Dans la grande majorité des jeux de stratégie, il est nécessaire de planifier ses coups à l’avance. Le poker n’échappe pas à la règle et on voit souvent des coups dans lesquels hero se retrouve à jouer le turn sans avoir réfléchi à ce que seraient ses action suivant la carte qui tombe et la façon dont s’est déroulé le coup.
Autrement dit, dès lors que vous voyez un flop (ou même une fois le tour d’enchères preflop terminé), vous devez vous demander quelle line vous fera jouer le coup de manière optimale sur les 3 streets.
Je vais donc essayer de lister quelques points clés pour planifier un coup (pour simplifier, disons qu’on se retrouve HU au flop).
Force de votre main
Celui ci est appréhendé par tout le monde je pense et peut être résumé par « big hand big pot, small hand small pot »: avec une grosse main, il faudra chercher à prendre la line qui maximisera votre value sur les mains battues en face. Avec une petite main au contraire, si tant est qu’elle ait de la valeur à l’abattage, il faudra chercher à ne pas faire grossir le pot.
Avec air, votre seule chance de prendre le pot est de bluffer. Ceci dit, essayez de faire en sorte de ne pas vous embarquer dans trop de gros pots quand vous êtes à poil (je ne vous dis pas de ne jamais mettre 2 ou 3 barrel en slip mais ces coups doivent rester minoritaires par rapport aux coups où vous faîtes gonfler le pot avec une main légitime). Un exemple: vous relancez [Jh][6h] au bouton payé par vilain bon TAG en BB. Il paye votre cbet sur [As][Qc][5d].
Vous devriez selon moi abandonner le coup sur les prochaines streets dans la plupart des cas. Bien sûr il peut vous avoir payé avec une Q qu’il lâcherait si vous continuez l’agression, mais si vous envoyez systématiquement au turn avec air, vilain va vite comprendre votre manège et vous payer plus light (et puis son range contient plus d’As que de Q ama, donc si vous envoyez un 2ème barrel il sera souvent payé et vous devrez alors envoyer un 3ème barrel pour finir le travail).
Force de la main adverse
On touche au deuxième niveau de réflexion, à savoir mettre vilain sur un range de mains plausible et agir en conséquence.
Si on prend le même flop [As][Qc][5d] avec la même action preflop mais que vous déteniez cette fois [5s][5c]. Bonne nouvelle, votre cbet est payé par vilain qui check le [2d] au turn.
Si vous regardez seulement la force de votre main, vous allez chercher à prendre 3 streets de value et vous allez donc miser le turn en espérant être payé. Ceci dit, si vilain ne fait pas n’importe quoi, il faut vous demander avec quelles mains de son range il serait prêt à payer 3 streets. Ici j’en vois très peu: la plupart des TAG vont 3 bet AQ pre. Vilain va la plupart du temps passer 99- au flop. Il reste grosso modo chez un bon TAG AT, AJ, KQ, QJs plus quelques moins bons As suited.
De ces mains, je n’en vois aucune qui va payer 3 streets (à moins qu’il y ait d’autres facteurs qui rentrent en compte mais je les évoquerai plus tard). En revanche, vilain sera très souvent prêt à payer 2 streets avec ces mains et il sera certainement plus enclin à payer une deuxième fois si vous misez la river plutôt que le turn étant donné que si vous misez le turn, vilain peut craindre de devoir payer une autre mise à la river: vous perdez les bluff catchers de son range en misant le turn dans un coup où vous pensez ne pas pouvoir prendre plus de 2 streets quoi qu’il arrive.
Image de vilain
Elle sert à plusieurs choses:
- Définir la force de la main adverse
Sur le coup précédent, si c’est une CS qui est en BB, on peut élargir son range. Si au contraire c’est un weak nit, on peut restreindre le range. Dans ces 2 cas, j’aurais tendance à miser le turn plus souvent que contre un bon TAG dans la main précédente. Contre la CS parce que je me fais payer par plein de jeux battus qui payeront aussi river toutes les top pairs voir toutes les Q), contre le weak nit parce qu’il payera moins souvent le cbet avec une Q et que ça laisse donc une grande majorité d’as plutôt bien kickés dans son range (il défend peu d’as mal kickés) qui seront enclins à payer 3 streets.
