Un guerrier qui n’a cessé de se relever
Après des demi-finales chargées en sensations fortes qui l'ont vu tomber à trois blindes, Jimmy Guerrero disputera dimanche la deuxième table finale EPT de sa carrière
Son stack sera réduit mais sa rage de vaincre est sans limites
Main Event EPT 5 300 € (Fin du Day 5)
Oh, qu'elle fut mouvementée, cette journée ! Qu'il a souffert,
Jimmy Guerrero ! Mais comme il a vibré, aussi. Le professionnel n'en est pas à sa première
garden party sur les pelouses de la planète high stakes, mais les émotions qu'il a vécues durant les dernières heures des demi-finales de l'EPT Barcelone rempliront des chapitres entiers dans le Livre d'Or de sa carrière. En haut, en bas : les tours de montagnes russes se sont enchainés mais Jimmy a tenu bon la barre sans choper le tournis, ni la nausée, y compris lorsqu'il a brièvement chuté à trois minuscules blindes. Souvent en difficulté, il a dû ronger son frein de longues heures, rester patient en attendant une situation favorable, et mettre en veilleuse son habituel moulin à paroles. À plusieurs reprises, son tapis a été engagé et il a dû survivre à l'épreuve du showdown. Il a été chanceux. Mais il a aussi été malchanceux... avant de chatter de nouveau derrière. Avec, au bout du compte, une qualification en bonne et due forme pour la finale. Jimmy entamera la dernière journée avec le plus petit tapis parmi les six derniers joueurs. Mais son enthousiasme et sa motivation sont intacts.
Ce matin, à l’entame du Day 5, Jimmy était déjà short-stack : il savait qu’il lui faudrait se bouger rapidement, sur le thème « ça passe ou ça casse. » En seulement 90 minutes, le premier objectif était atteint : plutôt que de casser, Jimmy était passé, en ayant successivement doublé son tapis (avec un quinte floppée grâce à 8-7), éliminé un joueur (As-Dame contre As-10), et remporté un abattage face à As-Roi. Ces trois coups enchaînés en peu de temps lui avaient déjà donné largement de quoi vibrer (et à nous aussi !). À l’image de Maher Nouira, l’autre Français des demi-finales, son petit tapis aurait très bien pu se transformer en une place d’honneur et une élimination avant la finale. Au lieu de ça, Jimmy a pu prendre place autour de la dernière table de l’EPT Barcelone sur le coup de 17 heures. Mais c’est seulement après le dîner qu’il allait vivre une suite de coups aussi décisifs qu’invraisemblables.
C’est rien de le dire : Jimmy Guerrero a souvent eu l’occasion de jouer avec le triangle « all-in » aujourd’hui
Avec 15 blindes et un AQ reçu de petite blinde, Jimmy n’a pas eu une décision difficile quand il a vu tous les joueurs avant lui jeter leurs cartes : tapis, évidemment. Muni de la plus petite paire possible, son voisin de gauche Patrik Jaros a tenté l’élimination. Flop : Valet-8-3, rien pour Jimmy… Turn… une Dame ! Après un 4 en guise de rivière, le voilà qui respire.
Ce double-up (puis un showdown gagnant quelques minutes plus tard) allait fournir au Français le capital pour jouer le plus gros pot de son tournoi… Un coin-flip, oui : 99 contre As-Roi… mais un coin-flip à 13 millions, qui tombera du côté de Fabiano Kovalski avec l'apparition d'un Roi sur la rivière.
Dans leurs têtes, les adversaires se frottaient probablement les mains : la fin de journée semblait proche. Laissé pour mort avec trois blindes, Jimmy parviendra pourtant à tripler dès la main suivante. Pas véritablement tiré d’affaire - le pot gagné ne représentait que dix blindes - il se mettre vite en danger de nouveau avec A8, se retrouvant loin derrière le AJ. Là encore, la rivière sera déterminante. Mais en sa faveur : un 2 complétant un board 2676 et lui offrant un split pot miraculeux sous les broncas du public.
