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PokerStars European Poker Tour Barcelone 2022-Main Event - Finale

Faites connaissance avec les six prétendants au titre

Main Event EPT 5 300 € (Finale)

Profils par Jan Kores (PokerStars), adaptation par moi-même.

Siège 1 : Kayhan Mokri, 28 ans, Norvège
14 575 000 (58 BB)

MokriCela fait six ou sept ans que Nayhan Mokri joue au poker, et c’est en 2018 qu’il a décidé de passer pro pour de bon. Bien que son terrain de jeu principal soit le cash-game, le Norvégien a signé plusieurs perfs en tournoi : 200 000 $ de gains en live accumulés avant cet EPT, d’une part, mais aussi quelques succès en ligne, dont une 3e place à 792 074 $ sur le Main Event des SCOOP 2021, sous le pseudo « KayhanMok ». « Peut-être que je vais jouer plus de tournois désormais », a-t-il déclaré. Il est vrai que Kayhan affiche un ROI enviable malgré un volume très faible. Il pourrait aujourd’hui devenir le quatrième joueur Norvégien à remporter un Main Event EPT : il serait le premier en douze ans. Ses deux passions ? Le padel… et les voyages. D’ailleurs, cela fait longtemps qu’il n’est pas retourné dans son pays. À l’image de Jimmy Guerrero, Kayhan a vécu des demi-finales mouvementées, perdant son chip-lead et tombant à moins de 15 BB avant de signer un come-back spectaculaire à l’aide de boards chanceux et de setups favorables.

Le parcours de Kayhan
Day 2 : 178 000 (64e sur 780)
Day 3 : 1 303 000 (1er sur 210)
Day 4 : 3 000 000 (3e sur 64)
Day 5 : 10 620 00 (2nd sur 16)
Day 6 : 14 575 000 (2nd sur 6)

Siège 2 : Jimmy Guerrero, 40 ans, France
5 100 000 (20 BB)

GuerreroQuand Jimmy Guerrero a atteint sa première finale EPT, il était fiancé à Thi Nguyen. Aujourd’hui marié, le coup a accueilli l’arrivée de son premier enfant en novembre 2021. Guerrero comme Nguyen sont joueurs professionnels, et continuent de fréquenter le circuit live avec assiduité - grâce à l’aide de grand-mère. Guerrero a accumulé plus de 1,7 million de dollars de gains en live. Son record à ce jour ? Un podium à 406 850 € à l’EPT Monte Carlo en 2016. Pour améliorer ce record, Guerrero n’aura besoin que de terminer en cinquième place ou mieux aujourd’hui. Contrairement à ses adversaires, il n’a joué que quatre jours pour atteindre la finale. Occupé à jouer des gros cash-games au casino de Barcelone, ce n’est qu’au début du Day 2 qu’il s’est finalement inscrit. Muni de 20 blindes, Guerrero cherchera à devenir le 11e champion EPT Français de l’histoire, le premier depuis Nicolas Dumont (Monte Carlo, 2018). Même s’il a peu de jetons, il savoure l’opportunité de disputer sa deuxième finale EPT. « Je joue mieux quand la table est fun. Personne n’aime les tables silencieuses ! Je pense qu’il s’agit d’une des finales les plus fun de l’histoire de l’EPT. »

Le parcours de Jimmy
Day 2 : 30 000 (651e sur 780)
Day 3 : 740 000 (11e sur 210)
Day 4 : 1 350 000 (19e sur 64)
Day 5 : 1 160 000 (14e sur 16)
Day 6 : 5 100 000 (6e sur 6)

Siège 3 : Patrik Jaros, 29 ans, Rep. Tchèque
14 975 000 (60 BB)

JarosPatrik Jaros est un geek, un gamer. Son truc, c’est World of Warcraft. « Je ne suis pas bon en sport », dit-il. Mais au poker, il est très solide. Il le pratique depuis les années lycée. À 18 ans, il s’est mis en quête de parties sérieuses. Au début, il voyait le jeu comme un moyen de se faire un peu de blé en extra. Mais après un an, il quittait son « vrai » travail pour se consacrer aux cartes à plein temps. À la base un joueur de cash-game, Jaros a tout de même accumulé 220 000 $ de gains en live. Ayant progressivement monté les échelons, il a plusieurs fois battu son record de gains cette année. Il s’agit de son deuxième Main Event EPT : il y gagnera une somme à six chiffres au moins. Il tentera aujourd’hui de devenir le deuxième champion EPT de République Tchèque, treize ans après la victoire de Jan Skampa à Prague.

