Trois Top Sharks en eau libre
François Pirault, Loïc Debregeas et Alejandro Romero quittent le navire Winamax. Avant d'être lâchés dans le grand bain, les Top Sharks nous accordent une dernière interview.
Francois Pirault : trop pro pour rester sponso ?
Rempiler pour un an de plus n’est pas chose acquise pour un Top Shark. François Pirault, qui détient toujours le record de points marqués en finale de la TSA lors d’un sans-faute sur la dernière épreuve de l’édition 2021, fait partie de ceux à qui on avait proposé une année de plus - cela aurait été la troisième. Mais, vous l’avez compris : On_The_Road ne suivra pas les traces de Volatile38 ou Mikedou en transformant un CDD en CDI.
Qu'on ne s'y trompe pas : c'est bien François qui a pris la décision de quitter la meilleure équipe de poker d'Europe. Car "s'il l'avait voulu, il aurait été prolongé, affirme le coach du Team Stéphane Matheu. On était hyper contents de son boulot." Ce nouveau bail, On_The_Road le méritait, donc. Au niveau des performances en live, l'un des plus importants critères pour conserver sa place au sein du Team (en tout cas pour les spécialistes des MTT), le Nantais montait en puissance depuis deux ans. Il a perfé dès qu'il en a eu l'occasion aux tables en dur, parvenant en demi-finales de l'énorme Millionaire Maker des WSOP 2021, avant de signer deux autres Top 25 sur cette campagne vegassienne, lui permettant de conclure en beauté une première année réussie. "Par la suite, j'ai aimé pouvoir découvrir le circuit EPT, même si ça ne s'est pas super bien passé, explique François. Globalement, j'aurais pu mieux faire, j'ai fait pas mal de deepruns un peu frustrants, j'aurais bien voulu gagner un titre en tant que Team Pro Wina. Mais ça se joue à peu de choses." S'il termine perdant financièrement après ces deux années sans titre live, c'est aux WSOP 2022 qu'On_The_Road a atteint son apogée sous le logo W. En jouant son premier tournoi à 25 000 $ tout d'abord : "J'ai redédouvert la sensation du cœur qui bat vraiment quand je me suis retrouvé à tapis couvert en bluff ! Alors qu'avant dans ma vie, je faisais tout pour éviter le risque..." Puis en arrivant en finale de l'un des derniers events des Series : votre serviteur se souvient ainsi d'un François ultra-concentré, casque sur les oreilles, s'offrant une petite séance de méditation assis contre un mur de la salle principale des WSOP, avant de disputer le Day 3 le plus important de sa carrière. Et ce, à quelques mètres de la folie de la TF du Main Event. Une scène qui finalement résume bien mieux le Ligérien qu'une fiche de résultats.
Car ce qu’on retiendra avant tout d’On_The_Road chez Wina, c’est bien ce sérieux sans faille dont il a fait preuve durant deux ans. « Son professionnalisme et sa rigueur étaient remarquables, loue le coach Stéphane Matheu. Il est très au clair sur ce qu’il veut accomplir, et il s’en donne les moyens. » Et ce sans céder à presque aucune tentation extérieure, ce qui n’est pas l’apanage de tous les joueurs de poker. Toujours enthousiaste, toujours disponible, toujours dans l’optique de soutenir et promouvoir le Team W, François était toujours au top de sa forme. Normal nous direz-vous, quand on s’astreint sans sourciller à une hygiène de vie et des routines strictes, symbolisées par les bilans et objectifs de vie qu’il publie chaque mois. Songez que François est même allé jusqu’à commencer à apprendre l’espagnol, simplement pour pouvoir s’impliquer davantage dans les opérations de Winamax destinées aux joueurs ibériques !
Mais si On_The_Road a donc pu briller cartes en main et en dehors des tables durant deux années, il s'est au bout du compte offert lui-même une grande liberté : choisir sa sortie. Sa décision a été prise il y a un bon moment déjà : "Je l'ai annoncé au coach en juillet dernier, au retour de mes vacances en Italie post-WSOP," explique François. Mais pourquoi dire stop à cette vie de joueur sponso dont rêve tout fan de poker ? Évidemment, les raisons sont nombreuses.
