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[ITW] Stéphane Matheu : 'Fier d’avoir créé cet esprit d’équipe'

Le coach historique du Team W vous dit tout sur le séminaire et l'évolution de l'équipe la plus titrée du monde.

Matheu

Un grand bol de séminaire pur

Le séminaire, c’était son idée. Après avoir monté de toutes pièces il y a quatorze ans cet événement inédit pour une équipe de poker, le coach du Team Winamax nous raconte comment il a rendu ce rendez-vous incontournable au fil des années. L’occasion de nous faire comprendre les fils conducteurs du séjour, et comment son contenu a évolué avec son temps, sans oublier de dresser le bilan de ce cru 2024 et de 14 éditions de séminaire. Interview d’un coach heureux.

Revenons à la naissance du séminaire : raconte-nous-en la genèse.

C'est une des premières choses que j’ai demandées aux boss de Winamax quand j’ai pris le poste de Team Manager en 2010. Jusqu’ici, je n’avais travaillé qu’avec un seul joueur, ElkY, mais j’avais une vision : je pensais que dans le poker, il pouvait être ultra-bénéfique de faire bosser les gens ensemble, de créer une dynamique de groupe, même si c’est une discipline individuelle. C’était un peu une obsession. Je me suis dit ce serait cool de faire comme les équipes de foot, un team building, pour amener les joueurs à réfléchir, à optimiser la préparation. Le premier séminaire a eu lieu en mars 2011, à Sofia Antipolis. C’est devenu un rendez-vous incontournable au fil du temps, les joueurs adorent y venir. C’est un moment un peu privilégié de l’année, on se retrouve, on fait du sport, on se marre, l’aventure est géniale. On en est à la 14e édition, et si on m’avait dit que ça allait se passer comme ça, j’aurais signé tout de suite !

Quels étaient tes objectifs en mettant en place ce séminaire ?

Déjà, il y avait la cohésion d’équipe, car le poker est une discipline très individualiste, où il y a beaucoup d’ego et de personnalités différentes. L’objectif était de créer un vrai groupe, pas juste une équipe, et pour cela il fallait que les joueurs passent du temps ensemble. Comme j’étais dans cette optique de s’améliorer, de progresser, je me disais qu’il y avait plein de choses qu’on pouvait leur apporter, des pistes de réflexion pour mieux dormir, manger, se préparer… On a évolué graduellement. Si chacun repartait avec deux ou trois tips pour être mieux dans son poker ou dans sa vie, c’était gagné pour moi.

Ce séminaire, comment tu le prépares ?

Cela a beaucoup évolué à travers le temps. Au début c’était beaucoup moins pro, car le côté préparation était quasi inexistant en 2010, ce n’était pas le même niveau de détail qu’aujourd’hui. Comme je venais du milieu du sport et que j’avais déjà cette expérience avec ElkY, c’était plus facile pour moi : j’avais déjà plein d’idées, notamment pour les intervenants. J’avais fait venir un kiné, un nutritionniste, un ostéopathe, un coach. Lors des 3-4 premières années, on parlait de sommeil, des trucs basiques concernant l’hygiène de vie. Après, c’est devenu moins évident, c’est un peu un challenge : il faut trouver des nouveaux lieux chaque année, des nouveaux formats, des intervenants, il faut que ça reste fun pour les joueurs, et qu’ils soient contents d’être ensemble. Au début c’était très logistique, mais avec le temps, le vrai challenge est de se renouveler.

Matheu 3Justement, comment se passe le côté logistique ?

Il y a une grosse partie de réflexion stagnante. Dès qu’on a fini un séminaire, on fait le feedback avec les personnes présentes, et je prends quelques semaines pour réfléchir à ce qui a été dit. Je laisse mon cerveau en friche, et réfléchis à ce qui serait bien pour le prochain. Et comme c’est plus dur qu’avant de trouver des idées, je suis plus à l’écoute d’opportunités, de propositions, je demande de plus en plus leur avis aux joueurs. En général, je commence à réfléchir au séminaire en septembre-octobre, et on réserve les intervenants vers octobre-novembre. C’est a minima six mois de préparation, mais je n’y passe pas non plus cinq heures par jour. Et avec l’expérience, il y a des choses que je gère plus vite qu’avant.

