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[ITW Deepstack] Nicolas Dumont, une affaire de famille

[ITW Deepstack] Nicolas Dumont, une affaire de famille

Par Rootsah dans Général

Récent vainqueur Pokus et champion EPT, "J&E.DMT" nous raconte sa vie, partagée entre le poker et la famille. Interview sans prise de tête.

Dumont ITW FBK
En live, Nicolas Dumont a déjà connu de grands moments : un titre EPT en 2018 à Monte-Carlo, et une belle 23e place sur le Main Event des WSOP 2021. Online, "J&E.DMT" ne se débrouille pas mal non plus, avec un titre Pokus remporté début novembre. Pourtant, le Francilien de 36 ans ne s’est remis au poker professionnel qu'il y a un an et demi, comme dans ses jeunes années. Entre-temps, dans la "vraie" vie, Nicolas possédait sa propre auto-école, où il était aussi moniteur.

Sauf qu'aujourd'hui, le quotidien du double papa a bien changé : pas facile tous les jours de concilier les exigences du poker pro avec une vie de famille épanouie. Mais Nico veut jouer le coup à fond : pour l’instant, ça se passe plutôt bien, avec quatre tournois live remportés depuis un an. Avant d’aller chercher sa fille à l’école, le pro nous explique comment il compte mener à bien son entreprise.

La dernière fois qu’on a suivi tes exploits chez Wina, c’était lors du Main Event des WSOP, il y a deux ans. Quelles sont les nouvelles depuis ?

Cette perf' m’a donné envie de me concentrer sur le poker, et je ne travaille plus à proprement parler. Petit à petit, je suis arrivé à vendre mon entreprise d’auto-école et à passer professionnel. Désormais, je me concentre sur le poker lorsque mon rôle de père au foyer est fini.

Exergue 1 Dumont
Tu vis depuis toujours en France. Pourquoi, au moment de devenir pro, ne pas avoir choisi l’expatriation, à l’instar de bons nombre de grinders tricolores ?

J’ai toujours habité à Paris. Quand j’ai gagné l’EPT Monte-Carlo en 2018, on s’est posés la question avec ma femme : on n’a pas trouvé de bonnes raisons de partir. On est resté pour les enfants, et la famille à côté.

Pas trop compliqué de faire le grand saut vers une vie de joueur pro, après avoir vécu comme un travailleur "lambda" ?

Ça l'a fait, car j'ai déjà été pro de poker plus jeune. J’avais l’expérience, je savais ce que je voulais faire et ne pas faire, et j'étais très content de pouvoir recommencer. Est-ce que je vais réussir, est-ce que je vais tenir mentalement sur le long terme ? J’ai envie de me donner à fond et de voir ce que ça va donner.

Dumont
Pour réussir dans cette entreprise, tu t’es mis à bosser sérieusement le jeu ?

Je bosse un peu, mais pas autant que d’autres pros. J’ai une famille, j’ai moins le temps que d’autres. Ce qui est important, et ce que j’ai compris avec le temps, c’est qu’il ne faut pas que je me compare à d’autres joueurs. Ceux qui n’ont que le poker, qui sont jeunes, qui n’ont pas de femme ni d’enfants, qui se sont exilés et qui ne pensent qu’à ça. J’ai compris récemment qu’il fallait que j’arrête de faire comme ceux qui n’ont pas ma vie, et accepter ma situation. Depuis, ça se passe beaucoup mieux, cela m’a fait beaucoup de bien. C’est important d’être honnête sur ses capacités, sur le temps qu’on peut y consacrer. Moi je joue depuis 17 ans, j’ai de l’expérience. Alors j'essaie de faire au mieux, et je sais que plus le temps passera, plus je pourrai bosser mon jeu.

Comment s’ajuster quand on doit mener une vie de famille en parallèle de sa carrière de pro ?

Justement, ce sont beaucoup d'ajustements, des concessions. Surtout que ma femme travaille et n’est pas disponible tout le temps. Elle a un bon job et elle veut bosser ! On me pose souvent la question de comment je fais pour gérer avec mes deux enfants : la journée, ils sont à l’école ou à la crèche, et c’est moi qui m’en occupe, à partir de 16h30, jusqu’à ce qu’ils soient couchés. Je joue à partir de 21 heures on va dire, et online c’est compliqué car la session est déjà bien entamée. Donc j’alterne entre jouer online la fin de session, et aller faire du cash game live à Paris. Si j’ai fait des enfants, c’est pour m’en occuper : c’est pour cela que je ne peux pas partir faire tous les tournois live que je veux. À partir du moment où tu décides de construire une famille, le métier de joueur de poker se complique, il faut en être conscient.

