Matthew ‹ ekippppppppp › : ‹ ‹ J’adore partir au clash › ›
Twitcheur dans le vent, le dernier arrivé dans le Stream Gang détonne par son approche sans filet du poker en direct. Interview d’un instinctif.
À l’heure où les chaînes de streaming poker se multiplient sur le Net, pas facile de se démarquer pour captiver pendant plusieurs heures un auditoire avide d’animation. Matthew « ekippppppppp », qui s’est déjà fait un nom sur Twitch sous le pseudo mathestarZ, a déniché le bon filon : devenir le Phil Hellmuth ou le Tony. G des streamers poker en investissant le créneau du trash-talk, ce qui a permis au néo-grinder pro de trouver son public et de se faire tranquillement (enfin, bruyamment, plutôt) une place dans le Winamax Stream Gang. L’occasion de revenir en compagnie du récent finaliste de notre Main Event sur son parcours accidenté mais surtout sur une carrière en train de décoller.
Bonjour Matthew, tu as récemment intégré la grande famille Winamax en devenant membre du Stream Gang à la fin décembre 2020. Et tu n’as pas tardé à faire des étincelles : une victoire dans l’XTASE en décembre, une seconde place sur un Winamax Series en janvier, un titre dans l’XTREM et surtout une troisième place dans le Main Event la semaine passée, ta perf’ la plus lucrative à ce jour (plus de 19 000 €). Racontes-nous.
Après ma seconde place aux Wina Series, ça s’est enchaîné rapidement, c’est super cool. J’ai fait en deux mois ce que je n’avais jamais réalisé dans toute ma carrière ! Pour le Main, il y avait une grosse pression par rapport au fait que j’étais en train de battre mon record d’audience sur Twitch, avec 1 200 viewers en simultané : clairement, t’as pas envie de faire de la m… ! Finalement, ça s’est très bien passé : avoir franchi ce cap d’audience sans faire d’écart dans mon jeu me satisfait, ça me fait une bonne pub. Toutes les décisions que j’ai prises en TF étaient bonnes, même si certaines mains ont fait débat, par exemple une paire de 9 que j’ai foldée en BB. Mais je savais que je devais changer de stratégie par rapport à mon jeu habituel (voir plus bas), car je ne pouvais pas faire n’importe quoi en terme d’ICM et je n’ai pas forcément reçu les mains adéquates pour être agressif. J’ai joué mon rôle, c’est-à-dire fermer ma bouche, attendre mon heure et assurer le Top 3. Une fois certain de faire ma meilleure perf’ ever, ma confiance était boostée, j’ai essayé de jouer la win, je suis même passé second en jetons avant d’être éliminé (sur un bad beat, NDLR). Troisième, je ne pouvais pas rêver mieux, je n’ai aucun regret. C’était un total kiff d’avoir streamé ça, j’étais même davantage focus sur l’animation que sur la partie en elle-même ! Les gens me disaient : « Il y a 40 000 € à la gagne, arrête de faire le con ! »
À la base, qu’est-ce qui t’a poussé à streamer tes parties ?
J’ai toujours eu cette envie d’être dans le divertissement, et j’ai toujours voulu être plus ou moins connu depuis tout petit, mais d’une façon originale. Et comme j’aime bien le « délire caméra »… J’ai donc créé une chaîne en arrivant à Malte. J’avais 40-50 viewers dès le début, c’est énorme, il y a des gens qui ne dépassent jamais ça de toute leur carrière dans les jeux vidéo ! Autant dire qu’il y avait du potentiel pour streamer dans le poker… Mais j’ai vite lâché : il faut être régulier et c’est épuisant, c’est un peu comme aller à la salle de sport et ne plus y aller dès que tu as des courbatures. Et c’est difficile de jouer son A-Game en gérant les à-côtés au début. Bref, c’est un vrai métier. Trois ans plus tard, j’ai retenté. J’ai stagné pendant un moment, puis j’ai tenté de jouer l’après-midi, j’avais entre 100 et 120 viewers, et j’ai vu que ça pouvait grandir très vite car il y avait la place pour le « petit con » qui essaye de jouer au poker, et c’est ce que j’ai envie de montrer. Certains de mes potes sont connus pour leur personnalité dans le poker, moi aussi j’avais envie d’avoir ma petite affiche d’une façon ou d’une autre, je voulais laisser mon empreinte personnelle. Le but est de me bâtir une notoriété pour faire kiffer les gens et me pousser à progresser au poker.
