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WSOP 2022-Main Event - TF

Dix joueurs pour dix millions de dollars

Malgré une durée marathon (17 heures !) les demi-finales n'ont pas permis de constituer la table finale de neuf joueurs Ils sont encore dix pouvant prétendre au titre suprême du poker et au premier prix de 10 millions de dollars Main Event 10 000 $ (Table finale)

Main Event finale
Mardi soir, ils étaient encore 14 joueurs en course dans le Main Event à trois heures et demie du matin, tandis que nous rangions appareils photos, ordinateurs et carnets, mettant fin plus tôt que prévu à une journée de boulot qui avait commencé peu après midi. Tout le monde le savait depuis longtemps : cette dernière journée avant la finale serait longue, très longue. Trop longue. Et en définitive, l'objectif irréaliste des organisateurs (passer de 35 à 9 joueurs en une seule journée sur le tournoi le plus important de l'année) n'a pas été atteint. Peu avant 7 heures du matin, après 17 heures de jeu presque non-stop, les officiels ont fini par faire acte de clémence, plus ou moins contraints et forcés, en mettant le tournoi en pause après l'élimination de Robert Welch en onzième place.

Avec 10 joueurs restants, la dernière table du Main Event était prête… mais pas la finale officielle, historiquement composée de neuf joueurs. C’est donc dans une configuration inhabituelle, pas encore tout à fait en finale mais avec les demi-finales loin derrière nous, que débute la huitième journée du tournoi. L’objectif de la première moitié de la finale est simple : tomber à quatre joueurs restants, qui reviendront au casino Paris vendredi pour conclure une bonne fois pour toutes ce Main Event 2022.

La table finale

Espen Jorstad
La prophétie de Davidi Kitai ne s’est pas réalisée : loin d’exploser en vol avant la finale, le dernier joueur Scandinave du Main Event a tenu bon. Et même mieux que ça : Espen Jorstad entame l’avant-dernière journée avec un confortable chip-lead. Plus habitué à jouer devant un écran que dans les gigantesques salles de bal de Las Vegas, ce n’est qu’en 2022 que le Norvégien a signé ses premiers résultats sur les WSOP… Un premier essai concluant, c’est de le dire, puisque Jorstad est allé au bout du tournoi Tag Team en tandem avec Patrick Leonard. Installé à Londres, c’est via un satellite en ligne que ce Twitcheur assez réputé a gagné sa place pour le Main Event. Après un Day 1 raté (17 600 jetons dans le sac en fin de journée, à pleine plus que 25 % du stack de départ), Jorstad a ensuite terminé chacune des six journées suivantes dans les hauteurs du classement. Il fait désormais figure de favori pour la victoire, mais celle-ci est évidemment loin d’être acquise, tant les tapis sont profonds et ses adversaires affûtés.

Siège 1 : Philippe Souki (UK) 13 500 000 (11 BB)
Siège 2 : Adrian Attenborough (Autralie) 50 800 000 (42 BB)
Siège 3 : Matija Dobric (Croatie) 68 650 000 (57 BB)
Siège 4 : Michael Duek (USA) 49 775 000 (41 BB)
Siège 5 : Matthew Su (USA) 83 200 000 (69 BB)
Siège 6 : John Eames (UK) 54 950 000 (46 BB)
Siège 7 : Jeffrey Farnes (USA) 35 350 000 (29 BB)
Siège 8 : Aaron Duczak (Canada) 56 000 000 (47 BB)
Siège 9 : Espen Jorstad (Norvège) 83 200 000 (69 BB)
Siège 10 : Asher Conniff (USA) 24 400 000 (20 BB)

Blindes : 600 000 / 1 200 000 BB ante 1 200 000

Les prix
Vainqueur : 10 millions de dollars
Runner-up : 6 000 000 $
3e : 4 000 000 $
4e : 3 000 000 $
5e : 2 250 000 $
6e : 1 750 000 $
7e : 1 350 000 $
8e : 1 075 000 $
9e : 850 675 $
10e : 675 000 $

Efthymia Litsou
Une femme en finale du Main Event, ça ne sera pas encore pour cette année. Efthymia Litsou s’est arrêtée en 18e place : un deep run déja exceptionnel en soi pour une joueuse amateur plus habituée aux tournois à 200 balles de la côte qu’aux spotlights du plateau télévisé des WSOP