Exergue 4 Dumont
Tu joues aussi beaucoup de tournois live à Paris, avec d'excellents résultats, surtout au début de l'année, avec un beau titre FPO notamment. Comment l’analyses-tu ?

J’ai davantage de temps pour les faire, donc j'envoie plus de volume. J’ai gagné quatre tournois entre décembre et juin. J’ai forcément un edge, car on retrouve toujours les mêmes joueurs. En me concentrant sur le poker depuis un bout de temps maintenant, mon niveau a forcément augmenté en conséquence. J’ai eu une bonne période, et j’ai réussi à concrétiser.

On sent que le live, c'est ton dada...

C'est ce que je préfère. Bon, j’ai démarré comme tout le monde, sur le Net : quand on est jeune, on joue sur Internet, c’est plus facile et j’ai toujours été assez feignant. Mais dès que j’ai commencé, j’ai senti que je préférais le live. J’en faisais quand je pouvais à l’époque de l’ACF. Maintenant que je peux me le permettre, je privilégie le live au online. C’est juste une histoire d’envie.

Dumont SISMIX
Tu étais à Chypre pour le dernier EPT. Ça s’est passé comment pour toi ? Qu'a-tu pensé de cette nouvelle destination ?

Cela faisait longtemps que je n’avais pas joué un European Poker Tour. J’ai eu un deuxième enfant il y a un an et demi, donc j’ai moins voyagé : c’est difficile en terme de sommeil, et de partir en laissant ma femme seule. Ça m'a vraiment fait plaisir d'en rejouer un, surtout à Chypre dans ces conditions. Au niveau du confort de jeu, pour les joueurs, c’est vraiment énorme. La salle est immense, les jetons sont bien, les croupiers sont sympas. J’espère que l'étape sera reconduite, on a tous hâte d’y retourner et de retester le buffet ! [Nicolas a été exaucé puisque, entre cet entretien et la publication de l'interview, l'EPT Chypre a été reconduit pour une deuxième édition en 2024, NDLR]

Quels sont tes objectifs et programme en live pour les prochains mois ?

Peut-être l’EPT Prague en décembre. Ce n’est pas impossible, mais ça va être dur. L’EPT Paris ? En février, il y a beaucoup de choses à Paris, ça peut être bien, il n’y a pas de frais… On va bien se préparer pour cette période. J’ai des objectifs en terme de résultats, mais surtout sur du moyen/long terme. Au niveau français, j’aimerais jouer un peu plus. En tant que compétiteur, et après avoir gagné un EPT, ça me donne aussi envie de gagner un bracelet, et un titre World Poker Tour par la suite, en sachant que c’est très dur de jouer un WPT à l’heure actuelle. Ce sont des objectifs très difficile à atteindre, mais qui maintiennent ma motivation. Cela reste compliqué pour moi de voir ce que je vais pouvoir vraiment jouer, alors je ne m’avance pas. Si je pars sur un tournoi sans me sentir très à l’aise, en sachant que ça va être difficile pour ma femme, je préfère annuler.

Exergue3 Dumont
Le circuit Triton, les tournois Highrollers, ça te tenterait ?

Bien sûr que pour moi ça reste un objectif, le poker reste ce que j’aime. J’ai toujours envie d’aller plus haut, de jouer plus cher, mais ça dépend de la période. L’argent, c’est assez fluctuant au poker, il faut faire attention, mais j’adore me confronter aux meilleurs. J’ai déjà joué le 25 000 $ des Bahamas, pour lequel j’avais gagné mon siège grâce à ma victoire EPT. Si je peux rejouer ce genre de tournoi dans le futur, je le ferai avec plaisir.

Passons maintenant au poker online. Au début du mois, tu t'es adjugé un titre Winamax Pokus. Quel est ton sentiment sur cette victoire ?

Des titres, je n'en ai pas tant que ça, et en tant que compétiteur, ça fait toujours plaisir. Mais ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est que ça se jouait en variantes : c’est la première fois que je gagne un tournoi sur un mixed-games [8 variantes]. C’est quelque chose que j’ai assez bossé en 2022, que j'aime travailler, et que j’aimerais bien reprendre plus tard. J’aime beaucoup en tout cas. Je n’y ai pas d’objectif précis, à part gagner un bracelet à Vegas. J’aime forcément le 2-7, mais aussi le Razz et le Omaha Hi-Lo. Celle que j’aime un poil moins c’est le Stud, mais c’est sûrement parce que c’est la variante que je maîtrise le moins.

Quel est ton rythme de grind actuel ?

Je joue le dimanche quand je peux, et les Series. Je ne fais que les tournois. 

Dumont-Kitai
Et le sponsoring, c'est quelque chose auquel tu penses ?

