Enfin le voilà ! Le grand Jour !
Après cette longue préparation, je vais enfin pouvoir me frotter à mes collègues. Toute ma surface crépite sous l’adrénaline de l’instant à venir. Je suis installé à ma table dans un calme presque inquiétant, mais la tempête se prépare. Le staff s’affaire depuis de nombreuses heures avec passion, afin de pouvoir offrir des conditions idéales. Aucun détail n’est laissé au hasard et je suis plusieurs fois dérangés et contrôlés.
Finalement un brouhaha se forme et laisse présager le début imminent des hostilités. La tension devient de plus en plus palpable et finalement, la foule se déverse dans la salle. Un enthousiasme débordant envahit l’espace et les accents de toute la francophonie se mélangent allégrement à l’irlandais et au cliquetis des jetons. D’ailleurs, ce bruit si familier va nous accompagner tout le long de la compétition, au même rythme que les pintes qui s’entrechoquent.
Les choses sérieuses commencent et ma table s’active rapidement. Je reste toutefois en retrait, à l’affut de la moindre occasion. Cette fois, c’est la bonne. J’entre en jeu et gagne le pot. L’excitation de cette première laisse vite la place à une routine où les secondes se succèdent rapidement et les changements de situations s’enchainent. Puis soudain, un arrêt. Un ralentissement. La vitesse a brusquement changé et les minutes s’enlisent en heures. J’entre en quasi hibernation dans un coin de table et cela me donne l’occasion d’observer les alentours.
Rien de spécial à signaler, les habituels aficionados sont là. Le Singe disserte avec le Professeur sur un drôle de sentiment, là un Jazzman se permet d’intervenir pour suggérer un gadget miracle permettant même aux licornes de clignoter à nouveau. Tout ce cirque est savamment orchestré par une bande de fantasques maîtres japonais. Quand soudain, je suis inondé d’un liquide rouge rubis foncé bien familier, après qu’un Ourson se soit fait chahuté par ses congénères Bisounours. C’est le bazar et les esprits s’échauffent, mais ils sont à nouveau rapidement refroidit par une tournée générale sponsorisée par un jeune requin trop balla.
Suite à cette incartade, il faut se reconcentrer, car une nouvelle phase décisive commence. La concentration est à son maximum et chaque manipulation à son importance. L’excellente structure ayant permis un long round d’observation et d’acclimatation, le nombre de participant est encore élevé, mais à présent le tri commence à s’accélérer et je n’ai pas vraiment le temps de faire connaissance avec les joueurs avant de passer au suivant. Malgré tout, j’ai l’occasion de rencontrer plein de comportements différents. Les architectes en herbe lancent des défis à la gravité, tandis que d’autres préfèrent l’efficacité à l’esthétisme. Pour ma part, j’oscille entre les cimes des gratte-ciel et les profondeurs des tapis selon les aléas de la partie. Des applaudissements saluent en cadence la sortie des joueurs et soulignent le respect et la convivialité durant la compétition.
Abruptement, le temps s’arrête et les gens se lèvent à l’unisson. Je reste impuissant lorsque le directeur du tournoi s’empare de moi. Je dois retourner dans ma boîte. Jusqu’à la prochaine. Je m’impatiente déjà !
Paulson80