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Interview de Pascal Dupraz

Interview de Pascal Dupraz

Cinq mois après quitté Toulouse, Pascal Dupraz, requinqué physiquement, se confie sur ses projets à venir : son livre, son role de consultant pour la Coupe du monde, mais aussi son envie de retrouver les bancs de touche.

Votre livre « Une saison avec Pascal Dupraz » sort la semaine prochaine. Vous allez notamment revenir sur vos réussites comme vos échecs. Le but, c’est de montrer toute la difficulté du métier à travers votre vécu ?

Oui, mais pas que. L’idée est de montrer mon point de vue, en toute humilité, sur le management. Ce sont mes principes, ma manière de faire. Dans le management, il est important d’une part d’être exemplaire, et d’autre part, de placer les personnes que l’on guide dans de bonnes dispositions pour qu’ils aient confiance en eux, de manière à donner le meilleur d’eux-mêmes. J’ai répondu à la demande de mon ami Frédéric Rey-Millet, qui est Savoyard comme moi. Il est spécialiste en terme de management, et intervient dans des entreprises.

Dans le livre, il commente à sa manière toutes les actions que j’entreprends à travers un journal de bord, qui consiste à parler de chaque journée du championnat de France. Pour ma part, il s’est interrompu au bout de la 22e journée. On s'est donc interrogés sur la manière de conclure le livre. Ainsi, on a voulu réfléchir ensemble sur le positif dans l’échec, et les questions que l’on doit se poser dans cette situation.

Vous parlez des personnes que vous guidez. Beaucoup d’entraineurs actuels parlent de la nécessité de s’adapter à la nouvelle génération de joueurs dans la gestion de leur équipe. Le vestiaire de Toulouse est justement assez jeune. Avez-vous ressenti ce décalage générationnel ?

Je pense que ce décalage provient essentiellement des dirigeants et des entraineurs. Aujourd’hui, tout est fait pour faire d’un joueur professionnel un cas à part, et en cela on fait fausse route. Ce sont des jeunes gens à qui on confie de larges responsabilités : jouer dans des stades pleins, devant des caméras, voir son jeu disséqué dans la presse… il faut avoir les épaules solides pour résister. Je trouve que l’on ne prépare pas assez les joueurs à vivre le football et leur jeunesse, parce que justement on en fait des cas à part. Un jeune footballeur est comparable à n’importe quel autre jeune. Celui qui fait HEC, ou maths sup, est aussi méritant que le footballeur. Ce qui les différencie, c’est que le jeune footballeur gagne très vite très bien sa vie. Mais avant tout, ce sont des jeunes gens comme les autres.

On remarque souvent l’importance d’être porté par une dynamique, que ce soit au cours d’un match ou sur une période plus longue, comme ça avait été le cas lors de votre maintien à Toulouse. En quoi cela peut-il influer sur le discours d’un coach ?

Les dynamiques, ce sont d’abord celles de l’institution, avant même d’être celles insufflées par un coach. Est-ce que les objectifs sont clairement définis ? Est-ce que les moyens mis à disposition pour remplir ces derniers sont réellement présents ? C’est toute la question. Après, les dynamiques se créent bien sûr, mais elles s’entretiennent, encore une fois, à tous les étages de l’institution.

Cependant, je remarque qu’en France beaucoup de clubs ont tendance à négliger la protection de l’institution, au profit du joueur. Ce dernier est source de produit, et à partir de là il est placé sur un piédestal. Le rôle de l’institution repose sur deux axes : définir les règles et les priorités, bien cibler les objectifs. Puis, il faut veiller à ce qu’il y ait une bonne harmonie entre tout le monde, ne jamais montrer les dissensions et ne rien laisser passer afin de ne pas permettre aux joueurs de s’engouffrer et prendre le dessus. Il faut montrer que l’institution est suffisamment forte pour cela.

Si on le voit à l’étranger, pourquoi cela n’existerait pas en France ? Lorsqu’un joueur français part à l’étranger, on le voit dire « oulala, c’est un grand club, on s’entraine deux fois plus ici ». Alors pourquoi tu ne t’entrainais pas deux fois plus ici ? Pourquoi tu faisais la gueule quand on te demandait de t’entrainer ? En France, on favorise cela. Il faut changer les mentalités dès la formation.