Le parcours de Patrik
Day 2 : 77 500 (384e sur 780)
Day 3 : 497 000 (47e sur 210)
Day 4 : 2 200 000 (6e sur 64)
Day 5 : 10 350 000 (3e sur 16)
Day 6 : 14 975 000 (1er sur 6)

Siège 4 : Fabiano Kovalski, 34 ans, Brésil
12 925 000 (52 BB)

KovalskiFabiano Kovalski peut être considéré comme un spécialiste du Main Event de l’EPT Barcelone. C’est son quatrième ITM sur ce tournoi, après des deep-runs en 2016, 2018 et 2019. En 2018, il était passé tout près de la finale, chutant en 11e place pour un gain de 98 000 €. Avec plus d’un million de dollars de gains de carrière et une expérience considérable, il est bien placé pour transformer sa première finale EPT en une perf’ inoubliable. En live, Kovalski n’est pas dégueu non plus : le Brésil totalise 5 millions de dollars de gains sur PokerStars, derrière le pseudo « kovalski1 ».

Le parcours de Fabiano
Day 2 : 83 500 (350e sur 780)
Day 3 : 291 000 (99e sur 210)
Day 4 : 1 600 000 (9e sur 64)
Day 5 : 4 540 000 (6e sur 16)
Day 6 : 12 925 000 (3e sur 6)

Siège 5 : Giuliano Bendinelli, 31 ans, Italie
10 700 000 (43 BB)

BendinelliPlus de dix ans, déjà, que Giuliano Bendinelli roue sa bosse sur le circuit EPT. Avant Barcelone, il avait déjà atteint l’argent sur cinq Main Event, mais c’est bien la première fois qu’il va vraiment loin. Sur son palmarès, ce qui saute aux yeux sont ses résultats en side events, avec notamment une victoire sur un 1 000 € à Monte Carlo. Quoi qu’il arrive aujourd’hui, Bendinelli franchira la barre du million de dollars de gains de carrière. Son objectif ? Devenir le troisième champion EPT venu d’Italie. Cela fait huit ans que cela n’est pas arrivé, après les victoires de Salvatore Bonavena et Antonio Buonanno il y a plus de dix ans.

Le parcours de Giuliano
Day 2 : 84 500 (344e sur 780)
Day 3 : 274 000 (104e sur 210)
Day 4 : 1 155 000 (24e sur 64)
Day 5 : 5 885 000 (5e sur 16)
Day 6 : 10 700 000 (4e sur 6)

Siège 6 : Neville Mateus, 30 ans, Brésil
10 550 000 (42 BB)

MateusLe pro Brésilien vit à Florianopolis, dans l’état de Santa Catarina. Passé par les clubs de poker locaux après avoir commencé à jouer en home games, Neville est passé pro il y a quelques années. Son palmarès en live est encore en construction : 60 000 $ au total, dont pas loin de la moitié gagnés sur le Monster Stack des WSOP 2014, où il a terminé en 47e place. En ligne, c’est déjà mieux : sous le pseudo « _NevilleWeeee », Neville a pris 288 356 $ en 2020 en terminant 6e d’un tournoi WSOP online. Son tout premier ITM sur l’EPT améliora quoi qu’il arrive son highscore. Avant lui, un seul joueur Brésilien a déjà remporté un titre sur ce circuit : Marcelo Simoes, sacré à Monte Carlo en mai.

