan qui aura le dernier mot.

« Peut-être que c’est mieux que l’histoire se termine comme cela », philosophe t-il. « La tragédie d’Eric Drache. »

En effet. Toujours second. Toujours caché dans l’ombre. Ce soir, après avoir collecté son prix, Eric Drache retournera chez lui, et replongera dans l’anonymat. Et c’est peut être mieux comme ça. Ou pas. Mais toujours est-il que c’est tout de même une bonne histoire.

Day 9, demandez le programme

Il est sept heures du matin et je quitte enfin l’Amazon Room. Oui, je sais, je suis fou, et je ne compte pas y revenir avant 21 ou 22 heures jeudi… Ce qui veut dire que le reportage ne redémarrera pas avant vendredi matin en France. Mais ne vous inquiétez pas, on rattrapera le retard rapidement sur chacune des épreuves suivantes :

Midi : Event #11 – No-Limit Hold’em 2,000$ (Day 1)
14h : Event #7 – No-Limit Hold’em 1,500$ (Finale)
14h : Event #8 – Deuce to Seven No-Limit 2,500$ (Finale)
14h : Event #9 – No-Limit Hold’em Six-Handed 1,500$ (Day 2)
14h : Event #10 – Pot-Limit Hold’em/Omaha 2,500$ (Day 2)
17h : Event #12 – World Championship Mixed Event 10,000$ (Day 1)

A très vite, les amis.