En premier lieu, une incompatibilité croissante avec le style de vie que s’impose François : « C’est le gros argument. Avant les derniers WSOP, je sentais que je faisais trop de trucs en même temps. J’étais hyper-frustré, je n’arrivais plus à progresser au poker. J’avais l’impression que les autres joueurs me rattrapaient. En plus de ça, j’étais dans une mauvaise période niveau résultats… Et après un mois et demi de live, j’ai réfléchi et j’ai réalisé que je voulais retrouver mes routines, reprioriser mes objectifs. » Le poker live est en effet une flamme difficile à entretenir pour le Nantais : « J’avais un peu perdu ce côté passion compétition. Au début, je faisais du live pour le plaisir, mais après c’était trop, en plus des sessions online du dimanche, où je fais la plupart de mes grosses perfs… D’ailleurs mes résultats online sur Winamax ont aussi chuté depuis que je suis dans le Team. » On retiendra tout de même une victoire WSeries et un titre Summer Shots. Faire des erreurs : un sujet dont il a d’ailleurs tiré un blog très instructif… après avoir notamment débarqué dans le mauvais casino pour l’EPT Monte-Carlo.
Pour annoncer son départ et débriefer ces deux années, François était l'invité de PonceP dans Culture Pok la semaine passée. L'occasion de revenir également sur son parcours, ses prestations en stream, son côté pédagogue, son rapport aux réseaux sociaux, sa finale à Vegas cet été, sa relation avec _Winda... sans oublier quelques anecdotes rigolotes !
Mais si François a décidé de quitter le Team, ce n'est pas une raison pour ne pas retenir du positif, bien au contraire. Y compris au niveau des tournois live : "Tu sens que tu fais partie d'une équipe, on est souvent ensemble. Avoir Steph' ou Melvin à ses côtés est une aide précieuse. J'ai aussi adoré le séminaire du Team l'an passé. Je m'entendais bien avec tout le monde, et je reverrai Romain et Guillaume c'est sûr. Il y a aussi _Winda qui est arrivé cette année et avec qui je me suis super bien entendu. Le travail que fait Pierre Calamusa pour être un bon ambassadeur est également inspirant. Quant à Davidi, il est toujours dans le comportement exploitant, même dans la vie de tous les jours !"
François a également kiffé nouer des contacts avec les fans : "Certains m'ont dit que je les inspirais, notamment un serveur qui m'a reconnu dans un resto ! Un autre m'a demandé de lui signer un As de cœur lors de mes dernières vacances au ski... Motiver les gens sur les réseaux, ça me touche, ça me booste. Il y a ce côté humain, les gens viennent te parler sur le WiPT et le Trophy. Bon, il y en a aussi un qui m'a pris pour Guillaume Diaz au WiPT Strasbourg, ou d'autres qui me demandaient des selfies alors qu'ils ne savaient pas qui j'étais, juste pour avoir la photo ! Mais c'est quand même impressionnant de voir le nombre de gens qui te soutiennent durant tes deep runs."
Et comme on a pu le sentir durant deux ans, On_The_Road affirme avoir "pris du plaisir" dans ses obligations de Team Pro W, tout comme le staff en a pris à bosser avec lui [on ne peut qu'abonder aux louanges de PonceP dans Culture Pok, à 35'55'', NDLR] : "J'ai kiffé représenter la marque et travailler avec le staff. C'est tout de même sur Wina que j'ai commencé, sourit le Nantais. C'est une grande famille." "Il faisait aussi du bon contenu pédagogique. C'était une super expérience de travailler avec François", conclut Stéphane Matheu.
Pour le futur, François s'est fixé de nouveaux objectifs. Et il sont très, très ambitieux : "Je veux devenir le meilleur joueur français d'ici deux ans - même si c'est très subjectif - et atteindre le top 10 à la fin de l'année, pose l'ex-Top Shark. J'ai l'impression d'avoir des montagnes de choses à bosser... Si j'y parviens, je deviendrai beaucoup plus fort. Ce sera intense : le but est d'être le plus efficace possible, dans mon cadre, chez moi, avec mes routines. J'aime ça ! Ensuite, on verra, si par exemple j'ai des enfants..."