Le parcours de Neville
Day 2 : 104 000 (248e sur 780)
Day 3 : 301 000 (93e sur 210)
Day 4 : 1 595 000 (10e sur 64)
Day 5 : 3 825 000 (7e sur 16)
Day 6 : 10 550 000 (5e sur 6)

Jimmy nous fait de plus en plus vibrer

Plus combattif que jamais, Jimmy Guerrero est déterminé à ne pas quitter la finale en premier Dans un début de finale indécis, le Français est parvenu à signer plusieurs coups d'éclats pour faire progresser son tapis, avant de remporter le pot du chip-lead Main Event EPT 5 300 € (Finale)

Jimmy Guerrero
Après plus de trois heures de jeu en cette dernière journée, la première élimination se fait encore attendre. Et cet étrange tempo de début de finale, résolument moderato, où les gros tapis ne font peut-être pas le travail qu'on attend d'eux, Jimmy Guerrero a parfaitement su en profiter, s'engouffrant dans toutes les brèches que ses yeux laser peuvent repérer. Une quinte gagnante en bataille de blindes par-ci, un bluff avec hauteur Roi par-là. Une couleur max jouée évidemment à fond - dommage, il n'est pas payé sur la rivière.

Autant d'escarmouches anodines en apparence… mais qui vont se révéler déterminantes pour Jimmy lorsque viendra le temps de jouer son premier coup à tapis préflop de la journée, lui fournissant les munitions pour que ce coup soit gros, très gros - le coup du chip-lead, en fait !

Ainsi, c’est avec 9,4 millions devant lui (24 BB), deux fois plus qu’à midi, que Jimmy soulève une premium UTG : AK. Au bouton, Giuliano Bendinelli a trouvé lui aussi une bombe : AQ. L’Italien réfléchit puis envoie directement son tapis.

Incroyablement, Kayhan Mokri a trouvé la même main de BB ! Il hésite, et un frisson nous parcourt : si Mokri fait tapis aussi, Jimmy pourrait-il abandonner la meilleure main préflop ?

Jimmy Guerrero
Mais non : Mokri abandonne, et Jimmy peut rejoindre son épouse Thi pour vivre ce moment avec elle : il joue un pot de 20 millions avec la main favorite.

Le flop K102 améliore sa main, mais ne le met pas hors de danger. Il lui faudra attendre le turn A et la rivière 5 pour véritablement pouvoir célébrer.

Jimmy Guerrero
C'est officiel : Jimmy Guerrero est chip-leader, lui qui était short-stack avec 20 blindes à la reprise de la finale ! Pendant ce temps, Giuliano Bendinelli tombe à moins de 500 000. Moins d'une blinde !

A noter, c'est important : en l'absence d'élimination, le tapis moyen a fortement été raboté par les blindes. Il est actuellement de moins de 30 blindes et bientôt, après la prochaine augmentation, il chutera à 23 BB ! Il faut donc relativiser le chip-lead de Jimmy Guerrero : celui-ci ne représente que 40 BB. Il va falloir continuer de jouer finement…

Jimmy Guerrero

Essuyé le Mokri

Kayhan Mokri est éliminé en 6e place (334 480 €) Main Event EPT 5 300 € (Finale)

Kayhan Mokri
Bien malin celui qui aurait pu prédire le premier sortant aujourd'hui, tant les écarts de tapis étaient faibles et le niveau de jeu homogène. Au final, c'est Kayhan Mokri à qui va échoir la sixième place, malgré un tapis de presque 60 blindes à la reprise. Un capital qui fut progressivement effrité par l'augmentation des niveaux d'une part, et quelques coups malchanceux d'autre, comme ce As-Valet ne restant pas en tête face au Roi-8 de l'increvable Giuliani Bendinelli (oui : l'Italien a réussi à remonter un stack d'une blinde ! On vous en reparlera).

Mokri n’a rien à se reprocher : il a joué son dernier coup avec 9 blindes et un très correct AJ poussé depuis la BB après une relance de Nevile Costa. Ce dernier a le call le plus facile du monde avec ses Rois, et reste en tête tout au long d’un board 8-6-5-9-9.

