Prague, 812 jours plus tard…
Nous y revoilà. Deux ans, deux mois et trois semaines après avoir posé le point final à notre précédent reportage estampillé EPT, le circuit européen fait enfin son grand retour là où tout s'était arrêté : Prague. Certes, deux festivals ont eu lieu entretemps à Sochi, en octobre 2020 puis en mars 2021, mais ces étapes au bord de la Mer Noire ont toujours été pensées comme des rendez-vous dédiés aux locaux, où peu de joueurs non-Russophones osent s'aventurer. D'où Prague en guise de retour à la normale. Ou presque. Car quel étrange sentiment de redémarrer la saison, de repartir de l'avant, dans une ville où l'on se rend d'ordinaire pour clore le grand livre de l'année pokeristique. Pour votre serviteur, comme probablement pour bon nombre de joueurs/reporters/membres du staff, il s'agit ainsi du tout premier déplacement dans la capitale tchèque en plein mois de mars. Alors qu'ont donné les premiers jours des festivités ? À quoi peut-on s'attendre jusqu'à la conclusion du festival le mercredi 16 mars prochain ? Est-ce qu'il fait toujours aussi froid à Prague en cette fin d'hiver ? Avant de rentrer dans le vif des tournois qui animeront nos prochaines journées (rassurez-vous, on a le temps), tentons d'apporter un maximum de réponses à vos interrogations.
Il y a du monde ?
C'est bien évidemment LA question qui brûlait les lèvres de la planète poker avant même le lancement de cet EPT Prague samedi dernier. Alors que tout le monde se préparait à reprendre le chemin de la République Tchèque en décembre dernier, l'événement avait dû être annulé une énième fois pour cause de remontée en flèche de ce fichu virus. Vite reprogrammé pour la première quinzaine de mars, le grand retour de cet "EPT pour tous" s'est ensuite heurté à un nouveau point d'interrogation : l'invasion russe en Ukraine allait-elle jeter un voile d'ombre sur le festival et dissuader les joueurs du Vieux Continent de se rendre dans la cité de Václav Havel ? Certes, la République Tchèque et l'Ukraine ne partagent aucune frontière, mais le théâtre du conflit est plus proche qu'en restant bien au chaud en France, au Royaume-Uni ou en Allemagne. De plus, Ukrainiens et surtout Russes, traditionnellement habitués de ces joutes praguoises, se font rares cette année, pour les raisons que l'on imagine, liées aux difficultés, voire à l'impossibilité de déplacements depuis ces deux pays.
Crédit photo : Tomas Stacha / PokerStarsMais mettons fin au suspense : oui, il y a du monde. Et même beaucoup de monde. Si les World Series of Poker 2021 ont marqué pour certains Européens le retour du poker en live, beaucoup ont à l'époque dû renoncer à faire le voyage outre-Atlantique, soit à cause du travel ban imposant une quatorzaine à l'étranger avant d'entrer aux États-Unis, soit à cause d'une levée des restrictions trop tardive pour espérer jouer le Main Event dans de bonnes conditions. Alors que les tournois de poker ont depuis progressivement repris en Europe, avec bon nombre de petits et moyens festivals éparpillés sur le continent, cet EPT Prague marque le vrai et grand retour chez nous à un événement d'envergure internationale. Accessible facilement en quelques heures depuis n'importe quel pays, la capitale tchèque reste une destination particulièrement prisée, aux prix encore plus doux en mars qu'en décembre.
En clair : c'est la cohue, la vraie. Un chiffre suffit d'ailleurs à le démontrer : l'affluence du Main Event à 1 100 € de l'Eureka (anciennement EPT National). Après quatre Day 1 éparpillés entre dimanche et lundi, le compteur est monté à 3 155 entrées. Tout simplement un record, qui explose de 27% le précédent, à savoir les 2 486 inscriptions recensées en 2018. Jugez plutôt :
Année | Entrées | Prizepool | Vainqueur | 1er prix |
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2011* | 329 | 231 290 € | Keith Johnson | 58 400 € |
2012* | 652 | 632 440 € | Menikos Panagiatou | 137 100 € |
2013* | 1 315 | 1 275 550 € | Dimitri Holdeew | 226 400 € |
2014* | 1 738 | 1 685 860 € | Balazs Botond | 206 948 € |
2015* | 1 893 | 1 836 210 € | Javier Rojas | 311 000 € |
2016* | 2 031 | 1 970 070 € | Hubert Matuszewski | 193 298 € |
2017** | 2 117 | 2 053 490 € | Georgios Vrakas | 338 000 € |
2018** | 2 486 | 2 411 420 € | Boris Mondrus | 382 750 € |
2019** | 2 452 | 2 353 920 € | Semen Kravets | 262 309 € |
2022 | 3 155 | 3 028 800 € | ? | 417 820 € |
*Éditions jouées au format Freezeout **Éditions jouées sous le nom d'EPT National
Il est encore trop tôt pour dire si cette hausse de la participation se répercutera sur le Main Event qui démarrera jeudi. Le public d'un tournoi à 1 100 € n'est pas celui d'un Event à 5 300 €, mais on peut imaginer qu'en l'absence de live durant tout ce temps, certains ont pu se constituer une belle petite bankroll spécialement dédiée pour l'occasion. Et il ne faut jamais sous-estimer la soif de jetons de joueurs de poker lâchés au milieu d'un énorme festival, ou le FOMO d'autres restés au pays et voyant de loin leurs potes s'éclater cartes en main. Voilà en tout cas un motif de satisfaction et d'espoir qui n'est pas pour nous déplaire en cette période troublée.