_Winda : le rêve se poursuit sous les tropiques
En janvier 2022, c’est un lauréat de la Top Shark Academy enthousiaste et motivé que l’on découvrait sous les traits de Loïc Debregeas. Douze mois plus tard, c’est la même personne joviale avec qui on s’entretient par téléphone, au moment où se referme son chapitre dans le Livre d’Or du Team Winamax. Car même si l’aventure s’achève dans le délai d’un an défini par le contrat Top Shark, le jeune Marseillais n’affiche aucun regret. Et c’est sans plus attendre qu’il s’est attelé à poser les prochains jalons d’une carrière déjà très prometteuse.
« Je suis quelqu’un de positif. J’aurais aimé poursuivre avec le Team, bien sûr, mais je n’ai aucun regret. Je suis content, c’était un vrai kiff. Si c’était à refaire, je ne changerais rien à ces douze mois. » C’est indéniable : _Winda a vécu une année 2022 à fond la caisse. Rejoindre les rangs de quelques-uns des meilleurs joueurs d’Europe, sauter de place-forte en place-forte du poker mondial, maintenir un contact permanent avec la communauté francophone, sur nos petits et gros évènements live comme sur les réseaux, rigoler pas mal, échanger beaucoup… L’expérience est passée à toute vitesse, mais elle aura été vécue pleinement.
Certes, ses premiers pas sur les tournois à 5 000 ou 10 000 $ du circuit live n’ont pas accouché d’une grosse perf’… Tout au plus Loïc se rappellera-t-il d’un ITM sur l’EPT de Barcelone, et de trois petits deep-run à Las Vegas durant les WSOP. Mais c’était un aspect de la vie de pro auquel le grinder online s’était préparé au moment de débuter son tour du monde. « Mon volume en live sur tout 2022, cela représente même pas 2 soirées en ligne ! Il y a beaucoup de variance. » D’autant qu’à côté de ça, ses résultats sur les tables de Winamax n’ont absolument rien eu à envier avec ceux des pros du Team Winamax les plus expérimentés. Seul, peut-être, un Alex Romero (autre Top Shark en partance, voir ci-dessous) aura su le concurrencer cette année en termes de volume et de performances. Winamax Series, High Roller, Purple, Grand Tournament, Mini WSOP, Top 50, Battle Royale, After Work, Prime Time, Mystery KO, XTASE, XTREM : on ne vous fera pas la liste de toutes les finales disputées (et, souvent, remportées) par _Winda cette année, car elle n’en finirait pas. Là où nombre de nouvelles recrues du Team Winamax voient leurs résultats en ligne pâtir, distraits qu’ils sont par un calendrier live chargé, Loïc est parvenu à carburer à plein régime tout au long de son année dans le Team. Pas le plus mince des exploits.
On le devine en parlant avec Loïc : ce bref passage dans le Team Winamax va l’impacter durablement. Il lui a prouvé qu’il avait les moyens de ses ambitions, et qu’il pouvait poursuivre dans la voie du poker pro. C’est quelque chose dont le jeune prof de maths n’était pas tout à fait sûr en janvier 2022. « Tenter le poker à plein temps, c’était un rêve. J’étais déjà un joueur gagnant avant : en rentrant dans le Team, je n’avais rien à perdre. Je voulais surtout prendre du plaisir, sans me prendre la tête. Mais d’un autre côté, c’était aussi une année test. » Un test passé haut la main, on l’a déjà démontré, et qui ne peut que le motiver à continuer. Sa prochaine étape a déjà débuté : c’est depuis le Mexique que Loïc a donné son dernier entretien en tant que membre du Team. « Je me suis installé à Playa del Carmen, à quelques minutes des plages. J’ai retrouvé Alexane [Najchaus] et son frère, et il y a plein d’autres joueurs pros expatriés. Avec les six heures de décalage horaire, c’est agréable de commencer sa session plus tôt et de ne pas finir au milieu de la nuit. » Là-bas, _Winda va pouvoir se frotter pour la première fois aux tables du .com et à des parties un peu plus chères. « Le plan est simple : continuer à progresser et à monter de limites, toujours plus haut. J’ai pas mal gagné cette année, et je n’ai que 25 ans. J’ai encore de la marge. »
Contrairement à nombre de pros, Loïc n’est pas du genre à coucher sur papier des objectifs ou à s’imposer une road map détaillée. « Je n’en ai pas besoin : je kiffe trop le jeu ! » Tout au plus se fixe-t-il un mot d’ordre simple : « Je veux vivre du poker toute ma vie ! Chaque nouvelle perf’ est un moyen de prolonger ce rêve, de me donner quelques années d’avance supplémentaires. » On le comprend : c’est principalement en ligne que _Winda va poursuivre son ascension. Mais le Top Shark 2022 ne compte pas disparaître totalement de la sphère live. « Vegas, ça a tout de même une saveur particulière, à cause du bracelet. C’est un séjour qui est très cher, la variance est énorme, mais j’aimerais quand même pouvoir faire une partie des WSOP cet été. Il va falloir continuer à monter la bankroll ! Mais dans tous les cas, vous continuerez de me voir sur les réseaux. »
Álex Romero : l'expérience inachevée
De l'autre côté des Pyrénées, l'aventure se termine également pour Alejandro Romero, au terme d'une première année sur le circuit live pleine de promesses. "Bien sûr, je connaissais cette éventualité dès le départ, commente l'Andalou, mais j'espérais pouvoir prolonger. J'ai connu une très bonne année, que ce soit en termes de résultats ou de croissance personnelle." Il faut dire que le physiothérapeute, qui a laissé sa première carrière entre parenthèses pour se consacrer pleinement au poker, n'a pas tardé à se faire remarquer.