D’ordinaire habitué aux tables de cash-games (Jimmy Guerrero à d’ailleurs l’habitude de l’y affronter), Kayhan Mokri signe aujourd’hui sa plus belle perf en MTT : il remporte plus de 330 000 euros. De quoi le motiver à commencer à parcourir un peu plus souvent le circuit ? On a envie de le croire. C’est qu’ils sont addictifs, ces concours de flips…

Chip-count
Comme vous le constaterez sur ce tableau screenshoté juste après la sortie de Mokri, le chip-lead de Jimmy Guerrero n’a malheureusement pas tenu longtemps. Le Français s’est mangé un setup assez infâme après avoir floppé deux paires As-9 sur As-9-Dame : plutôt que de prendre un pot énorme à Fabiano Kovalski et son As-Roi, Jimmy s’est mangé un énorme mal de tête après l’apparition d’un Roi sur la rivière. Prouvant une nouvelle fois son hallucinante solidité, Jimmy est parvenu à trouver le bouton « fold » sur cette rivière désastreuse ! Derrière, Jimmy a raté une tentative de 3-bet light avec 62 : Neville Costa lui a tout remis dans la bouche avec As-Dame, forçant notre héros à abandonner.

Dans le même temps, Giuliani Bendinelli est parvenu à tripler, puis à doubler. La finale se poursuit avec 5 joueurs. Aucun d'entre eux n'a véritablement un gros tapis, la moyenne est de seulement 28 BB : les heures à venir s'annoncent tendues (pour eux) et passionnantes (pour nous).

Les éléments s’en mêlent

Le plateau télé tombe en panne au milieu d'une main ! Main Event EPT 5 300 € (Finale)

Le coup de la panne
UTG, Neville Costa envoie son tapis. Au bouton, Jimmy Guerrero paie. Fabiano Kovalski abandonne, et la parole est dans le camp de Giuliano Bendinneli, qui...

… qui ne fait rien du tout, car soudain, tout s'éteint. Les lumières, les écrans, les caméras, tout.

Sans doute à cause de l'orage qui fait actuellement gronder sa colère dans les cieux barcelonais, le plateau télévisé nous a fait le coup de la panne.

Une quantité d’équipements électroniques (dont le wifi et les écrans de « clock » de tous les tournois en cours) ont été affectés pendant un moment. Quand, après une bonne demi-heure de flottement, les appareils ont commencé à redémarrer petit à petit, la situation n’était pas réglée. Parant au plus pressé, les organisateurs ont terminé la main en cours : Bendinneli a payé le tapis de Costa, et ce dernier a triplé avec des cartes que je serais bien en peine de vous révéler, car l’équipe TV, en stress et affichant la mine des mauvais jours (compréhensible) nous avait depuis longtemps virés du plateau.

Toujours est-il qu'après ce coup, les quatre joueurs sont en pause pour une toute petite heure qui ne sera pas de trop pour tout remettre en place et vérifier que le stream peut repartir.

Descente de Kovalski

Fabiano Kovalski est éliminé en 4e place (565 280 €) Main Event EPT 5 300 € (Finale)

Fabiano Kovalski
Fabiano Kovalski, dindon de la farce de cette finale ? C'est une façon de voir les choses. Le Brésilien quitte l'EPT Barcelone en quatrième place, laissant derrière lui trois joueurs faisant office de miraculés. Chacun à leur tour, les trois ont dû passer par l'épreuve du board pour survivre, gagner plusieurs coups à tapis préflop, et parfois bénéficier d'un bon gros coup de chance aujourd'hui. Kovalski, lui, est éliminé après avoir joué un seul unique all-in préflop.

Oui, c'est une manière de voir les choses. Mais on peut aussi considérer la situation sous un autre angle, en se rappelant que Kovalski a dû maintes fois faire appel aux Dieux du poker ces derniers jours - ces derniers n'ont pas été avares de générosité à son encontre. Demandez donc à Kalidou Sow, dont les Rois ont été crucifiés en fin de Day 4 par un 2 rivière donnant le brelan au Brésilien !

Mais fi de ces considérations sur la variance, sur qui est assis sur le plus gros concombre, sur qui a le plus de nouilles lui bordant le fondement. Kovalski n'a plus que 11 blindes devant lui lorsqu'il reçoit une paire de 8 en petite blinde. Avec un stack aussi faible, impossible de refuser une si belle proposition : il 3-bet à 4 millions après l'ouverture bouton de Jimmy Guerrero, puis engage le reste de son stack après le 4-bet all-in de Giulano Bendinelli. Sans surprise, le solide Italien avait envoyé avec une premium (les 10) mais Kovalski n'avait de toute façon guère le choix.