Les Français sont au rendez-vous ?
Historiquement, les joueurs tricolores se sont toujours déplacés en masse à Prague, quand ils ne formaient carrément pas la nationalité la plus représentée aux tables du Main Event. Ces deux années d'absence ne semblent pas avoir attaqué cette tendance : avec 54 Français parmi les 469 joueurs qualifiés au Day 2 du Main Event de l'Eureka - tous ITM par ailleurs -, notre drapeau est celui qui flottait le plus vigoureusement à midi dans la salle de tournois principale, devant les bannières italienne (48 joueurs), allemande (39) et polonaise (35). C'est une certitude : la langue de Molière ne manquera pas de se faire entendre à table et lors des pauses.
Derrière cette démonstration de force, la déception est cependant de taille pour le Team Winamax, qui n'a réussi à placer aucun de ses représentants au Day 2, malgré deux bullets possibles sur chacun des quatre flights. À l'image d'un Guillaume Diaz sorti avec deux Dames par une paire de 9 sur sa deuxième main du Day 1C, nos pros, dont un Pierre Calamusa qui a tombé le masque, ont semble-t-il manqué de réussite... du moins sur ce tournoi. Car dès le deuxième jour, ce même Volatile38 a ouvert le compteur de finales pour nos W rouges, se classant sixième de l'Event #2, un Freezeout à 1 100 € sur deux jours, pour 14 000 €. De quoi lui permettre de financer une bonne partie de la suite de son festival.
Quelles sont les restrictions sanitaires en vigueur ?
Pour l'heure, la règle est simple dans la zone de tournois du Hilton de Prague : le port du masque est obligatoire pour toute personne souhaitant y accéder, ainsi qu'à table. Si cela ne devrait pas nous aider à reconnaître des visages que nous n'avons pas revus en chair et en os pour certains depuis au moins deux ans, certains bruits de couloir parlent déjà d'une levée des restrictions sanitaires en intérieur à l'échelle de la ville, à partir de ce dimanche 13 mars. L'organisation suivra-t-elle le mouvement ou décidera-t-elle de garder tout le monde couvert durant l'intégralité du festival ? Les heures qui suivent devraient nous apporter quelques éléments de réponse. L'idée d'une belle et grande table finale avec un chèque à sept chiffres à la clé et un casting aux visages entièrement découverts paraît en tout cas séduisante.
Il fait quel temps à Prague en mars ?
Traditionnellement, sa tenue mi-décembre assure à l'EPT Prague d'être associé à la période de fêtes qui précède Noël. Un immense sapin est alors dressé sur la grand-place, entouré de petites cahutes en bois servant mets, boissons et autres babioles plus ou moins typiques, qui investissement également les artères principales de la ville, où les gens se massent pour dépenser leurs couronnes tchèques, dont une quantité impressionnante de touristes. Forcément, pour qui a l'habitude de cette ambiance féérique, à laquelle s'ajoutent parfois quelques flocons de neige formant un fin manteau blanc, les rues de la capitale tchèque paraissent bien vides et ternes en ce début du mois de mars.
Ce qui ne change pas en revanche, c'est la température, tournant toujours autour de zéro tout au long de la journée - il a même neigé vendredi dernier, la veille de notre arrivée. Autant dire que la parka rembourrée tout juste achetée en vue d'un prochain séjour en Islande, les chaussures de randonnée et le bonnet de ski n'étaient pas de trop pour arpenter la ville, ses ruelles pavées, son château et ses hauteurs, ce que nous avons fait avec un plaisir constamment renouvelé durant les trois jours précédant le début de ce reportage. En décembre comme en mars, Prague garde tout son charme, et s'il faudra y retourner en fin d'année, ce sera avec bonheur !
Quoi qu'il en soit, et quelle que soit la météo d'où vous nous lisez, n'hésitez pas à vous mettre dans l'ambiance en vous servant un vin chaud et en vous blottissant sous un plaid bien épais : vous pourrez nous lire, dans ces colonnes en français, ainsi qu'en espagnol, jusqu'au mercredi 16 mars. Et si le clan français comme le Team W font ne serait-ce qu'aussi bien qu'en 2019, avec notamment trois titres de choix et de nombreuses finales sur quelques-uns des plus beaux tournois au programme, vous ne devriez pas manquer de lecture. Allez, après cette longue introduction, comme on dit ici : PojÄme!