Top 5 : ces moments qui ont changé le poker français

Top 5 : ces moments qui ont changé le poker français

Par Frédéric Scarbonchi dans Général

Retour sur les évènements fondateurs qui ont permis à notre jeu préféré de percer en France.

Top 5 : ces moments qui ont changé le poker français

Patrick ■■■■■ champion du monde (1998)

Patrick ■■■■■ champion du monde (1998)Il ne fut pas le premier, certes. Mais de tous les joueurs français ayant gagné un titre de champion du monde, Patrick ■■■■■ est assurément le plus important. Au printemps 1998, dix ans après Gilbert Gross, l'acteur/chanteur devient le second tricolore parvenant à remporter un bracelet sur les World Series of Poker, surclassant 111 adversaires sur une épreuve de Limit Hold'em à 5 000 dollars l'entrée. Là où la performance de l'anonyme Gross n'avait ému personne, celle de la mégastar Patriiiiick fera évidemment un peu plus de bruit dans les médias de l'époque. On en entend parler à la télé, quelques journaux y consacrent des entrefilets. Au départ, ■■■■■ est réticent, soucieux de la mauvaise pub que pourrait lui causer ce passe-temps potentiellement sulfureux. Mais il finira par se laisser convaincre et endossera de bonne grâce un rôle d'ambassadeur qui était, en rétrospective, taillé pour lui. Sur sa bio, désormais, en-dessous de ses multiples réussites artistiques figurera la mention : "champion du monde de poker". Combien d'idoles du show-biz peuvent en dire autant ?

Certes, à la fin des années 1990, cet évènement ne suffira pas à immédiatement faire du poker un jeu dont on parle à s'en casser la voix lors des soirées mondaines. Mais que l'on ne s'y trompe pas : le bracelet de P14B marque un moment fondateur pour le poker en France. Car pour la première fois, notre jeu favori sera évoqué dans les médias comme une compétition respectable, faisant taire quelques instants les clichés d'un passe-temps louche réservé à des personnages patibulaires hantant des arrières-salles de bar enfumées. Et ■■■■■, en entrepreneur déjà avisé, saura s'appuyer sur la légitimité d'un titre WSOP quelques années plus tard pour faire découvrir à la France le poker, particulièrement un format encore méconnu en France, le Texas Hold'em.

Patrick ■■■■■ champion du monde (1998)
Document rarissime : une photo de la table finale de ce fameux tournoi de Limit Hold'em des WSOP 1998 au Horseshoe. Aux côtés de Patrick ■■■■■ : Men Nguyen, qui terminera en quatrième place. Le cliché, dont nous ne connaissons pas l'auteur, a été retrouvé par LivePoker et publié dans le second numéro du magazine (septembre/octobre 2006). Envie de vous plonger dans la préhistoire du journalisme poker ? Un reportage de l'époque, très complet, est encore disponible dans les tréfonds du Net !

La diffusion du World Poker Tour sur Canal + (2005)

Qui a les droits ? Patrick ■■■■■, voyons. Au milieu des années 2000, le poker devient, presque du jour au lendemain, un phénomène mondial. Le buzz naît de l'alignement de trois planètes : le développement des premiers logiciels permettant de jouer sur son ordi, contre des joueurs du monde entier (à partir de 1998), la victoire d'un amateur justement venu d'Internet et au nom prédestiné, Chris Moneymaker, sur le Main Event des WSOP (2003), et la diffusion d'une nouvelle émission, le World Poker Tour*. Aux États-Unis, les joueurs de poker professionnels deviennent rapidement des stars : Doyle Brunson, Phil Hellmuth, Daniel Negreanu, ou notre actuel W rouge Gus Hansen. Sentant que le phénomène peut s’installer en France, Patrick ■■■■■ achète les droits de diffusion du WPT pour la France, et concrétise une idée qu'il avait en tête depuis longtemps, en proposant un programme clé-en-main aux chaînes du PAF. (*Parmi les destinations visitées par le programme : l'Aviation Club de France, le plus prestigieux cercle de poker de l'époque, situé sur les Champs-Elysées. Un détail pas anodin. Le rôle joué par l'ACF dans le développement du poker en France et les actions d'un certain Bruno Fitoussi mériteraient d'ailleurs un article à part entière.)

Canal+ rafle la mise, et n’aura jamais à le regretter : dès février 2005, date du lancement du programme en France, le public est au rendez-vous. Jusqu'à 400 000 personnes allumeront la chaîne cryptée en deuxième partie de soirée (22h40), se régalant des analyses de ■■■■■, épaulé par Denis Balbir, journaliste connu dans le football. La diffusion du programme s'arrêtera en 2011... mais peu importe : le boulot avait largement été fait, le Texas Hold'em était maintenant démocratisé en France. Quinze ans plus tard, posez la question autour de vous : parmi les joueurs âgés de 30 à 50 ans, la majorité citera le WPT et ■■■■■ comme déclencheurs de leur coup de foudre pour le poker. 