Les jeux sont retournés, le board aussi : 9-7-7-4-5, confirmant l'élimination de Fabiano Kovalski. Son quatrième EPT sur le Main Event de l'EPT Barcelone est le plus beau de tous : le Brésilien ajoute plus de 565 000 euros à un palmarès qui comptait déjà un demi-million (en live) et cinq millions (online).

Le titre va se jouer entre Giuliano Bendinelli (désormais chip-leader avec 30 millions), Jimmy Guerrero (toujours solide avec 28 millions) et Neville Costa (11 millions). Et comme on l'a suggéré en début d'article, les deux derniers peuvent s'estimer heureux : au cours des trois dernières heures, ils ont dû gagner plusieurs coups à tapis, certains bien plus compliqués que des flips, pour rester à table.

On me souffle dans l'oreillette que le trio aimerait discuter d'un deal…

Costa, le refus lui coûta

Neville Costa est éliminé en 3e place (734 470 €) Main Event EPT 5 300 € (Finale)

De deal, il a donc été question peu après la sortie de Fabiano Kovalski en quatrième position. Sur le plateau télé transformé en salle de conférence au sommet, les trois derniers joueurs ont parlementé. Les organisateurs sont arrivés avec leurs calculatrices pour leur présenter les chiffres potentiels, les sommes qu'ils pourraient chacun sécuriser. Chacun aurait pu sortir millionnaire, au minimum, de cette négociation. Des amis pros ont été appelés à la rescousse par chacun des protagonistes, pour tenter de peser un peu plus lourd dans la balance des négociations. Davidi Kitai, représentant les intérêts de son vieux pote Jimmy Guerrero, a tenté de faire valoir l'expérience de son poulain en heads-up pour tenter de lui faire gagner quelques dizaines de milliers d'euros supplémentaires.

Mais la discussion - pardon, les discussions ! - n’ont pas abouti. Et d’accord, il n’y a pas eu. C’est Jimmy qui a mis fin à la première discussion… avant qu’une seconde ne s’engage une main plus tard. Là, c’est Neville Costa qui a coupé court : il venait de perdre le coup joué entre les deux discussions, et on lui proposait désormais moins d’argent. Peut-être oubliait-il sur le moment les mathématiques d’un deal « ICM » : elles favorisent plus souvent que jamais le joueur le plus en difficulté. Peut-être qu’il aurait dû accepter. Mais c’est sans poignée de main que la négociation s’est achevée.

Neville Costa
Muni de 20 blindes face à des adversaires en possédant plus du double chacun, Costa a rapidement chuté encore plus bas, sous les dix blindes. Recevant une paire de 9 de petite blinde et voyant Giluano Bendinelli ouvrir au bouton sa décision n'a pas été compliquée : tapis. Avec son QJ, l'Italien a jugé qu'il pouvait tenter le coup.

Flop AK3 : Costa est encore devant. Légèrement. Mais la Q renverse complètement la tendance, et la rivière 7 n’apporte aucune aide à Neville Costa. Montant sur la plus petite marche du podium, le pro Brésilien remporte plus de 730 000 euros : la somme qui était prévue par la structure. Il multiplie ainsi par douze son total de gains de carrière, mais il gardera probablement dans un coin de la tête ce deal avorté, et les quelques 200 000 euros supplémentaires qu’il aurait pu en tirer.

Le heads-up final du plus gros EPT de l'histoire opposera Giuliano Bendinelli (44 millions) à Jimmy Guerrero (25 millions).

Il a tout donné, il a (presque) tout gagné

Au terme d'une prestation instantanément rentrée dans les annales de l'European Poker Tour, Jimmy Guerrero est éliminé en seconde place (1 250 337 €) face à l'Italien Giuliano Bendinelli Main Event EPT 5 300 € (Finale)

Jimmy Guerrero EPT Barcelone runner-up
GUE-RRE-RO, vous dites ? En trois syllabes ? Ce soir, nous en avons trois autres qui me viennent en tête.

GÉ-NÉ-REUX.