On a tendance à classer les entraineurs en deux catégories : d’un côté les « penseurs », les « tacticiens » comme Guardiola ou Bielsa, et de l’autre les « meneurs d’homme » comme Didier Deschamps, qui a d’ailleurs écrit la préface de votre livre. Dans les deux cas, n’est-ce pas minimiser le métier d’entraineur ?

Ça aussi, c’est typiquement français. Je ne fais pas de patriotisme à outrance, mais force est de constater qu’aujourd’hui en France, on aime faire la part belle aux entraineurs étrangers. Et puis, généralement, l’entraineur français a du mal à s’expatrier, principalement parce qu’il ne connait pas les langues. Et ça, c’est un problème qui revient à l’éducation nationale. Le niveau d’apprentissage des langues étrangères est moins bon qu’ailleurs, c’est un fait.

Après, on enferme les coaches dans des cases, mais lorsque l’on parle d’un coach en disant qu’il est meneur d’hommes… On ne transforme pas une équipe, son jeu, et ses performances en disant « Allez les gars ». Ensuite, pour certains, et c’est mon cas, j’ai toujours entrainé des équipes qui disputaient le maintien. On me trouverait probablement beaucoup plus penseur et fin tactiquement si j’avais de meilleurs joueurs, sans pour autant que je ne sois pas heureux des effectifs que j’ai coachés.

Cela dit, pour un coach, il faut savoir apprécier le long terme et le court terme. Je n’entraine au plus haut niveau que depuis cinq ans, mais j’ai largement participé à l’avènement d’un club qui est passé de la Promotion d’Honneur à la Ligue 1. Et depuis que j’entraine en Ligue 1, j’ai entrainé trois années à l’ETG avec un budget famélique, puis j’ai maintenu Toulouse en 10 journées, avant de finir 13e la saison suivante. Malheureusement cette année, je me suis arrêté à la 22e journée. J’ai forcément ma part de responsabilité, mais, ce que je remarque, c’est aussi que les entraineurs suivants n’ont pas fait mieux que moi. Donc, soit les entraineurs sont tous des nuls, soit il y a aussi une part de responsabilité qui revient au club et aux joueurs.

Comment voyez-vous l’Equipe de France à l’approche de la Coupe du monde ?

Je la vois très bien évoluer. On voit que la cote de popularité de la sélection est grandissante, et c’est parce qu’un cadre a été défini. On ressent vraiment que les joueurs ont envie d’évoluer ensemble, et qu’ils ont envie de défendre les couleurs de leur pays. Quand il y avait une cote de popularité très basse, c’est avant tout parce qu’il y avait des joueurs qui n’avaient pas envie de descendre du bus. Aujourd’hui, c’est en quelque sorte un retour à la normale.

Didier Deschamps a fait une liste très cohérente et très homogène, qui va, à mon avis, permettre à l’Equipe de France d’aller loin. Il pourra compter sur ses 23 joueurs, et je suis certain qu’il saura distribuer les temps de jeu de telle sorte que la fraicheur, qui est si importante dans ce genre de compétitions, soit présente dans les matchs décisifs. Il part avec les joueurs avec lesquels il a envie d’aller au mondial, et il se trouve que cela donne une équipe homogène et de grande qualité.

En quoi le métier de sélectionneur est-il différent de celui d’entraineur ?

Je pense d’abord que ce n’est pas le même rythme. Lorsque tu es sélectionneur, il y a beaucoup de travail d’observation. Tu t’adresses au gratin des joueurs de ton pays. On prépare des compétitions, il y a une planification qui est différente. La difficulté, c’est aussi de créer une équipe avec des joueurs qui terminent leurs championnats, et il faut être pointu concernant le dosage des entrainements, entre ceux qui peuvent jouer, ceux qui reviennent de blessure, et ceux qui ont besoin de repos…

Ensuite, lorsque tu es sélectionneur, tu sais que tous les choix que tu vas faire vont être disséqués puissance 1000. Avec une nation comme la France, qui regorge de talents, et alors que tu ne peux sélectionner que 23 joueurs, tu vas forcément en laisser sur le carreau. Tu es soumis à une obligation de résultat qui encore une fois est exacerbée car il y a derrière toi 67 millions de sélectionneurs.