Kenny Tran
Il était le dernier visage du Main Event que les vieux fans de poker pouvaient facilement reconnaître : avec cette 17e place sur le plus beau tournoi du monde, Kenny Tran signe un come-back retentissant (si ce n’est inachevé). C’est presque exactement le même résultat que lors de cette édition 2007 (16e) où son style sans peur et sans reproche avait marqué les téléspectateurs de l’époque

David Diaz
Cet irréel fold rivière avec As-Dame sur Roi-Dame-2-Dame-2 (en face, Jeffrey Farnes avait relancé - même pas all-in - avec deux Rois !) n'aura pas suffi à porter David Diaz jusqu'à la table finale. Une paire de 7 battue par le As-9 de Matthew Su scellera son élimination en 13e place. De tous les potentiels finalistes, c'est bien le joueur de Houston qui présentait le profil le plus atypique et émouvant. Diagnostiqué d'un cancer avant même d'atteindre l'école primaire, Diaz s'était fait amputer d'un bras à l'âge de 4 ans. À l'entrée dans l'âge adulte, la découverte du poker lui permettra de construire une carrière d'autodidacte malgré son handicap, et plus tard de gagner un bracelet lors de l'édition 2011 des WSOP.

Les derniers éliminés avant la finale
11e : Robert Welch (USA) 675 000 $
12e : Vadim Rozin (Canada) 525 000 $
13e : David Diaz (USA) 525 000 $
14e : Tom Kunze (Autriche) 410 000 $
15e : Jimmy Setna (Canada) 410 000 $
16e : Karim Rebei (Algérie/France) 410 000 $
17e : Kenny Tran (USA) 410 000 $
18e : Efthymia Litsou (USA) 323 100 $

Demi-finales : l’ambiance à trois heures du matin

Rail

Rail
Rail
Rail
Rail
Rail

Un carré floppé pour commencer

Asher Conniff est éliminé en 10e place (675 000 $) La finale officielle du Main Event peut commencer

Ahser Connif
La finale a débuté depuis sept mains lorsque l'un des joueurs les plus en difficulté trouve une main de départ largement suffisante pour tenter de se sortir du fond du classement : 1010. Avec 15 blindes restantes (il en avait 20 à la reprise, mais s'est fait bluffer d'entrée de jeu par Matija Dobric), Asher Conniff n'a guère qu'une seule option avec cette main : faire partir l'argent au milieu le plus vite possible. C'est chose faite en milieu de parole, pour 17,7 millions au total.

De petite blinde, Michael Duek a trouvé une main tout aussi jouable : AK. Hésitant probablement entre un simple call et une relance, Duek finit par se décider pour la première option. Très vite les jeux sont retournés, et tout aussi vite le flop est retourné. Malgré les températures déjà bien basses dans la salle de bal, c’est un véritable souffle de climitisation que se prend Conniff dans la figure :

KKK.

Le plateau télévisé tremble des hurlements d'un public déjà chauffé à blanc, dans leur cabine les commentateurs manquent de tomber de leurs chaises. Ce flop uniforme est une sentence de mort pour Conniff : l'affaire est pliée, et les caméras ne s'attarderont même pas sur le turn et la rivière, parfaitement superflues.

Asher Conniff
Asher Conniff n'aura goûté que quelques minutes à la table finale du plus beau tournoi du monde. Le New Yorkais de 34 ans était l'un des joueurs les plus expérimentés en course avec un palmarès cumulant presque 3 millions de dollars d'ITM etn live. Le pote de Chris Moorman ajoute 675 000 $ et une prestigieuse ligne à sa fiche de résultats. "C'est le setup le plus cher que je me suis jamais pris", lâchera-t-il quelques minutes plus tard au micro de Kara Scott.

Avant cette première élimination, synonyme de coup de d’envoi de la « vraie » finale à neuf, on a eu le temps de voir plusieurs choses intéressantes. Espen Jorstad a perdu son chip-lead lorsque sa paire de 10 s’est fait craquer par un Jeffrey Farnes floppant un brelan de 4. Jorstad lâche quelques précieux millions avec un call muck sur la rivière 4-7-9-J-3. Derrière, on a vu le même Jeffrey Farnes faire un fold très conservateur avec As-Valet dépareillés après un re-raise all-in du short-stack officiel Philippe Souki. Il n’y avait pourtant pas énorme à rajouter…

Rail
Asher Conniff bénéficiait du soutien d’un rail fourni, ayant fait venir entre autres ses parents, sa soeur et une dizaine d’amis depuis New York.