Après une entrée en matière en catimini du côté de l'EPT Prague, Álex signe le coup d'éclat principal de son année à Monte-Carlo en même temps que la meilleure perf' du Team Winamax sur un Main Event European Poker Tour. Au milieu du gratin du poker mondial, il s'invite, bien que brièvement, en table finale, s'inclinant en neuvième place pour 70 000 €. "Ce fut une grande expérience et une énorme source d'enseignements pour moi, se souvient l'Espagnol. À ce moment-là, j'ai senti que j'avais ma place dans le monde du poker, que j'étais parti pour rester. Pas seulement grâce au boost financier, évidemment conséquent, mais aussi via les sensations que ce deep run a éveillé en moi, aux tables comme en dehors. Je me souviens très bien du conseil que m'a donné João [Vieira] juste avant d'attaquer le Day 4 : il m'a dit de considérer cette journée comme une de plus parmi d'autres, sans pression. Le message m'a touché, mais aussi le geste, que quelqu'un comme lui, que je venais à peine de rencontrer, me fasse sentir que je faisais partie intégrante de l'équipe. C'était très gratifiant comme sensation."
Janvier 2022 : la première rencontre, sur ses terres andalouses
S'ajouteront deux places payées supplémentaires sur des Side Events à Barcelone et un Top 100 sur le Main Event de l'EPT Londres. Mais c'est surtout sur les tables online qu'And1ero s'est illustré avec la plus grande régularité. Dès avril, il décroche ainsi son deuxième titre Winamax Series sur le Heads-up Championship - après celui de janvier qui lui avait ouvert les portes du Team W - et s'illustre régulièrement sur les plus beaux tournois de notre grille. On l'a notamment vu cet été signer un doublé Battle Royale/Rally la même soirée et enchaîner avec son premier Highroller, avant de s'offrir tout récemment le Top 50. Et on ne vous parle même pas de ses innombrables podiums et autres tables finales, qui lui ont valu de toujours figurer en bonne place au classement de notre Grand Prix annuel.
Une année sans fausse note, mais qui ne débouche donc pas sur un renouvellement. Les raisons ? Malheureusement, la communication aurtour du poker en Espagne est très réglementée. Nombreux sont les garde-fous nous empêchant de mettre en avant nos pros autant que nous le souhatierions. Sans nul doute que dans le cas contraire, Álex ferait aujourd'hui toujours partie de l'équipe. "Bien sûr, je regrette qu'il en soit ainsi, mais je comprends parfaitement. Stéphane m'a tout expliqué d'un point de vue sincère et pragmatique. À partir de là, je ne peux rien faire d'autre que de témoigner toute ma gratitude pour cette année passée en tant que membre du Team Winamax. C'est allé bien au-delà des 50 000 € que j'ai reçus pour jouer des tournois. C'est une expérience que je n'oublierai jamais : je n'ai pas cessé d'apprendre, et plus qu'une équipe j'ai fait partie d'une vraie famille." On te souhaite tout le meilleur pour la suite Álex ! - texte original par Álex Hernando, traduit et adapté par Flegmatic
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