La seule chose que Jimmy Guerrero n'a pas gagnée ce soir, c'est le trophée. Et un peu d'argent. Tout le reste, absolument tout le reste, c'est pour lui.

C'est pour lui : son plus gros gain en plus de dix ans de carrière, plus d'1,2 million d'euros. C'est pour lui : un carrousel d'émotions comme seules le poker peut en procurer, et qu'il gardera probablement en lui toute sa vie. C'est pour lui : l'admiration et le respect de tous les pros qui n'avaient pas encore fait connaissance avec son style de jeu hautement efficace et si difficile à contrer, fruit de longues années de maturation sur le circuit live. C'est pour lui : des chiffres d'audience record pour la retransmission en streaming du tournoi, et un tchat en furie depuis le coup d'envoi jusqu'à l'explosif bouquet final. C'est pour lui : une notoriété qui dépassera désormais largement les frontières de sa France natale, maintenant que la communauté internationale massée devant son écran a été toute entière captivée par ce drôle de joueur de poker, si atypique, si enthousiasmant, si différent de ce à quoi nous avons été habitués ces dernières années.

Vous pensez que l'on exagère ? Laissez-nous vous décrire la scène, vécue quelques secondes après le dernier coup victorieux de Giuliano Bendinelli. Après avoir célébré et pris dans ses bras son poulain, après lui avoir donné le triomphe qu'il méritait, le clan Italien s'arrête. Tournant leurs regards vers le challenger battu posté debout de l'autre côté du plateau TV, ils se mettent à chanter comme un seul homme.

"JI-MMY ! JI-MMY ! JI-MMY ! JI-MMY !’

Un hommage spontané et sincère, qui a donné la chair de poule à plus d'un, l'auteur de ces lignes y compris.

Jimmy Guerrero EPT Barcelone runner-up
Si Jimmy Guerrero a (presque) tout gagné ce soir, c'est avant tout parce qu'il a tout donné. Avec un sens inné du partage et du spectacle, comme il n'en existe que peu d'équivalents au sommet de la planète poker, le français n'a cessé de démontrer sa maitrise des deux langages que l'on parle à une table de poker. La langue des jetons, d'abord, avec laquelle il nous a raconté tant d'histoires au cours des deux derniers jours, des histoires tour à tour invraisemblables, effrayantes, galvanisantes, ou juste belles, qui lui ont permis de remonter son short-stack de début de finale et même, brièvement, de s'emparer du chip-lead. Et la lange anglaise, qu'il n'a cessé d'utiliser devant les caméras. Aussi bien pour entrer dans la tête de ses adversaires, leur soutirer des informations, assoir sa domination psychologique, que, plus simplement, pour apporter de la légèreté et de la fantaisie à une partie où des millions étaient en jeu.

La majorité des professionnels travaillent dur toute leur carrière pour intérioriser leurs émotions, ne rien laisser paraître, et surtout minimiser l’importance de la chance et de la malchance sur leur état d’esprit. Encaissant un terrible bad beat, ils ne bougent pas d’un centimètre. Infligeant à leur tour un bad beat aussi ignoble cinq minutes plus tard, ils affichent la même réaction. Rien de tout ça chez Jimmy Guerrero, qui a chanté, dansé, crié, invectivé sans relâche en table télé, au rythme des fluctuations de son tapis et de sa chance. Et c’est bien le moins que l’on attendait de quelqu’un qui a fait tant d’efforts pour installer une atmosphère joyeuse et légère à une table de poker.