Outre l’Equipe de France, y-a-t-il des équipes que vous allez suivre attentivement lors de la Coupe du monde ?

J’ai une chance terrible, c’est que je vais pouvoir m’abreuver de tous les matchs de la Coupe du monde puisque je la suivrai pour TF1. Cela me permet d’être dans l’action, de voir quelles sont les animations ou les systèmes de jeu qui vont être utilisés pendant cette compétition. Bien souvent, le mondial emmène une tendance en terme de jeu et de tactique.

Je vais tout regarder, que ce soient les nations fortes mais aussi les petites nations, et bien sûr supporter l’Equipe de France. Cela me permettra également de faire une large revue d’effectif concernant les joueurs, car j’espère retrouver un club rapidement, et il y a fort à parier que dans ce club figureront des internationaux.

Cette Coupe du monde, vous la suivrez donc pour TF1… mais aussi pour Winamax TV ! Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre rôle sur Winamax ?

Absolument ! Lorsque l’on me demandera d’intervenir sur le mondial, je le ferai avec beaucoup de plaisir, encore une fois en toute humilité. Je suis convaincu de ce que je sais faire, de connaitre le football, et je viendrai pour apporter mon éclairage et mon point de vue dès lors que l’on parlera du terrain.

Après, même si le foot reste ma passion, j’ai également la chance d’être ouvert à autre chose, et je pourrai peut-être être emmené à donner mon point de vue dans des débats en terme de géopolitique, sur ce qui se passe en Russie, les supporters, la fréquentation des stades… tout ce qui se passe autour du mondial.

Les gens vous ont découvert sous un autre visage lors de votre première expérience comme consultant dans J+1. C’est un exercice que vous appréciez ?

Il s’agissait surtout de dérision, mais j’ai passé de bons moments à me marrer. Ce n’est pas parce qu’on a quelque fois l'impression que je suis austère face à la caméra que je n’aime pas me marrer !

On vous a vu vous mouiller victorieusement en tentant le pari Yann Bodiger contre Angers… on attend vos pronostics pour la Coupe du monde ! Qui va l’emporter selon vous ?

La France ! Concernant le meilleur buteur, il ne pourra à mon avis qu’être Allemand, Français, Brésilien ou Espagnol. Je ne me mouille pas trop mais bon. Peut-être Giroud ! Comme la France va gagner le mondial, il sera meilleur buteur !

Pariez sur France vainqueur du Mondial et Giroud meilleur buteur

Qu’est-ce qui vous attend pour la suite ? Le Real Madrid cherche un entraineur…

En janvier nous avions décidé, le président Sadran et moi, de cesser notre collaboration parce que j’avais des soucis de santé. J’aurais très bien pu terminer la saison mais pour des raisons de santé je n’avais pas suffisamment d’énergie, et je pense que c’est aussi faire preuve de beaucoup de courage de dire stop et de maximiser les chances de maintien du TFC. Aujourd’hui, ces soucis de santé sont complètement derrière moi. Je suis totalement rétabli et je suis prêt à un nouveau challenge.

Concernant le Real, j’ai envoyé mon CV, j’attends la réponse sereinement ! Sinon, j’ai reçu certaines propositions, mais je n’ai pas envie de me précipiter. Même si je ne débute pas la saison sur le banc, il peut y avoir des équipes en difficulté et immanquablement on pensera à moi comme pompier de service.

Session one-shot « Savoie ou bien ? »

Quel est le meilleur entraineur du monde selon vous ?

Sir Alex Ferguson.

Raclette ou tartiflette ?

Croziflette. C’est fait avec des pâtes savoyardes, les Crozets. C’est un peu moins lourd que ces deux plats.

Evian ou Thonon ?

Eau du robinet. Parce que j’ai la chance de vivre dans un pays où l’eau du robinet est bonne.

Canard Laqué ou Bertrand Laquait ?

Bernard Laquait a bien aidé l’ETG.

Entrainer en France ou à l’étranger ?

Entrainer.

Est-ce qu’il commentera en cabine ? Les avions en papier pullulent dans les stades russes.

Go pour sauvez un club mythique

J’ai toujours aimé Pascal Dupraz pour son franc-parler