28.57
Non ça n’est pas mon âge, mais le montant qu’arborait ma bankroll au 1er novembre 2010. Oubliée, la période faste de l’ouverture du .fr. Oublié, le good run d’août-septembre, qui m’avait permis d’atteindre une somme inédite de 400€.
Le mois d’octobre est bel et bien le pire de ma courte « carrière » online, en termes de pertes. Les causes de cette bérézina sont multiples. Une confiance en moi trop grande, des bases incertaines, et surtout une gestion de bankroll inappropriée. Victime, comme de nombreux avant moi de l’effet de cliquet qui m’empêchait de descendre de limite alors que tous les voyants étaient au rouge. Un orgueil déplacé, sans doute aussi.
Tant et si bien que le point culminant, si je puis dire, de cette descente aux enfers survint un dimanche après-midi de la fin du mois d’octobre. 6 tables de NL 20 (soit environ 30% de ma bankroll, oui je sais…). En l’espace d’une heure, je vais connaître un enfer. « Ah le fish ! », « Siiiick setup !! », « Fuuuuuu- » devinrent le temps d’un tour de cadran mes expressions favorites. Et croyez-moi, la douche est glacée quand on s’aperçoit avec surprise qu’on n’a plus assez pour recaver. Le tilt s’arrête instantanément, c’est garanti. Les 6 tables aussi.
Cette fois-ci, le cliquet avait sauté, du moins pour le cash game, où je repartais en nl5, la queue entre les jambes. En mtt, j’étais encore un peu ambitieux. A coup de 10€, la bankroll finissait de descendre en flèche, malgré des sessions de cashgame positives, dont le volume était de toute façon insuffisant. 70€. 50€. 35€. 28,57€…
Je ne sais pas trop ce qui a mis fin au tilt. En tout cas, ma première TF (sur un 10€) depuis une éternité y a contribué. Une bankroll revenue à 150€, c’était déjà bien.
C’est alors que j’ai décidé de réaliser un gros travail sur mon jeu. En lisant attentivement la section CG d’abord. En posant des questions de noob, aussi. Merci à ceux qui ont pris le temps de me réponde un jour.
Chaque soir, invariablement je me posais dans le fond de mon canapé, un portable sur les genoux. Le rituel était le même : un deepstack 5€ que je m’empressais de spew si personne ne m’avait mis d’horreur au bout d’une heure. Parfois tout juste itm. La plupart du temps, sorti bien avant.
Derrière ça, une à deux heures de cashgame sur 6 tables. La NL5 m’a fait beaucoup de bien au niveau de la confiance, c’est certain. Pour la bankroll, on ne peut pas dire que ça montait au galop. Et pendant ce temps, je révisais.
Chaque fois que je me sentais suffisament cavé pour attaquer la NL10, je tentais un shot, lequel se finissait presque invariablement par un précipice, que j’allais mettre plusieurs jours à compenser en NL5. Ca donne aux courbes un aspect de montagnes russes assez particulier.
Non pas que le niveau en NL10 soit beaucoup plus élevé qu’en NL5. D’une certaine manière, il est presque pire, car nettement plus aggro, à tort et à travers bien souvent. Mais d’une part, le jeu y est très différent, et le changement de limite demande une véritable adaptation. Ca fera rire les sharks de nl200, et pourtant, c’est la réalité. D’autre part, il faut bien avouer que j’ai objectivement eu pas mal de poisse dans ces shots. C’est ballo quand ça tombe à ce moment là.
En MTT, au moins j’étais régulier. Une pente à 45° ! … Vers le bas. Enormément de spew, et surtout un gros manque d’envie.
Pourtant, mes progrès en cash game étaient réels. Et en live, où je jouais plus sérieusement, les mtts se déroulaient parfaitement.
Fin janvier, j’ai réellement senti que j’avais franchi un pallier. Un de ces fameux ah moment !, comme on dit. Qu’avais-je compris ? Plein de choses ! Mais essentiellement au niveau de la lecture. Mettre ses adversaires sur une range, et plus sur « Wow il a l’air big ! » ou « Le fish, il a rien chuis sûr ! », ça aide fortement.