Le plus épique des épilogues

Jimmy Guerrero EPT Barcelone runner-up
Nous pourrions remplir un reportage entier avec les coups marquants du duel final entre Jimmy Guerrero et Giuliano Bendinelli. Beaucoup sont immédiatement entrés dans la légende de l’European Poker Tour : nul doute qu’ils repasseront en boucle au cours des années à venir, durant les pauses des futurs streamings, ou sur les algorithmes de YouTube et des réseaux sociaux. Jimmy n’a pas gagné l’EPT Barceleone. Mais avant de ne pas gagner l’EPT Barcelone, il a remonté en seulement quelques mains le fossé qui le séparait d’un adversaire sans doute trop timoré, après que les deux ont conclu un deal profitable pour chacun (1,4 million pour Giuliano, 1,25 million pour Jimmy, et 68 000 euros restant à prendre). Jimmy a repris l’avantage à coups de value bets, Giuliano le payait trop et ne montrait jamais la meilleure main au showdown. Dépassé par la tournure du match face à un Jimmy en tous points supérieur, Giuliano est revenu à égalité en rentrant un improbable tirage ventrale, grâce à un 7 tombé du ciel sur la rivière. Une paire de Valets allait le faire passer devant - à ce stade, il était clair que si Giuliano voulait gagner ce match, il allait avoir besoin de bonnes cartes. Et il aurait pu le gagner beaucoup plus tôt, lorsque Jimmy tenta le plus gonflé des bluffs. En voyant Giuliano abandonner deux paires sur la rivière face au all-in de Jimmy, une démonstration de prudence insensée, je n’ai pas dû être le seul à me faire cette marque sur cette main, ce n’est pas Jimmy qui avait réussi son bluff. C’était Giuliano qui avait raté son call.

Bluff Hu
De la science-fiction : Giuliano Bendinneli a réussi à jeter sa main sur la rivière

En fin de match, Jimmy se montrera peut-être un peu trop agressif face à un Giuliano qui ne faisait pas qu'abandonner ses belles mains : il est tout de même parvenu à payer la plupart du temps. En difficulté, Jimmy gagnera un dernier showdown préflop (un coin flip avec 55 contre As-Valet), avant cette dernière main, jouée avec des tapis équivalents (27 BB chacun) et qui mérite un récit intégral :

Au bouton, Giuliano relance à 3 millions. Jimmy défend sa grosse blinde.

Flop : J98.

Jimmy check/call un c-bet de 2,5 millions.

Turn : J.

Jimmy check/call 5,5 millions supplémentaires.

Rivière : 8.

Jimmy sort du bois avec une mise de 3,8 millions. Mais Giuliano revient à la charge et annonce tapis. Jimmy engage le reste de ses jetons.

Giuliano Bendinelli bondit de son siège : muni de sa pocket paire de 8, il sait déjà qu’il a gagné le tournoi. Un sourire résigné sur le visage, Jimmy ne peut que rendre son full J7 au croupier.

"Le public est une vague : j’ai surfé dessus"

Jimmy Guerrero EPT Barcelone runner-up
Jimmy Guerrero : les réactions à chaud.

Heureux ? « C’était pas mal ! C’était une bonne soirée, on peut dire. C’était intense. J’ai eu pas mal de réussite. Même si je n’ai pas le trophée, c’est une victoire pour moi. Le fait d’avoir donné du plaisir à tout le monde, et des sensations… Franchement, c’était super. »

Sur le concept de générosité dans le poker : « Il faut être généreux ! Si t’es pas généreux, il n’y a pas de plaisir. Il faut kiffer, il faut profiter. »

Sur la standing ovation du clan italien après la dernière main : « Un moment incroyable. Ils ont dû aimer ma personnalité. Ils ont été généreux, eux aussi. Ils tenaient pour moi, en fait ! Ils me l’ont dit au break : ‹ on t’adore ! › »

Sur la camaraderie qui s’est développée entre les finalistes : « On sait qu’on a vécu quelque chose de particulier ensemble, d’extraordinaire, d’intense. Je ne sais pas s’il y a déjà eu une table finale aussi dingue. On en rigolera dans le futur. Notamment Mokri, j’ai bien aimé jouer avec lui. Et Kovalski, le Brésilien. »

Est-ce la plus belle journée de poker de sa vie ? "Je ne pourrais pas dire ça. Une table finale comme ça, ça demande beaucoup de concentration. On est tout le temps en train de réfléchir, de visualiser, de s’adapter. J’ai parlé à Stéphane Matheu ce matin, il m’a donné des conseils. C’est physique, une telle partie. Et mentalement, je suis claqué aussi. La dernière main, j’aurais pu fold. J’ai payé parce que j’étais fatigué. Donc non, ce n’est pas la plus belle journée de poker de ma vie. Je suis un joueur de cash-game, je préfère jouer une vraie belle partie où il y a des mecs qui flambent et où on rigole, plus détendues, sans cette pression. Là, ce soir, c’est vraiment « wow ! »