Rail
En bonne mère juive (selon ses termes), la maman de Conniff était la plus soucieuse de toutes dans les gradins

Rail
Rail
Michael Duek signe la première élimination de la journée et passe la barre des 65 millions
Rail

Doyle Brunson
On ne l'a pas croisé une seule fois lors de cette première édition des WSOP jouée sur le Strip, son médecin le lui avait interdit: Doyle Brunson a tout de même tenu à encourager les finalistes via un message pré-enregistré. "Si vous voulez m'affronter, je suis disponible", a-t-il ajouté, taquin, avant de prononcer les mots magiques "Shuffle up and Deal"

Un tapis à neuf chiffres

Main Event 10 000 $ (9 joueurs restants)

C’est une heure plutôt calme que nous avons traversée après l’élimination d’Asher Conniff en dixième place. Pas de coup à tapis préflop, pas de double-up… mais des beaux moves des chip-leaders. Comme cet excelent « value bluff » d’Espen Jorstad, sous la forme d’un gros check/raise avec As-10 sur un board Q-10-2-6-3 : le tirage cœur était rentré rivière et Michael Duek avait tenté le coup avec KJ. Jolie démonstration d’agression aussi signée Matija Dobric, qui semble avoir bien compris que Jeffrey Farnes était l’un des joueurs les plus conservateurs de cette finale : en relançant avec As-Dame sur 1028K, le Croate n’a eu aucun mal à chasser l’Américain et sa pocket paire de 4.

Matija Dobric
De fait, Matija Dobric (photo) est le premier finaliste à avoir franchi le cap hautement symbolique des 100 millions en jetons... après un pot de 50 millions qui aurait pu être beaucoup plus gros si la rivière n'avait pas doublé le board. En effet, avec son J10, Adrian Attenborough n'aurait probablement pas été contre investir un peu plus de jetons sur la rivière KQ89K. Et Dobric aurait été tout aussi enclin à faire gonfler le pot avec un A7 lui donnant la couleur max. En lieu et place, la rivière a été prudemment checkée. Mais la conclusion reste la même : Matija Dobric va entamer le second niveau de la journée avec un large chip-lead de plus de 70 blindes. Derrière lui, Espen Jorstad reste solide avec 85 millions, soit 56 BB.

L’Empire Britannique contre-attaque

Trois double-ups successifs au crédit des deux Anglais de la finale Main Event 10 000 $ (Finale - 9 joueurs restants)

TF Main Event
Soudain, une musique se fait entendre. Un journaliste ayant oublié d'éteindre son ordi ? Une sonnerie de téléphone réglée au maximum ? Le bruit augmente progressivement en volume : il s'approche de nous. On discerne de mieux en mieux une mélodie de trompette sur un lit de violon, les accords de plusieurs guitares, et par-dessus un chant plaintif repris en chœur. Nous y voilà : un groupe mariachi vient d'entrer dans la salle de bal. Cinq hommes habillés de noir semble-t-il mandatés par les supporters d'Aaron Duczak. Le genre de fausse bonne idée, marrante sur le papier, qui ne peut que s'effondrer aussitôt lorsque confrontée à la réalité de cette grosse machinerie que sont les World Series of Poker. Car l'atmosphère festive propre à la table finale du Main Event, les cris, les chants, les panneaux et les t-shirts personnalisés, ne doit pas faire oublier que trois autres tournois se poursuivent en simultané à l'ombre du podium télévisé, dont la finale du 5K avec François Pirault. Bref, le concert au beau milieu de tout ce foutoir, ça ne va pas le faire du tout. Les officiels se précipitent pour faire barrage avant que la formation mexicaine ne fasse tout à fait irruption sur le plateau télévisé. Charlie Ceresi, l'arbitre au physique de vigile, tente de leur expliquer que ça ne va pas être possible, à la limite si tous les autres tournois étaient break pourquoi pas, mais là : non. Les supporters de Duczak insistent. Charlie, qui n'est pas un homme aimant se répéter, doit se répéter, le ton est ferme et de moins en moins cordial. "Si vous ne voulez pas m'écouter, vous allez devoir sortir." Jack Effel renchérit : "Vous avez eu votre moment. C'est fini." Fin de la parenthèse musicale.