T’es-tu inspiré de célèbres streamers poker ?
Il y a tonkaaaap, un streamer pro canadien super drôle (et performant : Parker Talbot compte 750 000 $ de gains en tournois live, NDLR). Je me suis attaché à lui et je voulais l’imiter, car il est bon au poker et en même temps très marrant. C’est aussi lui qui m’a mis sur la voie du streaming. Au niveau français, personne en particulier.
Commenter tes sessions en direct t’aide-t-il également à être plus focus sur ton jeu ?
Je suis un peu hyperactif et quand je suis observé j’ai l’impression d’être un peu plus sérieux envers moi-même, donc je n’ai pas envie de spew. Je ne fais plus aucune session sans streamer, j’ai même participé à un débat là-dessus. Les gens disent que cela leur fait perdre de la concentration, mais c’est l’inverse pour moi, j’ai l’impression de faire moins de conneries, alors que si je joue seul je peux faire n’importe quoi sans que personne ne le voit.
Il semble aussi qu’un aspect humain entre en ligne de compte…
Plusieurs personnes rencontrées via le stream m’ont aidé à grandir. À des moments où je n’étais pas bien, certains venaient m’écrire de grand textes sur Discord pour me remotiver. Il y a des gens que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam et qui étaient là pour moi, comme une grande famille. Ce côté humain du streaming est assez fou, d’autant que moi-même je ne me vois pas agir comme ça. C’est aussi un petit peu grâce à tous ces gens que j’en suis là aujourd’hui.
En opposition à ces côtés appliqués et chaleureux, tu es un peu le Mohamed Henni du streaming poker. D’où te vient cette tendance à tilter ?
J’ai commencé à streamer comme ça et je suis toujours resté le même. J’ai encore des pulsions négatives, j’y peux rien, c’est comme ça : je me suis énervé plusieurs fois en streaming, il y a encore deux mois je cassais des chaises dans mon salon, avant c’était les écrans… Maintenant j’arrive à rester plus calme mais il y a encore des insultes qui fusent parfois et des coups de poing sur la table. Le pire c’est que même lorsque la session se passe bien, je peux m’énerver !
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Aujourd’hui, tu sembles même capitaliser sur ce trait de caractère, puisque ton credo et slogan de ta chaine Twitch est « poker et trash ». Pourquoi te focaliser sur cette approche ?
Je n’ai pas forcément choisi ça par rapport à ma tendance à tilter, mais parce que je suis aussi un joueur de jeux vidéo, et j’ai un peu grandi avec le langage internet, à clasher et trashtalk les gens tout le temps. J’adore partir au clash avec les gens de manière générale, ca m’arrive de le faire avec ceux contre qui je joue ou ceux qui viennent me saouler dans le tchat. Le slogan, c’est plus pour prévenir le public : si vous cherchez un mec stoïque qui ne parle pas, ce n’est pas ici que ça se passe ! Actuellement j’ai mis un truc en place pour animer le stream : je slowroll à fond ceux qui le méritent, c’est-à-dire ceux qui ne savent pas jouer et cassent les tournois de tout le monde en mettant des horreurs. J’ai juste envie de les punir ! C’est mon personnage, c’est pour rigoler : j’adore le poker, mais le but est aussi de s’amuser. Et il faut bien faire marcher le stream : si tu es divertissant mais pas bon, tu vas attirer un groupe de personnes, si tu es bon et pas marrant, tu vas en attirer d’autres, mais si tu as les deux, tu peux monter très haut ! Après je ne vais pas me forcer à en faire plus, je suis aussi comme ça dans la vie réelle, je ne joue pas un personnage, et je n’ai pas envie d’être différent. Les viewers viennent regarder ma chaîne pour mon franc-parler et mon humour.
Tu ne dois pas te faire que des amis…
On ne peut pas plaire à tout le monde. Je commence forcément à avoir des haters, mais ça représente 1 ou 2 % de mes viewers, et c’est pareil pour chaque streamer. Winamax m’a engagé en sachant que je suis comme ça, que les gens aiment mon petit grain de folie. Mais je comprends que je puisse être critiqué, ce serait limite anormal si ce n’était pas le cas.
Cela fait donc bientôt deux mois que tu fais partie du Stream Gang. Alors, premières impressions ?