Autre progrès capital, la compréhension de la raison de mes mises. Lorsqu’on débute, on se contente de miser quand on a touché, ou qu’on veut bluffer. Le raisonnement s’arrête là. Finir par comprendre quand il faut checker lorsqu’il n’y a pas de value à prendre, ou, au contraire, placer de thin value bet à la river, ça fait une grosse différence. Avant de comprendre tout cela, c’est fou le nombre de bets pour info que je faisais sans m’en rendre compte. Et j’ai encore ce mauvais reflexe qui traine, je le sais. C’est tellement facile de se réfugier derrière « J’essaie de mettre en place une image aggro, tavu ? ».
Au passage, tiens, je me rappelle d’une phrase de Montei qui m’a bien fait réfléchir, mine de rien. « Quand le mec représente rien, c’est qu’il a rien ». C’est bête comme phrase, mais c’est tellement vrai. Et lorsqu’on a compris ça, ça ouvre deux perspectives : faire parfois des hero calls et se trouver tout fier de soi, et apprendre à construire des bluffs crédibles. Voilà bien quelque chose d’essentiel. Merci Montei, hein.
Et voilà, je me retrouve donc à crush la NL5 (super !), et à spew le tout en MTT. Jusqu’au déclic, fin janvier. Un vendredi soir, où j’étais assis dans mon lit, à jouer mon éternel tournoi quotidien. Je me sentais tellement fatigué qu’à un moment, j’ai haussé des épaules et fermé le portable. J’étais pourtant bien sur mon tournoi. Au-dessus de l’average en tout cas. Mais j’en avais marre. Et ça m’a frappé comme une évidence lorsque ma femme (la sagesse incarnée) m’a glissé d’un ton étonné « Si tu en as marre de jouer… Pourquoi tu continues ? »
C’était très vrai. Tout ce qui m’excitait dans les MTTs, je ne le retrouvais plus. Dans ces conditions, pourquoi je continuais invariablement à lancer ce satané tournoi ? Par habitude ?
Comme il se trouvait que je devais recevoir de la famille chez moi pour le week-end à venir, la période était propice à une pause. Et puis, elle n’avait pas besoin d’être longue. Quelques jours, le temps que l’envie revienne. C’était bien ça le mot, il fallait que je démarre le tournoi parce que j’avais envie de jouer.
Il a fallu 5 jours.
Lorsque je démarrai mon tournoi j’étais à nouveau motivé pour le jouer jusqu’au bout. Et par un hasard incroyable, il se trouvait que j’étais précisément dans un soir de veine. Oh, rien d’extraordinaire, mais lorsque l’on joue presque son A-game, et qu’en plus on gagne ses coin flips, ça ne peut que se terminer bien. Ce 1er février, mon 5€ se terminait sur une seconde place. Ce que je ne savais pas encore, c’est que c’était le déclencheur qu’il me fallait pour me relancer dans les MTTs.
d’ITM en ITM, ma confiance, mon niveau, et surtout mon intérêt revenait. Sans compter que je connaissais un sacré good run en MTT (sans pour autant parvenir à en gagner un seul. Bah, ce sera pour mars). Et surtout, après une session de NL10 absolument catastrophique, pour la première fois ça n’était plus le cash game qui me maintenait à flot, mais bien les MTTs. Le monde à l’envers.
De fil en aiguille, la bankroll affiche actuellement plus de 800€, barre franchie grâce à un shot en NL20 qui s’est on ne peut mieux passé. Il me parait loin le temps où le cashier affichait « 28.57€ ». Quelque part, j’ai l’impression d’être revenu à la case départ.
Evidemment ça n’est pas vrai. Déjà parce que mon niveau de jeu a changé du tout au tout. Je crois d’ailleurs que tant qu’à chaque coup d’oeil par dessus mon épaule je me dirai « Mais quel fish j’étais ! », ce jeu me plaira. J’ai d’ailleurs repéré bon nombre de leaks qu’il va me falloir corriger. Avec l’aide de la section CG, comme d’habitude.
Aujourd’hui, la confiance est à fond. Il faut que j’en profite.
Mon objectif pour l’année 2011 reste le même : s’installer en NL100 d’ici décembre. Le chemin est encore très long, mais plus que jamais j’y crois.
En tout cas, tous les indicateurs sont au vert aujourd’hui. La balle est dans mon camp.