Saout, éternel Poulidor
Un après sa deuxième place sur le Main Event, Antoine Saout termine cette fois runner-up du High Roller. Tant pis pour l’armoire à trophée, le champion français continue d’écrire sa légende et ajoute une nouvelle ligne prestigieuse, et un score de 380 briques, à son palmarès ébouriffant.
EPT High Roller 10 300 € (Fin)
3e du Main Event WSOP 2009, 5e huit ans plus tard, runner-up du Main Event EPT Prague 2022, runner-up Deepstack Extravaganza, 3e au Aussie Millions… En presque quinze ans de carrière, Antoine Saout s’est forgé un palmarès ébouriffant, multipliant les exploits, faisant tomber les perfs et les millions… Mais le gout de la victoire ne lui est pas vraiment familier. Aujourd’hui, le grinder français vient de réaliser une autre performacne majuscule : Runner-up d’un High Roller EPT, l’un des tournois les plus prestigieux et les plus relevés du circuit, pour un gain de 383 700 €. Une ligne de plus à son palmarès exceptionnel, qui manque cependant un peu de trophées.
« T’as tout le temps envie de gagner, assure Antoine Saout, quelques secondes après la fin du tournoi. Sur un High Roller, c’est quand même différent. Le Main Event, c’est un tournoi spécial. ça me fait plus chier d’avoir loupé la victoire l’année dernière que maintenant ».
Le trophée en question s’est joué à un flip. Ou même deux flips. Après un deal conclu avec son opposant kazakh, le très agressif Shyngis Satubayev, les deux hommes jouent pour 40 000 €, et la coupe. Saout vient de remporter un flip avec A9 contre KQ pour revenir à 6 millions partout, on joue un HU 30 BB deep et le Français prend l’ascendant. Il grignote peu à peu son adversaire, jusqu’à s’offrir une première balle de match.
« All-in and call », cette fois, c’est Saout qui tient le KQ, contre A10 chez le Kazakh. Le flop 1025 offre une farandole d’outs aux Français, mais la turn A et river K valide le double-up adverse. Le heads-up durera trente minutes de plus. Trente minutes sans toucher trop de mains, jusqu’à ce nouveau flip avec 22 contre K6. Satubayev touche sur le board A65Q5 et prive encore une fois Antoine de la victoire.
Gestion, attrapages et re-steals
Osillant entre 15 et 30 blindes depuis l’entrée dans les places payées, Antoine Saout était loin de partir favori au moment de parvenir sur l’ultime table du tournoi. Avec un Juan Pardo énorme et Scott Margereson en plein rush, Antoine fait le dos rond et se contente de maintenir son stack à flot jusqu’au 7-max. C’est là que vient le premier spot.
Open-shove Anton Suarez 10BB CO, Antoine trouve A10hd en SB et prend le spot. En bonne posture face au A5 adverse, il plie l'affaire avec un 10 turn, Saout est de retour.
Ce High Roller prend un tournant une orbite plus tard. Open Satubayev, flat Scott Margereson en SB et en BB, Antoine se réveille avec deux Barbus. Avec 25BB, le Français opte directement pour le 3-bet shove. Snap fold du Kirghiz, mais avec 1010, Margereson paie la relance du Français, qui lui enseigne la mauvaise nouvelle. Le board est safe : Saout s’invite dans le trio de tête.
Il prend même seul les devants quelques minutes plus tard, avec un coup rondement mené contre Juan Pardo. Open CO de Saout, défense de Pardo et le flop vient J62. C-bet 100 000, check-raise 280 000, payé. Une Q sur la turn, Juan envoie la sauce pour ses 905 000 derniers jetons, c’est payé !
Juan avait check-raise light avec son 74, Saout avait payé tout aussi light avec son Q8 et la paire trouvée sur la turn tiendra face au tirage flush. Antoine monte près des 5 millions.
Malgré un gros carrambolage perdu avec JJ contre le AA de Tarmo Tarmel et le A9 de Mergereson (avec au passage, un joli slow-roll des deux As avant de payer), le Français gère bien le 3-left et grignotte l'Estonien. Tarmo Tammel finira par craquer, évincé par Satubayev, qui disposera d'un avantage au moment de démarrer le heads-up. Le face-à-face est une histoire de flip. Antoine gagne celui pour revenir à égalité et sceller un deal équitable. Il perd celui de la gagne, puis perd encore celui qui mettra fin à ce heads-up, comme expliqué plus tôt.