Pour mes débuts, je n’étais pas super à l’aise, car j’étais étiqueté comme un degen : les gens s’attendaient à ce que je casse mon matos, que je pète un cable. Cette fois, ça s’est vu que je forçais un petit peu, ce n’était pas la même ambiance, la même alchimie, la même animation, ce n’était pas trop moi. Pour la deuxième session je me suis lâché un peu car je connaissais mieux les viewers. Pour la troisième, mon franc-parler est revenu à la charge, je me suis énervé et même si ça a déplu à certains, on a eu une belle audience. En tout cas, je kiffe aussi changer d’atmosphère, pour l’instant ça se passe bien et on verra jusqu’où cela nous mènera.
Peux-tu revenir sur ton parcours avant d’arriver sous le feu des projecteurs ?
Après avoir vécu en Alsace, j’ai décroché un bac STI à Paris avant de partir en fac de droit, même si ça n’avait rien à voir, car je voulais faire détective privé vu que je suis d’un naturel très curieux : j’aime tout savoir sur les gens, comme au poker. Mais après avoir retapé deux ou trois fois ma première année, je me suis dit qu’il fallait trouver autre chose, d’autant que ça ne me plaisait pas du tout. Je voyais mon père qui jouait à l’époque sur des sites comme GoGo! Poker, où il y avait carrément des jokers dans les paquets… Alors j’ai commencé à jouer en mode récréatif vers 19 ou 20 ans, pendant que je travaillais dans un resto, sauf que je perdais vite les quelques centaines d’euros que je gagnais chaque mois au boulot. À l’époque, je ne savais même pas qu’on pouvait travailler son jeu ! Dans le même temps, j’étais fan de courses de chevaux et j’étais aussi à fond dans les paris hippiques.
Finalement, quand as-tu commencé à considérer le poker autrement que comme un simple hobby ?
Disons que vers 21 ans, je me mets à approfondir le sujet. Puis je rencontre un mec sur la table finale d’un tournoi à 5 €. On se parle souvent ensuite dans le tchat, et il me dit qu’on peut aller jouer à Malte. Je travaille alors dans le désamiantage avec mon père, et en un an je monte une bankroll à cinq chiffres. En fait j’étais vraiment nul, mais je pensais que j’étais un champion car dès que je jouais un tournoi, je le gagnais… En septembre 2016, je pars à Malte avec ce gars qui devient mon premier coloc’ là-bas, mais je prends vite une claque interstellaire : il ne me reste plus que 2 000 ou 3 000 € au bout de six mois ! Je considère encore le poker comme un jeu alors que c’était mon gagne-pain. Mais je rencontre de nombreuses personnes qui me font prendre conscience de mes erreurs et m’aident à remonter la pente : je me rends compte que si je veux continuer à vivre du poker, il va falloir bosser. Pendant deux ans, je suis en mode survie, je ne mets pas d’argent de côté mais je profite bien. Puis il y a un an, je décide de me bouger le cul pour « mettre la daronne à l’abri ». Je me mets à travailler plus sérieusement et je commence dans le même temps à streamer mes sessions : ça me motive beaucoup, notamment pour faire plus de volume. Aujourd’hui, je suis dix fois plus sérieux qu’il y a quelques années, et les résultats s’en ressentent. J’ai un peu ramé pour en arriver là, mais j’y suis.
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Concrètement, qu’est-ce qui a changé depuis tes débuts ?
Quand j’ai démarré, je faisais tout et n’importe quoi. Je rentrais de soirée, je faisais des Expresso, on pouvait me retrouver en NL 1000 avec 5 grammes dans le sang. J’étais un caméléon polyvalent qui jouait pour jouer, je n’avais pas toujours toute ma tête. Aujourd’hui, j’ai un coach, je suis staké et je travaille beaucoup mon jeu, en commençant par faire des vidéos d’apprentissage pour un site qui m’ont permis de progresser grâce aux trackers. Maintenant, j’ai aussi de très bons amis avec qui j’échange et je regarde beaucoup de replays de sessions des tops regs du .com. Au final, je joue plus au feeling qu’autre chose, un peu hors des sentiers battus. Je joue plus « avec le cœur ». Après je ne sais pas si c’est result oriented par rapport à mes performances, en tout cas je l’espère : ça voudrait dire qu’avoir des résultats au poker n’est pas seulement lié à la théorie du jeu, ce qui est plaisant.
Aujourd’hui, quelles sont tes principales qualités et défauts à une table de poker ?
