Davidi Kitai, chasseur de records
Après son élimination en début de ce jour 3, le team pro Winamax est parti s'enregistrer pour un autre tournoi, le Mystery Bounty à 3 000 euros. Qu'est-ce qui motive toujours David Kitai à enchaîner les tournois ? C'est la question, parmi d'autres, à laquelle il a bien voulu répondre.
A l'extérieur de l'enceinte du casino, Davidi Kitai prend le temps de revenir sur sa carrière, son jeu et ses objectifs. Avec sincérité, modestie et une ambition toujours intacte. La marque des grands champions.Son ITM sur le Main Event de cet EPT Barcelone 2023 est en effet synonyme de record : avec cette 23ème place payée sur un Main Event EPT, le Belge est désormais le joueur de la planète qui compte le plus de places payées sur les EPT, détrônant ainsi le Norvégien Johnny Lodden, avec qui il partageait le record depuis son ITM obtenu à Monaco au printemps dernier.
Que signifie pour toi ce record ?
"Si ce record n'a jamais été un objectif, ça me fait très plaisir. C'est symoblique" nous explique Davidi, avec modestie mais conscient que cette marque en dit long sur sa carrière.
"Pour moi, cela veut dire trois choses. Déjà, cela prouve que je suis vieux (rires). Ou en tout cas que je suis sur le circuit depuis longtemps. Le deuxième constat que je fais est assez critique à propos de mon jeu. Faire beaucoup d'ITM signifie peut-être que je ne prends pas assez de risques, car finalement ce qui compte c'est de gagner des tournois. Faire trop d'ITM signifie donc peut-être que je ne prends pas assez de risques à des moments opportuns, comme à la bulle par exemple, pour monter des jetons et se donner ainsi plus de chances de gagner le tournoi. Je donne peut-être trop d'importance à la notion de survie et fais trop de place à l'ICM. Dans le même temps, on peut se dire que gagner beaucoup de titres signifie qu'on ne respecte pas assez l'ICM, ce qui est source d'erreurs. Il y a peut-être des pistes d'amélioration de mon jeu sur ce sujet. Et enfin, le troisième constat, positif celui-là, que m'inspire ce record, c'est que je suis constant
"J'ai des rêves, j'aime bien me fixer des objectifs, comme par exemple de gagner un jour le Main Event des WSOP. Je joue principalement pour l'argent mais aussi pour la gloire, le prestige et pour le plaisir."
"Au poker, l'objectif est de gagner de l'argent. L'aspect financier est primordial. Ça reste le but du jeu pour la plupart d'entre nous."
Davidi Kitai lors du Main Event EPT Barcelone 2023Au sujet de l'argent, et puisque la question a été largement évoquée parmi les joueurs, les risques d'une modification de la fiscalité espagnole sur les joueurs ont-ils pesé dans ta réflexion quant à ta venue à Barcelone ?
"Oui clairement. Au début, je ne pensais pas venir pour ces raisons-là. Il y avait semble-t-il un risque que je ne parvenais pas forcément à mesurer. Mais après réflexion, les tournois que je comptais jouer ici, à savoir le Main Event et le High Roller, sont des tournois avec beaucoup d'EV. Et même si on me prenait 20%, ça valait quand même la peine de venir. J'en ai beaucoup parlé avec Adrian Mateos, qui est très au fait de ces questions de fiscalité du joueur. Pour beaucoup, le choix a été fait de ne pas venir, parce qu'ils considéraient que le risque était réel et trop élevé. Mais PokerStars a été plutôt rassurant sur le sujet. Mais sur des tournois où tu as un ROI de 60%, même si on t'en prend 20, ça reste toujours intéressant. Mais bon, pour gagner de l'argent en tournoi, il faut savoir durer et aussi adapter son jeu."
Sur l'évolution du jeu ces dernières années justement, quel regard portes-tu ?
"Le jeu évolue beaucoup et très vite. L'apparition des solvers, le jeu GTO, ça a révolutionné le poker. Quand cette dimension a émergé avec force, j'ai eu un petit complexe et puis je me suis rassuré. Je me suis rendu compte que les joueurs continuaient à jouer exploitant. C'est là que je me sens fort, à exploiter les faiblesses de mes adversaires. J'ai su m'adapter, je travaille désormais aussi avec ces outils. Et ma longévité prouve que finalement je suis toujours à un bon niveau, capable de rvialiser avec les nouvelles générations. Le plus important pour moi est de savoir s'adapter aux adversaires en face."