Longévité et road to 10 Millions
Le Français montre sa faculté à s’adapter à tous les fields, qu’il s’agisse de massif Main Event ou de High Roller plus exclusif et relevé. Voilà maintenant près de quinze ans qu’il sévit sur le circuit. Une longévité rare, dans une discipline de plus en plus compétitive, où le plus dur est certainement de durer.
« Je pense que c’est l’expérience, analyse Antoine. Je sais m’en sortir, adapter mon jeu, changer de vitesse. Sur ce High Roller, j’ai du être très patient, puis quand j’en ai eu l’occasion en finale, j’ai pu jouer davantage et grinder. Je sais m’adapter à toutes ces phases de jeu ».
Son expérience du Live est incomparable, mais Saout a su également se mettre à niveau techniquement. Il n’hésite pas d’ailleurs à prendre conseil auprès de la nouvelle génération, à l’image de Simon Wiciak, qui l’a poussé depuis les bords du rail, du début la fin de la finale.
« Tu te rends compte, j’ai gagné le Main Event et j’en suis réduit à ramener des gourdes », blague Simon Wiciak alors qu’il apporte une bouteille d’eau à table à Antoine. Rencontré lors de son premier séjour à Vegas, Simon a partagé avec Antoine de nombreuses aventures sur le circuit. Il y a quelques mois, c’est Saout qui le convainquait de mettre une deuxième bullet sur le Main Event de Barcelone. C’est encore Saout qui le poussait depuis les bords du rail tout le long de la finale. Les deux amis ont échangé les positions ce soir et encore une fois, ils quittent l’EPT avec une perf de taille.
« C’était bien d’avoir un soutien au bord de la table, confesse Saout. Quand j’ai des doutes sur certaines situations, il peut m’aider et il m’encourage ». Antoine a tissé des liens dans la communauté poker, mais reste un loup solitaire. « Je n’ai pas vraiment de groupe. Je travaille tout seul. Il y a plein de manière de travailler le poker. Je fais un peu de solvers, mais je ne suis pas à fond dessus. Je regarde surtout beaucoup de streams, pour comprendre la manière dont réfléchissent les joueurs ».
Antoine sait qu’il doit continuer de se bonifier pour rester compétitif. Mais après tant d’années et tant de perfs, n’y a-t-il pas un moment ou on se dit “ca y’est” ?
« J’ai envie de continuer. Je m’étais dit tout seul que j’aurais bien aimé atteindre la barre des 10 millions. J’en suis pas loin, mais il me semble que même en gagnant aujourd’hui je ne l’aurais pas atteinte. Je veux surtout continuer à bien jouer, gagner… Un bracelet, ça serait bien évidemment, mais je ne cours pas trop après ça puisque je ne joue que en Hold’em, où les fields sont massif. Le titre EPT, c’est celui qui me donne le plus envie ».
Comme la plupart des finalistes du jour, Antoine s'apprête à booker un nouvel avion pour rentrer chez lui. Il passera les fêtes à Londres en famille avant de preprendre la saison pour un bel évenement GKPT au Victoria et nous donne biensûr rendez-vous à Paris pour le prochain EPT.
Tableau High Roller EPT Prague 2023 - 10 300 € - 240 entrées
Place |
Joueur |
Nationalité |
Prix |
1 |
Shyngis Satubayev |
Kazakhstan |
415 600 € |
2 |
Antoine Saout |
France |
383 700 € |
3 |
Tarmo Tammel |
Estonie |
219 550 € |
4 |
Scott Margereson |
UK |
168 850 € |
5 |
Juan Pardo |
Espagne |
129 900 € |
6 |
Anton Suarez |
Suède |
101 450 € |
7 |
Kubanychbek Abakirov |
Kyrghizstan |
84 550 € |
8 |
Christopher Nguyen |
Autriche |
70 450 € |
9 |
Sali Atac |
Suisse |
61 250 € |