Quelques minutes plus tard,
Michael Pinto jouait son dernier coup (voir plus bas). Et Jimmy pouvait réagir à chaud au micro de Winamax. «
C’était mouvementé, c’est sûr. J’aurais préféré gagner le 99 contre As-Roi, c’était un pot de 13 millions et on se serait couchés plus tôt ! Mais c’était dingue. La chaleur, la fatigue, tout le monde qui crie… Une ambiance de dingues. » Il s’agit de la deuxième finale EPT de Jimmy. Comment a-t-il évolué en tant que joueur depuis son podium à Monte Carlo en 2016 ? «
Monte Carlo, c’était ma première grosse finale. Je ne savais pas comment me préparer, j’étais stressé. J’ai fait des erreurs. Il y a des spots que je ne savais pas jouer, alors je me contentais de les lâcher. Aujourd’hui, je suis plus détendu, plus calme. Avant, je prenais chaque main l’une après l’autre. Désormais, j’arrive à table avec un plan de jeu global. » Il lui a fallu être chanceux aujourd’hui… «
Oui, j’ai run good. Il y a eu ce gros coin flip perdu, mais dans l’ensemble j’ai chatté pile au moment où il le fallait vraiment. C’était intense, d’ailleurs. Je n’aime pas trop montrer mes émotions… mais parfois c’était trop ! »
Tous ceux qui ont regardé Jimmy en stream le savent : il est l’un des pros les plus bavards du circuit, toutes nationalités confondues. Stratégie, ou disposition naturelle ? « Quand j’ai peu de jetons, je me tais, je veux rester concentré pour ne pas faire d’erreurs. Mais quand j’ai un tapis, j’aime créer une atmosphère à table. C’est mieux pour les spectateurs qui regardent à la maison. C’est mieux pour moi aussi. C’est mieux pour tout le monde ! Je joue mieux quand je suis à une table fun. Personne n’aime les tables silencieuses ! Et je pense qu’on a l’une des tables finales les plus fun de l’histoire de l’EPT. »
Dimanche, en cas de cinquième place ou mieux, Jimmy Guerrero battra son record de gains sur un seul tournoi live. Mais on le devine : rien d’autre que la première place ne satisfera ce joueur encore en quête, à 40 ans, d’une consécration définitive sur le circuit pro. Un titre majeur lui manque encore mais aucun joueur sérieux n’osera nier que Jimmy est l’un des plus redoutables compétiteurs au sein du clan Français. Un joueur aussi à l’aise en tournoi que sur les cash-games les plus chers (s’il a attendu le Day 2 pour s’inscrire à l’EPT Barcelone, c’est parce qu’il affrontait Neymar Jr en 100/200 € les jours précédents), ayant accumulé 1,7 million de dollars en tournoi depuis ses premières apparitions dans les cercles parisiens au début des années 2010. Petit à petit, nous l’avons observer grandir, grimper les échelons, arriver à maturité. Le trophée qui viendrait valider ses efforts, ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’il n’arrive. Pourquoi pas dimanche ?
Elle aussi est une joueuse pro crainte et respectée : Thi Nguyen sera bien entendu dans le rail pour soutenir son mari JimmyLes six derniers prétendants
Une chose est certaine : la finale du plus gros EPT de l’histoire sera bruyante. Tout du moins tant que Fabiano Kovalski et Neville Mateus seront présents à table : les kops brésiliens sont réputés pour leur enthousiasme et leur excès de décibels. Et les potes de Giulano Bendinelli ne seront pas en reste, si l’on en croit ce qu’on a pu observer lors du Day 5. Pour le reste, nous avons affaire à une configuration très équilibrée : à l’exception de Jimmy Guerrero, que tout le monde surveillera comme le lait sur le feu avec ses 20 BB, tous les prétendants se situent dans une fourchette confortable, entre 40 et 60 BB. En un mot comme un cent : aucun favori évident ne se détache. Ma prédiction ? Je resterai volontairement nébuleux : cette finale sera gagnée par celui qui a le plus envie de la gagner… et j’ai envie de croire qu’il s’agit de Jimmy.
Siège 1 : Kayhan Mokri (Norvège) 14 575 000 (58 BB)
Siège 2 : Jimmy Guerrero (France) 5 100 000 (20 BB)
Siège 3 : Patrik Jaros (Rep. Tchèque) 14 975 000 (60 BB)
Siège 4 : Fabiano Kovalski (Brésil) 12 925 000 (52 BB)
Siège 5 : Giuliano Bendinelli (Italie) 10 700 000 (43 BB)
Siège 6 : Neville Mateus (Brésil) 10 550 000 (42 BB)
Les prix
Vainqueur : 1 714 000 €
Runner-up : 1 027 740 €
3e : 734 470 €
4e : 565 280 €
5e : 434 850 €
6e : 334 480 €
La finale débutera dimanche à 12 heurs 30. Suivant la règle habituelle, le streaming EPT Live produit par PokerStars débutera avec 30 mon de décalage, afin de pouvoir afficher à l'écran les cartes des joueurs. Avant le coup d'envoi, je publierai les fiches biographiques de chacun des finalistes, préparées par les équipes de l'EPT. Elles seront fort utiles : si on met de côté Guerrero et Bendinelli, cette table finale ne rassemble que des talents inconnus de nos services avant cette semaine.
Benjo