Mon principal point fort est ma grand agressivité, surtout en KO : j’ai bien bossé le format, et je bluffe beaucoup. Après, le fait de streamer mes parties ne m’avantage pas trop, car je suis aussi une grosse calling station et j’ai l’impression que mes adversaires commencent à le comprendre. Mais je gère mon style de jeu, et je peux faire les ajustements nécessaires. Sinon, je dois progresser à fond sur le mental, je suis leaky de dingue à ce niveau. C’est un objectif, car je sens que ça peut me faire gagner beaucoup plus d’argent, alors que je trouvais ça un peu inutile jusqu’ici. Je vais vraiment m’y mettre. Enfin, c’est ce que je dis tout le temps…
[img=82232,w=,h=]Pour l'instant, on te voit seulement jouer des tournois de Texas Hold'em. Envisages-tu d'élargir ta palette à l'avenir ?
Ce que je préfère ? Les 6-Max KO. Actuellement, mon ABI (buy-in moyen) est d'environ 40 €, je joue les tournois à 20, 50 et 100 €, parfois plus. En terme de niveau, je n'ai pas forcément un edge sur les tournois à 1 000 € ou 500 €, et pour l'instant j'ai vraiment envie de crush mes limites actuelles. Je ferai les sats pour ces tournois et si je n'y arrive pas, tant pis. Je ne suis pas pressé, depuis le temps j'ai réussi à mettre mon ego de côté. Je kiffe aussi le cash game live, j'aimerai faire de grosses parties dans le futur. Quand je travaillais avec mon père à Paris, j'allais tous les week-ends au cercle Clichy-Montmartre, je m'installais en « 2/4 » (comprenez les tables aux blindes 2 €/4 €, NDLR), et ça se passait super bien. Sinon je connais les règles de toutes les variantes, mais je n'y ai aucun objectif : je préfère être bon dans un format que moyen dans trois.
Quelles sont tes idées pour booster le développement de ta chaîne Twitch ?
Jusqu'ici, j'ai fait des challenges bankrolls type "de 3 000 à 20 000 €", et "20 000 à 50 000 €", ce dernier venant d'être réussi grâce à la perf du Main Event. Je vais peut-être tenter la même chose sur des tournois low-stakes en partant de 100 €, pour montrer qu'il est possible d'y monter une bankroll tout en montrant comment jouer sur les micro-limites, histoire d'attirer les récréatifs qui ont soif d'apprendre. Je vais peut-être acheter un stream deck aussi pour faire plus pro, car pour l'instant mon stream est encore un peu brouillon. Après, me concernant et vu mon style, je ne suis jamais à l'abri de me faire ban par Twitch, ça m'est déjà arrivé... Je risque de tout faire foirer sur une connerie, mais je ferai tout pour éviter ça ! La chaîne est en progression constante, je la ferai grandir à mon rythme.
Quelle est ta vision de l'avenir du poker sur Twitch ?
Je pense que le confinement/couvre-feu ne peut que favoriser la croissance. C'est pour cela que le nombre de chaines Twitch poker a explosé ces derniers temps, beaucoup de joueurs se mettent au poker ! Je suis arrivé au bon moment, parmi les premiers. Le poker et Twitch, ce n'est que le début.
Quels sont tes rêves et tes objectifs dans le poker ?
En live, j'ai joué quelques beaux tournois à Malte, et tous les festivals Winamax. Mais je n'ai jamais gagné un tournoi live de ma vie, même un truc à 50 balles ! J'ai fait deux podiums sur des sides events en Irish Poker dans ces festivals Wina... Ça m'irait déjà d'avoir juste ma petite photo avec les cartes dans les mains ! Sinon, il y a Vegas, c'est un objectif pour plus tard mais je n'ai pas encore assez de sous pour me permettre de vivre deux semaines là-bas. Enfin, à moins qu'on gagne le KING5 avec mon équipe des "5 blancs" (ils sont déjà au Stade 2, NDLR). Mon rêve est vraiment de gagner un bracelet WSOP ou au moins de faire un gain à six chiffres, comme mon pote Jeremy Saderne : ça doit être fou émotionnellement de jouer ces TF, avec tous tes potes derrière. C'est la prochaine étape.
Retrouvez Matthew "ekippppppppp" le 25 février sur Winamax TV pour sa prochaine session avec le Stream Gang.
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Crédits photos : Matthew Gino, Cash Tour Poker.
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