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Interview : Secrets de maillots jaunes

Interview : Secrets de maillots jaunes

Les journalistes Pierre Carrey et Luca Endrizzi nous parlent du maillot jaune, symbole d’un Tour de France qui débute ce samedi.

Vous avez compilé des interviews de maillots de jaune de légende, des maillots d’un jour, d’autres oubliés… Comment a eu lieu la sélection ?

Luca Endrizzi : Avec Pierre, notre travail consistait à sélectionner l’équipe mais aussi à proposer des coureurs qui couvrent une temporalité, d’Antonin Rolland à Vincenzo Nibali. On a dit aux journalistes : « Faites-vous plaisir. Allez chercher des anecdotes, passez du temps avec eux, partagez un repas. » Les journalistes devaient créer un feeling avec leur sujet pour que le résultat soit bon.

Pierre Carrey : Lance Armstrong a été contacté. Il a répondu par mail. Il a hésité. Il a dit oui. Puis il a dit non. Ce n’était pas le moment. Il avait ce procès aux USA qui pendait au-dessus de sa tète comme une épée de Damoclès. On lui a écrit en pleine tourmente judiciaire. On trouvait intéressant d’avoir un maillot jaune déchu.

Romain Baheux, contributeur du livre : Stephen Roche m’a un peu baladé. D’abord intéressé, il ne me répondait plus. Lucien Aimar, le plus vieux vainqueur français encore en vie, m’a dit : « Tu prends le train, on descend gare de Toulon et on fait l’interview. » On s’est fait un resto tous les deux pendant trois heures, c’était super sympa.

Le maillot jaune transcende les coureurs, on l’a vu avec Voeckler ou Pascal Simon, qui refuse en 1983 de céder son bien malgré sa fracture de l’omoplate.

Pierre Carrey : C’est tout l’intérêt de faire cohabiter Voeckler et Merckx. L’idée du livre, c’est aussi de montrer que le maillot peut transcender et que les « petits » ont droit aux chapitres. Il n’a pas forcément changé la vie de ceux, souvent oubliés, qui ne l’ont porté que quelques jours, notamment financièrement. Mais des gens comme Merckx, évidemment, lui doivent beaucoup.

Deuxième du Tour 1990, Claudio Chiappucci explique avoir défendu son maillot seul contre tous, avec la peur de retomber dans l’anonymat s’il le perdait.

Pierre Carrey : Chiappucci est dans une relecture du passé, une mythologie qu’il entretient. Mais c’est le jeu. Les coureurs interviewés ne nous disent pas tout le temps la vérité. On essaye de s’en approcher, mais c’est aussi leur espace, leur moment avec leurs souvenirs et la réalité. Chiappucci est depuis longtemps dans une veine parano, flamboyante, anarchiste et romantique. C’est un pirate, c’est à la fois le héros et le brigand.

Luca Endrizzi : Il entretient en effet son mythe. Il vit encore de ça. Aujourd’hui, encore, il est invité dans plein de courses, à l’Étoile de Bessèges, en Israël, etc.

Si vous deviez ressortir une interview ?

Pierre Carrey : Felice Gimondi est intéressant. C’est un nom très connu mais le temps s’est écoulé, et on a oublié ce qu’il y avait derrière. Il a remporté le Tour quasiment après ses débuts chez les pros, à une époque où c’était encore possible. Aujourd’hui, Egan Bernal (Sky) pourrait difficilement l’accomplir, car le Tour de France demande beaucoup de métier. Gimondi évoque sa famille, la petite valise qu’il faisait avant de partir sur le Tour… Les équipes étaient beaucoup plus humaines qu’aujourd’hui. Il incarne la classe dans le romantisme, il n’a aucune polémique qui lui colle à la peau et parle de Pantani, son fils spirituel. C’est un peu notre grand ancien.

Un maillot jaune que vous auriez aimé interviewer ?

Pierre Carrey : (taquin) Poulidor. Froome ? C'est trop chaud. La poussière n'est pas encore retombée.

Quelle question auriez-vous aimé poser à Froome ?

Luca Endrizzi : S’il a utilisé le vélo à moteur.

Romain Baheux : Beaucoup de vainqueurs ont un destin tracé. Ce n’est pas son cas. Il était à la ramasse, se vautrait sur des contre-la-montre, tout le monde disait qu’il ne savait pas rouler. On a l’impression que Froome a débarqué dans la peau d’un champion et qu’il s’est imprégné des codes. Etait-il persuadé que la réussite allait lui sourire ou se considère-t-il comme une imposture de l’Histoire ?

Qui remportera le prochain Tour de France ?

Pierre Carrey : Beaucoup de coureurs peuvent croire en leur chance. Porte peut bien passer les 20 kilomètres de pavé. Je pense que Nibali peut faire le doublé. Cette année, il marche sur les eaux et repasse sur les pavés où il avait pris un gros ascendant psychologique sur ses adversaires. Il court juste et aura une superbe équipe.

Luca Endrizzi : Nibali. Il s’est bien préparé et il a envie.

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Session one-shot « maillot »

Si vous deviez inventer un nouveau maillot ?

Romain Baheux : Je changerais les règles du maillot du meilleur grimpeur pour l’offrir au plus rapide dans les cols et non au premier arrivé au sommet. Un truc un peu vénère où les mecs se donnent dans la montée.

Pierre Carrey : Le plus écolo ? Mais le maillot vert est déjà pris…

Luca Endrizzi : Le maillot noir, pour le dernier, la lanterne rouge.

Quelle est votre stratégie pour rester éveillé lors d’une étape de plaine ?

Romain Baheux : Beaucoup manger le midi. Tu es bien chargé et tu te réveilles vers 16 heures, à l’arrivée.

Pierre Carrey : D’ailleurs, ce n’est plus du vélo mais un divertissement, comme quand tu regardes Des Racines et des Ailes. Et c’est très bien ainsi. Mais le public passionné de vélo ne peut pas s’infliger cela.

Pour ou contre les hôtesses sur le podium ?

Pierre Carrey : Contre. Je mettrais des enfants. Des juniors.

Luca Endrizzi : Un collègue a rencontré des hôtesses sur le Giro. Elles étaient très contentes car elles y allaient pour trouver un mari.

Pierre Carrey : Attend, c’est pas Meetic non plus ! Cela dit, si on voulait vraiment faire avancer la cause des femmes, il faudrait d’abord relancer le Tour de France féminin.

Avec les frites, plutôt ketchup ou maillot ?

Luca Endrizzi : Moi, c’est sel.

Pierre Carrey : Vinaigre.

merci sa c’est du journalisme les gars

total :!