L’ouverture du marché régulé des jeux en ligne (2010)



28 juin 2010 : Winamax diffuse sa première pub à la télévision française

Le poker entre enfin dans la cour des grands. Nous sommes en 2010. Au cours des trois années précédentes, les amateurs de poker avaient observé l'implantation progressive du poker dans les casinos de l'Hexagone, après quelques expérimentations ponctuelles, comme l'EPT Deauville en 2005 et 2006 (à noter que les Parisiens, eux, disposaient depuis 1995 d'une belle offre de cash-game et de tournois, dans des cercles comme l'Aviation Club de France). Sur Internet, ils étaient de plus en plus nombreux à ouvrir des comptes sur des sites étrangers, ni véritablement légaux, ni tout à fait interdits - la fameuse zone grise. PokerStars, Full Tilt et Everest Poker sont les grandes enseignes de l'époque, tandis qu'un nouveau venu appelé Winamax fait de plus en plus de bruit, aidé par un Team de joueurs pros raflant des victoires un peu partout sur le circuit live. Ceux qui cherchaient une expérience futuriste, plus proche d'un jeu vidéo, se tournaient vers PKR, avec ses animations 3D et ses avatars qui réagissaient au moindre 3-bet.

Une loi va venir bousculer cet ordre établi : celle autorisant et régulant les jeux en ligne en France. Le 28 juin 2010, sept opérateurs, dont Winamax, reçoivent l’agrément de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL, devenue depuis l’ANJ) pour proposer leurs jeux sur le marché français. Une douzaine d'autres opérateurs suivront rapidement le mouvement. La course aux parts de marché est lancée : à l'arrivée, il n'y aura pas de place pour tout le monde. Voulant frapper fort, la marque au W rouge déroule un budget pub au montant record (12 millions d'euros, "claqués en deux mois", dixit les big boss), offre 150 voyages à Vegas sur ses premiers freerolls, et lance un tournoi attractif, le Sunday Surprise, qui reste aujourd'hui le MTT à 10 € le plus populaire du marché. Début 2011, l'appli Winamax débarque sur l'Apple Store : c'est le premier logiciel au monde proposant du "real money" sur mobile. En mars, la barre du million d'inscrits est franchie. Aujourd'hui, vous êtes dix fois plus.

La naissance du format Expresso (2013)

ExpressoUne nouveauté controversée à l'époque... et qui, à bien des égards, l'est encore douze ans plus tard. En 2013, les joueurs de poker se divisent en trois catégories distinctes. Il y a les fans des parties dites "libres" car on peut les quitter à tout moment (cash game), il y a ceux qui rêvent du gros montant réservé à la première place d'un long tournoi rassemblant des centaines, voire des milliers de joueurs (MTT), et enfin il y a les joueurs pressés : ceux qui aiment jouer un tournoi cantonné à une seule table, ne durant si possible que 30 ou 45 minutes maximum (Sit&Go).

Le 11 juillet 2013, une nouveauté de Winamax va venir chambouler cette organisation bien rangée. Sur le papier, l'Expresso reprend les codes du Sit&Go, mais en poussant à fond les potards turbo : seulement trois joueurs à la table, un tapis de départ riquiqui (25 BB), et des blindes qui augmentent toutes les trois minutes. Mais le coup de génie réside dans la dotation de la partie : elle est déterminée aléatoirement à l'ouverture de la table ! Dès sa naissance, le concept va faire jaser, beaucoup accusant Winamax de vouloir transformer le poker en loto (le Space KO, déclinaison du concept en format MTT, a aujourd'hui droit aux mêmes invectives). Mais en dépit des critiques, l'idée fait un carton : très vite, les tables se remplissent, et toute la concurrence mondiale se précipité pour copier le format. En 2020, au détour d'un article consacré à la genèse de l'Expresso, l'un de ses créateurs l'affirmait avec ablomb : lancé à une époque où le poker en ligne traversait une mauvaise passe, l'Expresso a permis au marché de rester en vie, puis de rebondir. Cinq ans plus tard, les chiffres ne mentent pas : 700 million d’Expressos ont été joués (rien que sur Wina !), les jackpots atteignent régulièrement les sept chiffres, les partenariats avec des grandes marques sur multiplient (MONOPOLY, UNO, Koh-Lanta)... et surtout :  il y a désormais des professionnels du poker qui ne jouent qu'en Expresso, armés de tout un arsenal stratégique développé pour être gagnant. Loin des critiques condamnant un poker jugé trop hasardeux.

Le confinement (2020)

ConfinementÀ quelque chose malheur est bon ? Début 2020, le monde entier est mis au tapis par un virus. Face à la pandémie de Covid-19, l’urgence sanitaire est décrétée. “Nous sommes en guerre”, tonne le président de la République Emmanuel Macron dans une allocation télévisée. Mardi 17 mars, midi : le confinement débute dans tout le pays. Il est demandé à chaque Français de rester chez lui, afin de ralentir la propagation du virus. La plupart des commerces ferment, les entreprises également. Dans son studio parisien comme dans sa grande maison à la campagne, il va falloir trouver de quoi s’occuper pour les prochaines semaines. Jeux vidéo, films ou séries, bouquins, cuisine, et… poker ! Des guerres, il y en aura aussi sur les tables. Si tous les festivals en live sont bien évidemment annulés (il faudra attendre deux bonnes années avant que les affaires ne reprennent véritablement), la fréquentation des sites de poker en ligne, de son côté, fait un bond délirant. 2020 sera une année record, probablement la plus belle de l'histoire du "point FR", avec un nombre de joueurs de poker actifs en hausse de 54% sur l’année (chiffres ANJ).