L'heure qui vient de s'écouler a vu trois double-ups successifs… tous à porter au crédit du clan britannique.

John Eames
John Eames, d'abord, dont les Rois ont tenu sans problème face aux 9 de Michael Duek. Un pot de 88 millions qui représente le vrai départ de ce pro discret mais efficace dans cette finale.
Philippe Souki
Quelques minutes plus tard, au tour de Philippe Souki de faire hurler le clan de supporters anglais, avec une paire de Dames tenant contre le As-Dame de Matija Dobric. Sous oxygène depuis le début de la finale, Souki ne pouvait guère espérer mieux comme confrontation préflop : son tapis ne représentait plus que 7 blindes. Un tour plus tard, le voilà de nouveau à tapis préflop... mais c'est cette fois muni de 20 millions (13 blindes) qu'il s'engage, et avec une main dominée : son AJ va avoir besoin d'aide contre les Dames d'Adrian Attenborough. Il en trouvera dès le flop avec les apparitions successives d'un Valet puis d'un As. Petit Poucet à la reprise avec 13 millions, Philippe Souki est désormais assis derrière trois fois plus.

La finale à neuf se poursuit…

Rail UK
Le thème de la journée du côté Anglais : lorsqu’un poulain est à tapis, on brandit les baskets. « Shoes off for Souki ! »

Rail TV
Ceux qui n'ont pas trouvé de place autour de la table télé (les gradins sont blindés) peuvent se rabattre sur l'écran géant installé à côté

Sans le su

Matthew Su est éliminé en 9e place (850 675 $) Main Event 10 000 $ (Table finale)

Matthew Su
Le plus gros stack à la reprise de la partie. Une stratégie prudente, presque attentiste. Des mains sélectionnées avec soin. Aucun jeton gaspillé inutilement. Toute l'avance numérique, toutes les précautions du monde n'ont pas suffi à Matthew Su, co-chip-leader à 14 heures en compagnie d'Espen Jordstad, pour lui éviter de quitter la table finale du Main Event en 9e position. La faute à des Dieux du poker (les cartésiens diront : la variance) ayant semble-t-il décidé de ne lui faire aucun cadeau aujourd'hui.

Le joueur de Washington DC a franchi la première marche le menant vers les enfers au moment de payer le tapis d'un Adrian Attenborough tombé à 16 BB : avec les Dames contre les 9, Su est en excellente bonne position pour à la fois éjecter un joueur de la table et faire tutoyer à son tapis la barre des 100 millions. Las : la première carte retournée est un 9, et les quatre autres n'annuleront pas le bad beat.

En un seul coup, Su, jusque-là si discret et appliqué, a perdu la moitié de son tapis sans avoir rien à se reprocher. Tombé en un battement de cartes dans la zone des 20 BB, le voilà forcé d’envoyer son tapis en resteal pour se maintenir à flot. La manœuvre fonctionne deux fois et deux orbites plus tard, une nouvelle occasion en or se présente sous la forme de deux Valets. Sa relance UTG est contrée par un 3-bet à tapis d’Aaron Duczak, pour 18 blindes. Voilà Su de nouveau forcé de jouer un coup à tapis : celui-ci ne représente plus que la moitié de son stack « seulement », mais la quasi-totalité. C’est payé : Su joue un coin-flip parfait contre AK.

Le flop manque de faire s'écrouler le plateau télé :

QJ10, qui améliore radicalement la main des deux joueurs mais fait passer Su loin derrière. Il a absolument besoin d’une doublette pour éviter de tomber à cinq BB. De doublette il n’y aura pas sur le turn (un 9) et la rivière (un 8), donnant à Duczak une super-quinte à sept cartes.

Laissé pour mort, Su parviendra à doubler une fois contre John Heames, mais ne pourra éviter une nouvelle confrontation préflop. A tapis pour 13 BB face à Philippe Souki, il est cette fois nettement dominé : sa paire de 8 ne s’améliorera pas contre les Rois de l’Anglais.