Il va falloir revenir pour faire mieux, non ? « Oui, bien sûr ! Surtout qu’une telle ambiance, c’était cool. Et je ne réalisais pas vraiment que faire deux tables finales EPT, ce n’est pas si fréquent. C’est énorme. »

Un mot pour le public du streaming ? « J’étais là pour eux aussi. Je n’aime pas regarder des parties robotiques, je veux que les gens kiffent le poker avec moi, ressentent ce que je ressens. J’ai fait des dédicaces aux viewers pendant toute la partie. On m’a transmis des messages. En fait, c’était une vague. Et j’ai surfé dessus. »

Jimmy Guerrero EPT Barcelone runner-up
Au moment de cocher la case "deal", le vieux copain Davidi Kitai est venu prêter main-forte aux négociations
Jimmy Guerrero EPT Barcelone runner-up
Un témoignage parmi tant d'autres du sens de la décontraction et la générosité de Jimmy : il n'a pas hésité à féliciter son adversaire après un joli coup gagné, à l'aide d'un accessoire piqué au clan italien
Jimmy Guerrero EPT Barcelone runner-up
Une confrère pro, mais surtout la femme sa vie : Thi Nguyen fut un soutien de tous les instants
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Une grosse blinde qui valait 1,5 million d’euros

Le come-back du siècle ? Tombé à une grosse blinde en finale, le pro italien Giuliano Bendinelli remporte le plus gros tournoi European Poker Tour de l'histoire

Giuliano Bendinelli
Même avec une imagination débordante, on n'aurait jamais pu prévoir une conclusion aussi extraordinaire à l'édition 2022 de l'EPT Barcelone, la première en trois ans. Et pourtant, quelque chose aurait dû nous mettre la puce à l'oreille dès le coup d'envoi : avec 2 294 inscriptions, il s'agissait là de la plus belle affluence de l'histoire du circuit. On méritait un final à la hauteur d'un tel record, non ?
Giuliano Bendinelli
D'aucuns regretteront que le tournoi ne s'est pas achevé par le triomphe de son véritable héros, Jimmy Guerrero. Mais il est hors de question de sous-estimer l'accomplissement de Giuliano Bendinelli. Figure discrète de la scène européenne, où il traîne sa bosse depuis plus de dix ans, le pro italien est parvenu à remonter un tapis tombé à une seule et unique blinde en milieu de finale pour aller chercher le plus bel accomplissement de sa carrière. Un triomphe à 1,5 million d'euros célébré avec émotions, dans les bras de sa maman ayant fait le voyage pour venir l'encourager sur la dernière ligne droite.
Giuliano Bendinelli
Bendinelli n'était pas le meilleur joueur de la finale. Il n'était pas le plus volontaire. Souvent, il a péché par excès de timidité. Mais tout cela n'a pas eu d'importance. D'une solidité absolue, y compris lors des négociations pour le deal où il s'est montré intraitable, il rejoint ce soir le club pas si large des joueurs ayant donné raison à l'un des plus célèbres aphorismes du poker. One chip, one chair : parfois, on n'a pas besoin de plus.

EPT Barcelone - Résultats 2 242 inscrits - Dotation 11 125 900 € (après deal)

Giuliano Bendinelli
Vainqueur : Giuliano Bendinelli (Italie) 1 491 133 € (après deal) Runner-up : Jimmy Guerrero (France) 1 250 337* € (après deal) 3e Neville Costa (Brésil) 734 470 € 4e Fabiano Kovalski (Brésil) 565 280 € 5e Patrik Jaros (Rep. Tchèque) 434 850 € 6e Kayhan Mokri (Norvège) 334 480 € 7e Michael Pinto (Pays-Bas) 257 330 € 8e Scott Margereson (UK) 198 000 €
Giuliano Bendinelli
Pfiouuu... Quelle semaine, les amis ! Il va me falloir un moment pour m'en remettre. Jusqu'aux Winamax Series, en fait. Je passe le relai au reste de la rédac', qui revient tout juste de vacances, et vous retrouve début septembre. Arrivederci ! - Benjo

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