- Définir l’action la plus probable de vilain
Disons que vous soyez contre un LAG avec la position et que vous ayez l’initiative avec [Ah][8s] sur un flop [8c][7d][6c]. Vilain check. Je vais régulièrement check behind parce que je sais qu’un LAG va très souvent c/r si je cbet et que ma main n’est pas assez puissante pour jouer un gros pot. Ce faisant, je réduis le coup en ne jouant que sur 2 streets, en revanche je ne protège pas main (mais je protège mon stack).
Contre une CS, je vais cbet 100% du temps pour value parce qu’une CS ne c/r pas et que j’ai une tonne de value à prendre sur ce genre de flop contre ce profil. Si le turn ne fais pas rentrer de tirage, je vais 2 barrel. River je check à moins d’améliorer.
Si vous n’avez pas la position, checker le turn peut également permettre de gagner une mise supplémentaire contre un vilain qui float beaucoup. Par exemple j’aime bien check le turn oop avec [3d][3s]contre un LAG qui a payé mon cbet sur [As][Th][3c] parce que je sais qu’il va souvent profiter de la position pour tenter de m’outplay.
- Définir la taille du pot que vous voulez jouer
Toujours contre une CS, je vais dans la plupart des cas chercher à jouer les stacks avec TPTK (ou mieux évidemment), à moins d’être relancé à un moment du coup ou que turn/river complète un tirage sur lequel je suspecte vilain.
Contre un TAG, je ne chercherai pas à jouer les stacks ni même à jouer 3 streets systématiquement puisque les TAG ne sont généralement pas prêt à payer 3 streets avec moins bien que TPTK.
Metagame
Le metagame (i.e. historique des coups joués contre vilain) va aussi jouer son rôle dans la taille du pot que vous voulez jouer.
Plus vous êtes actifs, plus les ranges de call en face seront larges si les joueurs sont un tant soit peu attentifs à ce qui se passe, et donc plus vos standards de taille de pot seront grands pour une même main.
Si vous jouez maniaque depuis 15 mminutes, vous aurez beaucoup plus de chances de vous faire payer 3 streets par moins bien que TPTK que si vous jouez nit.
Revers de la médaille, vous risquez également de provoquer plus de slowplay en face et vous aurez donc plus de mal à cerner le range de vilain précisément …
Profondeur
Suivant la profondeur des stacks, vous allez pouvoir adopter des lines différentes.
Par exemple, vous relancez [Ah][Kh] et êtez payés en position par un short à 30 BB. Le flop tombe [8h][5h][2c].
J’aime bien c/r all in ce flop dans ce cas parce que c’est la line qui va me permettre de capter le plus d’argent mort si vilain mise en sentant de la faiblesse ce qui est généralement le cas.
100 BB deep par contre, je préfère bet/3 bet ce flop pour la même raison.
Texture du board
Toujours avec [5s][5c] en main en position avec l’initative. Cbet payé sur [As][Qc][5d]. Le turn est le [Tc].
Dans ce cas je vais 2nd barrel contre tous les profils parce que ce turn peut avoir améliorer pas mal de mains qui payent au flop en donnant une GS ou un backdoor FD. Bref, le range de call turn est grosso modo le même que le range de call flop et étant donné que la force de notre main nous donne envie de chercher 3 streets, ne nous privons pas.
Pour résumer, au flop vous devez vous demander combien de streets vous voulez miser en fonction des différents critères ci-dessus. Vous devez alors déterminer la meilleure façon de le faire sur la street du moment ainsi que sur les autres streets (induce un bluff, value bet, check pour se faire payer plus facilement sur la prochaine street, check pour c/r, …)