“On est à la V2 des joueurs de poker”

Comment trouver la bonne date pour l’organiser ?

C’est un truc que j’essaie en permanence d’affiner. Il y a deux écoles. Au début, je me disais que c’était le bon moment quand il y avait un creux sur les tournois live. Puis pendant 4-5 ans, on le faisait juste avant l’EPT Monaco : ça marchait bien aussi, car les joueurs faisaient des résultats monstrueux en sortant, ils étaient à fond. Mais maintenant, il y a tellement de tournois sur le planning, ils sont sur la route tout le temps… Eux-mêmes m’ont dit qu'enchaîner les quatre jours de séminaire et les 11 jours de Monaco, ça ne les fait pas rentrer chez eux avant longtemps. Donc cette année, c’est un peu nouveau de le programmer à cette période. L'an passé on l’avait fait début avril, proche de Monaco. Chaque année, j’essaie de réévaluer en fonction de différents paramètres.

Comment se décide le choix des intervenants ?

Au départ, mon approche est très sportive : je m'adresse à des champions, comme cela pourrait être le cas dans le foot ou le tennis. Après la “V1”, j’ai eu la chance que Wina me donne un budget pour les intervenants. On a commencé avec des spécialistes de leur domaine qui pouvaient apprendre des choses aux joueurs. Ensuite on a fait venir des champions comme Stéphane Diagana, et des joueurs de tennis comme Nicolas Escudé, pour le partage d’expérience, et essayer de faire des ponts entre ce qu’ils font et les joueurs de poker. Mais au bout d’un moment, tu te dis quoi ? Ça va coûter un peu cher de faire venir Michael Jordan... Alors il faut se renouveler. Cette année, c’était fabuleux avec Sarah Marquis, l’an passé avec Greg Fitoussi qui est venu faire un discours sur les émotions, Élodie Mielczareck qui est une synergologue. J’arrive à me renouveler, mais ça me prend de plus en plus de temps de trouver quelque chose de nouveau, fun et pertinent. Mais ça, c’est un bon problème !

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Le sport, qu’est-ce que ça apporte ?

Le sport, c’est un peu ma culture, et c’est ce que j’ai amené. Je pense que c’est sain, ça les force à se lever un peu le matin, ce qu’ils ne font pas tous durant l’année ! Tu démarres la journée, tu transpires, tu prends une bonne douche et tu es plein d’énergie. C’est aussi une bonne manière de créer du lien : le padel, c’est fabuleux socialement. C’est plus dans l’esprit team building, un peu healthy. Sans faire le philosophe, c’est un peu cela les valeurs du sport. Et même s’ils ne font rien derrière, au moins ils ont fait du sport pendant une heure ou deux !

Au final, quels sont les ingrédients d’un séminaire réussi ?

Le premier truc, c’est donc la bonne date, que ce soit facile pour tout le monde. Il ne faut pas que ce soit une contrainte et que les joueurs prennent plaisir à venir. Après il y a l’endroit : Málaga, c’est exceptionnel, on n’a pas fait mieux, à part il y a la Mouratoglou Academy à Nice. Ce qui est cool aussi, ce que je vois surtout et que j’adore à chaque fois, c’est qu’ils sont juste contents d’être ensemble. On n’est pas chaque année dans des endroits aussi exclusifs qu’ici, mais ça marche quand même. Ils sont contents de se retrouver, l’ambiance est excellente, les mecs kiffent, et pour moi c’est le plus important. Ensuite, quand ils vont sur les tournois, ils se soutiennent, ils travaillent ensemble. Déjà, si j’accomplis ça, c’est un séminaire réussi.

Le Team Winamax a beaucoup évolué avec le temps, avec des profils de joueurs différents. Serait-il utile en 2024 de revenir sur des sujets abordés lors des débuts du séminaire ?

