Les rhos - Une autre manière de définir les styles de jeu au poker
Et comment exploiter au mieux les erreurs de vos adversaires ?
Bonjour,
Je me sens d’humeur à écrire (ou plutôt traduire et adapter) un petit article de stratégie aujourd’hui
J’ai lu un article sur le site https://www.cardsharp.org (site que je conseille bcp, par ailleurs, si vous parlez anglais) qui m’a bien emballé et que j’aimerais faire partager aux wameurs
Bon, vous connaissez tous, je pense, la classification des joueurs à la Phil Hellmuth, selon 2 axes : la fréquence des mains jouées (tight/loose) et le niveau d’agressivité (passive/aggressive)
Sur son site, Wayne Vinson propose une classification sous forme de rhos
Alors, qu’est ce que les rhos ?
Je ne vais malheureusement pas trop développer ce point
Si vous êtes matheux et fort en anglais, il explique ça dans cet article : The “rho” – A Mathematical Diversion – CardSharp
Et voici un 2ème article sur quel rapport il fait entre ça et les stratégies (au sens stratégie de théorie du jeu, et qui ne s’applique donc pas forcément qu’au poker) : The “rho” Nature of Game Strategies – CardSharp
Et voici la source qui m’a inspiré cette adaptation :
https://cardsharp.org/?p=26
Pour simplifier pour les non-matheux non-anglophones, c’est en quelque sorte des choses qui ont un rapport entre eux
Je ne sais pas trop comment expliquer mais imaginez des stratégies (une stratégie au sens de la théorie des jeux est toute les actions possibles et imaginables que vous pourriez faire, selon ce que joue votre(vos) adversaire(s), un exemple au morpion (tic-tac-toe) d’une stratégie : votre stratégie peut être "1.mettre votre première croix au milieu, 2. si l’adversaire a mis son rond dans un coin alors jouer la croix dans une case centrale adjacente sur un des bords, et s’il a joué son rond dans une case centrale alors mettre dans un coin, 3. etc… etc…, ça devient encore + compliqué avec les échecs par exemple (imaginez : 1. e4, 2. s’il a fait a7 alors je fais ça, s’il a fait b7 alors je fais ça, s’il a fait etc… etc…) et encore + au poker (1. si je suis UTG avec des joueurs jouant comme ça, à telle table, pour tel buy-in avec telles cartes servies dans telle situation, etc… alors je fais généralement ça mais ça dépend je peux faire ça pour varier mon jeu, etc… et là je met un gros ETC…, voilà, fini pour cette parenthèse à rallonge), et l’ensemble de ces stratégies forme une sorte de « tout »
Pour chaque stratégie possible il existe plusieurs contre-stratégies, et l’une d’entre elle est parfaitement adaptée contre la votre
Une stratégie dans la théorie des jeux, c’est comme je l’ai dit, l’ensemble des choix possibles que vous feriez contre l’ensemble des choix possibles qu’aura fait votre adversaire sur chaque coup, mais on peut peut-être simplifier tout ça, et définir comme stratégie un style de jeu au poker de manière assez générale
Si on part de ce point, on en déduit qu’il y a 3 stratégies générales mauvaises, et pour chacune de ces stratégies générales mauvaises il y a une réponse adaptée qui est une stratégie générale « bonne » et qui exploite la mauvaise
Voici donc la structure de rhos au poker :
Que sont les 3 mauvaises stratégies ?
La première est le fait d’être une calling station :
Une calling station paye très souvent, avec n’importe quelles cartes ou tirage, et mise extrêmement rarement, ce qui fait qu’elle loupe des opportunités de miser quand elle a la meilleure main et que son adversaire a un tirage. Cette mauvaise tendance est la plus commune vue sur les tables de petites limites.
L’extrême de cette stratégie est un joueur qui calle tout le temps, quoique ses adversaires misent, n’importe quelles cartes qu’il a en main, dans n’importe quelle position, il ne folde jamais et il ne raise jamais
La deuxième est les rocks (serrures) :
Les rocks sont des trouillards. Ils sont passifs même dans des situations où tout indique qu’ils ont la meilleure main, ils manquent donc de nombreuses occasions de rentabiliser, ils jettent généralement leurs mains sauf dans des situations où ils ont les nuts ou presque.
L’extrême c’est une personne qui jette tout le temps quoiqu’il ait
La troisième de ces mauvaises stratégie est le fait d’être un maniac (maniaque) :
Les maniaques sont agressifs dans toutes les situations, vous checkez, ils misent, vous misez, ils relancent, leur agression n’est pas tempérée par quelles cartes ils ont en main ni par le fait que leurs adversaires montrent de la force.
L’extrême est bien sûr quelqu’un qui appuie toujours sur le bouton « raise » (voire même tapis (allinopathe)) quoiqu’il ait et dans toutes les situations.