Oui, ça me plairait. En passant par des promotions ? Pourquoi pas. J’ai déjà essayé sans essayer, on va dire. Je ne tentais plus, avec mon deuxième enfant, car même si j’avais gagné, je n'aurais pas pu répondre aux attentes d’un contrat de joueur pro. Mais avec le temps qui passe et mes enfants qui grandissent, je vais y repenser un peu plus : intégrer une team pro dans le futur, j'y pense. Mais je n’ai jamais été contacté officiellement, même si les gens parlent...

17 ans de poker… Tu te souviens de tes débuts ?

J’ai commencé à 18-19 ans sur Everest Poker, à l’époque du .com. J’ai débuté en Sit&Go, un peu comme tout le monde. J’ai tout testé, le cash, les tournois... Au final, je me suis assez vite mis aux MTT, et je n’ai plus lâché. Quand j’étais jeune et dynamique, j’ai été pro, de mes 20 à mes 25 ans.

Actuellement, mènes-tu d’autres projets en dehors du poker ? As-tu d’autres activités ?

Je suis à fond sur le poker, je ne recherche pas d’autres projets. Sinon, je fais toujours du basket, ça prend du temps. Je joue au niveau régional. J’ai 36 ans et demi, je ne devrais même plus être là, mais on va dire qu’ils n’arrivent pas à se passer de moi ! Je joue au poste 4. Je fais aussi du sport pendant la journée.

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Revenons-en maintenant à ce qui reste l'un de tes deux pinacles en carrière : ta 23e place au Main Event des WSOP 2021, sur un field de 6 650 joueurs. Deux ans après, quels souvenirs gardes-tu de ce tournoi ?

C’est clairement dans mon Top 2 avec la victoire de l'EPT Monte-Carlo. C’est ce que j’ai préféré, même si c’est très différent, car c’est le Main Event des WSOP, et il n’y a rien de plus beau. Les sensations, le public français, ce sont des souvenirs énormes. Ce sera dur de faire mieux. Il faudrait que j'aille en table finale pour dépasser ces sentiments.

Comment se remet-on d'un tel deeprun, après avoir échoué si près du but ?

Je m'en souviens bien. Je n’ai eu aucune frustration, alors que sur un tournoi de poker on est toujours frustré quand on bust, surtout sur le Main des WSOP. Je me suis senti très OK avec ce que j’avais fait. J’ai vraiment eu la sensation de ne pas pouvoir gagner le tournoi, de ne pas avoir eu de cartes. J’ai été patient, et je me souviens qu’à 23 joueurs restants, j’étais dernier en jetons, et nous étions trois joueurs avec moins de dix blindes. Finalement, l’un d’entre nous [Georges Holmes, NDLR] a fini en heads-up… Donc en gros, tout était possible si les cartes venaient. Mais j’ai senti que ce ne serait pas le cas pour moi, que ça ne marcherait pas. Alors je ne suis pas du tout sorti frustré, même si une fois qu’on arrive aussi loin, on espère mieux. Je n'ai aucun regret, j’ai eu l’impression de tout donner. Ça ne m’a jamais empêché de dormir.

Dumont Winner
Le fait que tu aies déjà connu l'ivresse d'un grand titre à Monte-Carlo t’a t-il aidé à relativiser ?

Cela m’a aidé pendant le tournoi, au niveau de l’expérience : j’avais déjà joué pour de grosses sommes, même si cela n’avait rien à voir. Je me suis senti très à l’aise à ce moment-là, sans pression exacerbée. Cette expérience me sert tous les jours, pour des tournois de buy-ins inférieurs.

Tu échangerais ta victoire EPT contre une finale sur le Main Event des WSOP ?

Pfff… Non, je ne crois pas… On ne connait pas le résultat de la TF ? Je ne sais pas… Il y a une expression qui dit : “Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.” L’EPT, je suis sûr que je l’ai, ça reste une victoire. Mais c’est vrai qu’une TF de Main Event, c’est magnifique. Et il y a toujours une possibilité de la gagner, sans parler qu'au niveau financier, le gain est supérieur... Il me faut plus de temps pour réfléchir à ma réponse !

La description de ton compte X dit : “Je jette des pièces et elles tombent toujours du bon côté !” Tu estimes avoir été chanceux dans ta carrière de joueur ?

Honnêtement, quand j’y réfléchis, pas plus, pas moins. Mais je pense que je l'ai été tout de même : quand j'ai gagné l’EPT à l’époque, c’était quand même beaucoup de chance. Je ne vais pas me plaindre de ce qui m’est arrivé. On se souvient surtout des mauvais moments dans une carrière, mais il y a eu beaucoup de belles choses quand même pour moi, et je pense que j’ai eu de la chance. Mais je suis aussi chanceux dans la vie de tous les jours. Il n’y a pas que le poker.

Propos recueillis par Rootsah

Crédits photos : Caroline Darcourt/Winamax

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