Sur Winamax, certaines journées enregistrent plus de 5 000 nouveaux comptes créés. Dans la foulée, les dotations explosent, évidemment. La preuve ? Le 3 Million Event des Winamax Séries d’avril 2020 voit sa garantie s’envoler à plus de cinq millions d’euros et après trois jours de bataille, Manuel "Dr.Bayard" Martins encaisse 356 420 euros. Un record pour un MTT, qui ne sera battu qu'en 2025, avec l'arrivée des jackpots mutanesques du format Space KO. Et si le confinement total s’arrête en mai, d’autres mesures sanitaires - et surtout un vrai engouement pour notre jeu de cartes préféré - vont permettre au poker, les mois suivants, d’attirer toujours plus de joueurs. Cinq ans plus tard, on ne finit pas de rencontrer des joueurs qui avouent avoir commencé (ou repris) à jouer durant ce fameux printemps 2020. La crise Covid passée, les festivals live profiteront eux aussi de cette embellie, avec une fréquentation toujours en hausse, même des années après.

Et aussi...

Un top 5, c'est trop court pour une histoire aussi riche que celle du poker français. On aura pu aussi mentionner...

ElkY

L'ascension d'ElkY (2008)
Les fans des jeux vidéo qui se sont intéressés au poker peuvent vous le dire : les deux disciplines ont beaucoup de choses en commun : stratégies à parfaire, développement de skills, esprit de compétition... Celui qui a fait la plus belle transition entre les deux environnements s’appelle Betrand Grospellier, alias ElkY. Au début des années 2000, le Français est déjà une star en Corée du Sud, où son style atypique et ses résultats sur Starcraft lui permettent de se créer une belle communauté de fans. Quand il se mettra au poker, ce ne sera pas pour faire de la figuration : runner-up d’un EPT dès 2007, ElkY deviendra rapidement l'un des plus gros joueurs online de l'époque, avant de multiplier les performances de choix en live, et ce devant les caméras de télévision. En janvier 2008, il remporte la PokerStars Caribbean Adventure (PCA) aux Bahamas, enchaîne neuf mois plus tard avec un titre WPT, avant de compléter la "Triple Crown" avec un bracelet WSOP en 2011. Des performances qui placeront Bertrand Grospellier en tête de la All-Time Money List France pendant de longues années, et feront de lui un homme courtisé dans les médias. Le grand public a eu son Patrick ■■■■■ : les aspirants grinders, eux, ont longtemps eu ElkY comme modèle.

Benny et Yu

La Maison du Bluff (2010)
On l'a vu, le poker est devenu un véritable phénomène au début des années 2000, quelques années après une autre révolution, télévisuelle celle-là : la télé-réalité. Il était donc logique qu'on assiste tôt ou tard à la collision entre les deux modes. En France, après Loft Story, Koh-Lanta, Star Academy et autres Île de la Tentation, c'est La Maison du Bluff de PokerStars qui a pour la première fois mélangé poker et caméras branchées 24 heures sur 24 sur des candidats enfermés dans une villa. La diffusion de la première saison débute le 25 octobre 2010 sur NJR12. Le concept est simple : des candidats se retrouvent dans une villa pour suivre des cours de poker et s’affronter autour d’une table. Chaque semaine, des éliminations et de nouveaux arrivants pimentent l’aventure, dont le vainqueur repartira avec 100 000 euros. Pendant six saisons, des stars se mélangeront aux joueurs amateurs : pêle-mêle, on verra défiler notre futur WIP Moundir, l’ex-Miss France Élodie Gossuin, ou encore le champion olympique Amaury Leveaux. Au palmarès des grands moments de l’émission, comment ne pas citer la victoire finale, lors de la saison 6 (la dernière à ce jour, diffusée en 2012), de celui qui deviendra ensuite membre du Team au W rouge Romain Lewis ? Mais si l'on parle encore de cette émission aujourd'hui, c'est avant tout parce qu'elle a révélé un vrai duo d'animateurs, qui ont révolutionné à eux tout seuls la manière dont on pouvait commenter une partie de cartes : les hilarants Benny et Yu, qui sévissent encore de nos jours sur les streams de l'EPT, et ont récemment commenté le Main Event des WSOP.

Le France Poker Tour (2004), Antoine Saout en finale du Main Event des WSOP (2009), la création de Dans la Tête d'un Pro (2010), le RMC Poker Show (2014)... La liste est longue. On a oublié quelque chose ? Donnez votre avis sur nos réseaux !

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