(Bien sûr, quand je parle d’extrêmes, c’est pour schématiser et que vous compreniez un peu + facilement le truc, puisque vous ne rencontrerez jamais (ou tout du moins rarement) des joueurs comme ça, la plupart du temps ça va être qqun qui va avoir plus ou moins tendance à être trop CS, ou trop maniaque, ou trop weak, mais bien s’adapter contre qqun qui n’a qu’une légère tendance à l’un de ces 3 défauts est qqch de primordial…)
Quelles sont les meilleures contre-stratégies pour exploiter au mieux ces tendances perdantes adverses ?
La stratégie A (je vais lui donner un petit nom : on va dire la stratégie « tricky ») est en quelque sorte le fait de caller, basé sur les cotes et privilégiant le slowplay. C’est la moins agressive de celles du cycle des bonnes stratégies, vu que le but est d’induire chez son adversaire un maximum de bluffs, et emploie la plus vaste range pour suivre des 3.
Elle exploite au mieux les maniaques, ainsi que leurs cousins de la stratégie C, car ces stratégies vont bluffer quand elles auront l’opportunité de le faire.
C’est une stratégie très proche de la plus commune (et plus mauvaise) des « calling stations ».
La stratégie B (que j’appellerai solide) est sélective sur ses mains sur toutes les streets. Les bonnes mains sont misées agressivement pour valoriser, et les mauvaises sont jetées. La stratégie B ne bluffe jamais. Elle est basée sur le « value betting » : faire payer une plus mauvaise main que la sienne. Elle est parfaite contre les calling stations qui sont très vulnérables aux value bets, et aussi contre la stratégie A, car elle ne craint pas le slowplay.
C’est une version plus réfléchie et plus agressive que les « rocks ».
La stratégie C (que j’appellerai agressive) est basée sur l’attaque de la faiblesse et de la sélectivité des adversaires. Ils misent gros sur leurs grosses mains et tirages pour valoriser, et ils combinent avec des purs bluffs et des mises et relances avec des mains faibles à chaque fois qu’un adversaire montre de la faiblesse. C’est la parfaite attaque contre la stratégie B et encore + contre les rocks, car ils sont vulnérables aux bluffs. Elle est liée à la stratégie « maniaque », mais la différence est que les maniaques vont continuer à miser contre la force apparente, alors que la stratégie C ne va qu’attaquer la faiblesse apparente et se rétracte si besoin.
On voit que même chez les bonnes stratégies, chacune a quand même une faiblesse qui peut être exploitée par une autre bonne contre-stratégie
Ensuite l’auteur de l’article explique que ça donne une meilleure vision du poker que les stratégies décrites dans les bouquins de poker qui préconisent de jouer uniquement TAG
La stratégie TAG habituelle correspond dans ce système de classification à la stratégie B mixée avec un peu de stratégie C
Ca a un sens : en effet, c’est efficace dans les plus basses limites car les adversaires que l’on rencontre le plus sont les calling stations, qui sont particulièrement vulnérables à la stratégie B, et les requins de ces limites jouent essentiellement B, donc il faut jouer un peu + C contre eux
Mais la plupart des bouquins de poker ne conseilleront jamais la stratégie A, qui est trop proche de la stratégie fustigée de la calling station
Ce système propose donc une meilleure adaptation contre les différents adversaires que l’on peut trouver, bons ou mauvais, et à n’importe quel niveau
Pour résumer : comment exploiter au mieux vos adversaires ?
Contre des A ou des calling stations, le mieux est de jouer B
Contre des B ou des rocks, il faut s’adapter et jouer principalement C
Contre des C ou des maniaques, il faut jouer A
J’aimerais rajouter ici aussi, un peu comme un rajout final, la notion de stratégie optimale au sens de la théorie des jeux, dont vous m’avez surement déjà entendu parler dans d’autres topics (pour + d’infos cf. The Mathematics of Poker de Bill Chen et Jarrod Ankenman, ainsi qu’un chapitre de No Limit Hold’em Theory & Practice de David Sklansky), qui est le fait de jouer une stratégie qui est gagnante contre n’importe quelle autre stratégie adverse (qu’ils soient A, B, C, calling stations, rocks ou maniaques, cette stratégie sera toujours efficace) sauf contre elle-même (où là c’est neutre)
Cette stratégie pourrait sembler parfaite mais en fin de compte elle n’est pas la meilleure stratégie possible au poker dès lors qu’on a des adversaires plus faibles que soi qui auront des tendances CS, rocks ou maniaques, voire même des adversaires plus forts mais toujours plus faibles que vous et qui jouent principalement A, B ou C
Là où elle peut servir c’est en tant que stratégie défensive, car la stratégie optimale est entièrement inexploitable, et est donc utile contre des adversaires bien plus forts que vous, mais sera toujours moins bien jouée que la stratégie parfaitement exploitante qui tire profit des erreurs adverses
Voilà, j’espère que cet article plaira aux wameurs qui le liront