Oui et non. Avec le turnover, effectivement des joueurs n’étaient pas là au début pour aborder ces sujets. Mais le poker a tellement évolué depuis 2010 que des sujets nouveaux il y a 14 ans sont devenus ultra-basiques, et je n’apprendrais pas grand-chose à grand-monde. Bien se nourrir, bien dormir… Ils connaissent. On est à la V2 des joueurs de poker, ils ont ces fondations, et quand tu deviens Team Pro en 2024, tu as déjà ces notions-là. On essaie de faire des choses plus “avancées”, comme de la préparation mentale, des partages d’expériences. Ce ne serait pas pertinent de revenir aux sujets abordés au tout début du Team.

“Le Team Winamax, ce n’est pas juste un truc marketing”

Quel bilan tires-tu de ce dernier séminaire ?

Ma crainte est de ne pas tomber dans quelque chose de banal : il ne faut pas que les joueurs viennent, fassent le truc et repartent, par habitude. Je suis satisfait tant qu’on se renouvelle et que chacun repart d’ici avec deux-trois éléments qui vont l’aider et le faire réfléchir. Le pire serait que ça perde de son intérêt, mais là tu sens qu’il y a la petite étincelle. Cette année, tu sens que ça a encore bien marché, l’énergie est top. C’est le dernier jour, tout le monde est un peu crevé, mais tout le monde est encore content.

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Plus largement, que penses-tu de l’évolution du Team Winamax à travers les années ?

On a fait beaucoup de chemin. C’est une combinaison de plein de choses. On a ce modèle unique, avec un manager, et heureusement que ça tourne bien, car il y a un mec qui ne fait que ça toute l’année, avec aussi Melvin qui m’aide. On a pris une dimension mondiale et ultra-haute performance avec les joueurs qu’on a aujourd’hui. Tout ça est un cercle vertueux : plus les joueurs sont accomplis et bien préparés, moins il y a besoin d’être derrière eux. Le truc s’auto-alimente un peu. La performance et l’excellence attirent encore plus. Adri et João sont des inspirations, c’est une vraie émulation. Ça me simplifie un peu la tâche par rapport au début, ou parfois je ramais pour apprendre des concepts, les joueurs étaient un peu réfractaires, ce n’était pas toujours facile. Là, les mecs s’engagent tout de suite. Il y a 14 ans, on ne parlait pas de performance dans le poker, on parlait juste de joueurs qui gagnaient des tournois, il n’y avait pas cette notion de préparation. Aujourd’hui, c’est devenu normal, mais il y a eu un effet boule de neige positif. On recrute des joueurs de plus en plus forts, de plus en plus affutés, ils sont déjà très accomplis. La question est de savoir comment on arrive à les tirer encore plus vers le haut en partant de ce constat.

Cette équipe au top, cette ambiance, le tout sur la durée… Ça t'inspire quoi ?

Je leur avait dit l’année dernière : j’ai l’impression d’avoir contribué à construire cette espèce d’esprit d’équipe, même si ce n’est pas une équipe de foot, et c’est une de mes plus grandes fiertés dans mon job de manager. Cela a créé des relations entre eux hyper-saines, même s’ils peuvent se retrouver en compétition les uns contre les autres à table, et qu’ils se déchirent. Je trouve ça génial. Et ils partagent avec les autres de manière incroyable. Quand tu vois ce qu’Adrián et João donnent aujourd’hui aux autres... Il faudrait imaginer que c’est comme si au tennis, Federer et Nadal faisaient une Master Class à d’autres mecs qui étaient top 100 mondial. C’est un truc qui n’existe pas normalement dans une discipline où l'edge est aussi fin. L’an passé, Davidi a aussi donné beaucoup d’informations sur sa façon de jouer, sur les tells… C’est une vraie fierté d’avoir réussi à créer ça. On est atypiques dans ce truc-là, on est une vraie Team, ce n’est pas juste un truc marketing avec une marque et un logo. Je suis hyper-heureux de voir ça. J’espère que je vais réussir à le faire tenir dans la durée. Ce n’est pas trop mal parti, et au pire j’aurais réussi pendant 14 ans (rires).

Entre-temps... Gus Hansen a rejoint le Team W !

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