Dans ta carrière, quelle victoire est la plus marquante ?
"J'en ai deux à vrai dire. Mon premier bracelet WSOP (obtenu en 2008 sur un Event à 2 000 dollars en Pot Limit), c'était vraiment spécial. Et puis ma victoire à l'EPT Berlin en 2012, qui me permet d'avoir la Triple Crown. Tu vois, quand je dis que je suis vieux : ça commence à remonter, ça fait plus de dix ans déjà (rires)." nous confie-t-il. "Je l'ai vécu comme un accomplissement total de ma carrière."
Davidi Kitai lors de sa victoire à l'EPT Berlin en 2012, qui lui offre la Triple Couronne.Sur le rythme du circuit international, Davidi assume : "Je joue toujours à fond. J'ai désormais une famille, des enfants et ça change beaucoup le quotidien. Mais je reste toujours passionné par le jeu et toujours aussi motivé. Certes, j'ai désormais moins le temps que d'autres de travailler mon jeu, de grinder online. Tout ça demande beaucoup d'organisation.
Quand on lui demande s'il existe encore un tournoi ou un lieu où il aimerait jouer, Davidi Kitai répond sans hésiter : "Disputer les tournois Tritons, c'est vraiment mon prochain objectif. Je ne les ai jamais joué et je mets tout en oeuvre pour pouvoir y arriver. J'ai la chance d'avoir de l'expérience donc c'est un véritable avantage par rapport aux petits jeunes. C'est à moi de travailler mon jeu sur les solvers pour être prêt et concurrencer les meilleurs. Par exemple les tournois à 250 000, avec la moitié du field avec des joueurs et l'autre moitié avec des businessmen, c'est tout à fait mon genre de tournoi. J'aime bien ce mélange entre des amateurs et des pros. C'est là que je me sens le plus à l'aise et j'ai vraiment hâte de les jouer."
Un joueur qui l'impressionne ou qu'il affectionne comme modèle ?
"J'essaie de prendre exemple sur les joueurs qui durent un peu dans le temps. C'est déjà un peu mon cas et c'est aussi mon objectif. Et un joueur comme Erik Seidel (présent à Barcelone pour ce festival où il a d'ailleurs réalisé deux places payées, ndlr). Il est toujours aussi compétitif après toutes ces années."
Et pour conclure, y a-t-il une vie après le poker ?
"Honnêtement non (rires). Je crois que je ne vais jamais arrêter le poker. Je fais partie de ces gens qui ont le poker en eux. Sans doute, mon rythme de jeu changera mais je jouerai jusqu'à ma mort je pense. J'aimerais être un Doyle Brunson bis."
Quelques chiffres de la carrière de Davidi Kitai
10 909 847
C'est en dollars le montant de ses gains sur le circuit depuis le début de sa carrière. Il est bien entendu en tête de la All Time Money List de son pays, la Belgique, devant Thomas Boivin (5,3 millions de dollars), d'ailleurs toujours en lice dans le Main Event de ce festival.
23
Le nombre de places payées sur un Main Event EPT, record absolu devant le Norvégien Johnny Lodden (22 places payées).
5
Le nombre d'ITM réalisés sur le Main EPT Barcelone. Le premier date du 28 août 2007, dans une édition remportée par le Danois Sander Lyloff, lors de laquelle Patrick ■■■■■ avait fini à la 8ème place. Le meilleur résultat obtenu par Davidi aura été une 3ème place lors de l'édition 2008, pour un gain de 455 000 euros.
3
Comme sa Triple Crown, obtenue lors de victoire à l'EPT Berlin en 2012. Seuls 9 joueurs au monde ont réussi cet exploit, qui consiste à gagner un titre sur chacun des trois circuits majeurs (WSOP, WPT et EPT). Seul un Français est titulaire de cette triple couronne, Bertrand "Elky" Grospellier. Le dernier joueur a l'avoir obtenue est le Britannique Roberto Romanello en 2020. Et le joueur a l'avoir obtenue le plus rapidement est l'Anglais Jake Cody, qui a gagné ces trois titres en 1 an et quatre mois, en 2010-2011.