Une paire craquée par une autre, un coin-flip classique, puis un 20/80 logiquement perdu : rien que de très banal, me direz-vous. Des finales comme ça, tout les joueurs en vivent de temps à autre. Mais pour Matthew Su, cette journée cauchemar s'est produite pile pour le tournoi le plus doté de la planète, celui qui n'arrive qu'une fois dans l'année. Les 10 millions de dollars de la première place resteront à l'état de chimère pour le chip-leader du jour, qui doit se contenter de 8,5 % de cette somme. Soit 850 675 $. Un lot de consolation, oui… mais qui explose tout de même son précédent record en live, un min-cash sur le WPT Five Diamond Classic du Bellagio l'an dernier, qui lui avait rapporté 29 230 dollars.

Souki ferme

Philippe Souki est éliminé en huitième place (1 075 000 $)

Philippe Souki
Agile tel un contorsionniste sachant se planquer dans les espaces les plus confinés, Philippe Souki a réussi à faire des merveilles malgré un stack précaire à l'entame de la finale - 11 blindes seulement. Un premier double-up avec les Dames contre As-Dame lui avait permis de se maintenir à flot. Un autre, plus chanceux (les Dames étaient en face cette fois) l'avait relancé. Mais ne croyez pas que l'Anglais d'origine Française ne fut bon qu'en showdown préflop. On l'a aussi vu éviter avec gracilité de beaux accidents, comme lorsqu'il a floppé la top-paire avec As-Dame pile au moment où Espen Jorstad avait trouvé le brelan max. Là où beaucoup de joueurs auraient été heureux de jouer un coup à tapis, lui a perdu le minimum.

Cette capacité quasi-Matrixienne à éviter les balles a pris fin sur la 112e main de la finale… D’une façon très, très sale. Oh, personne, pas même Souki sans doute, n’en voudra à Matija Dobric tenté le coup de grosse blinde avec QJ : effectué depuis le bouton, le shoe de Souki ne représentait que 8 BB. Mais tout de même : Souki a retourné la meilleure main de départ possible, les As… et a en plus trouvé un As sur le flop. Sauf que cet As fut suivi d’un 10, puis d’un Roi.

C'est donc un bad beat en bonne et due forme qui a mis fin au pro Londonien de 33 ans, qui peut tout de même se satisfaire d'avoir fait grimper à ses 11 blindes de départ deux barreaux sur l'échelle des prix. C'est en millionnaire qu'il quitte la table finale du Main Event des WSOP 2022, une somme faisant plus que doubler un total de gains de carrière qui s'élevait à 830 812 $ avant le coup d'envoi du Main Event. Son projet était de se payer une maison et de voyager. Tant qu'il ne projette pas de devenir proprio à Londres, cela devrait pouvoir être possible…

Duczak mis à sac

Aaron Duczak éliminé en septième place (1 350 000 $) Main Event 10 000 $ (Table finale)

Aaron Duczak
Au poker comme ailleurs, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ce massif coin-flip entre As-Roi et deux Valets ayant accouché d'un improbable flop Dame-Valet-10 avait précipité la sortie de Matthew Su en neuvième position : ce fut tout au bénéfice d'Aaron Duczak, le Canadien trouvant là l'occasion de passer pour la première fois au-dessus de son tapis de départ en finale. Mais Duczak ne restera pas longtemps en possession de ce capital, victime d'un piège tendu avec brio avec le dernier représentant de la perfide Albion en course.

John Heames - puisque c’est de lui qu’il s’agit - voit Duczak faire une ouverture standard à 6 millions. Muni d’une paire d’As, c’est avec l’air de ne pas y toucher qu’il se contente de défendre sa grosse blinde. Le flop tombe 1094. Évidemment, Heames check… mais c’est pour mieux relancer à 14,3 millions après le c-bet à 6,5 milions de Duczak. Ayant floppé un tirage très prometteur avec AK, ce dernier appuie sur la détente et vide son chargeur. Snap-call d’Heames : en deux temps trois clics, un pot de 100 millions s’est formé. Deux briques plus tard, l’Anglais encaisse l’un des plus gros pots du tournoi. Duczak, lui, tombe à quatre blindes : elles partiront au milieu dès la main suivante avec 76 en main, et ne trouveront aucune aide face à AK.

Véritable vétéran des WSOP avec 40 ITM depuis 2011, Aaron Duczak a pourtant attendu cette année pour disputer sa première finale sur les Championnats du Monde, à l’âge de 40 ans. Cela valait la peine de patienter : il reviendra au Canada plus riche de 1,35 million de dollars.

Six pieds sous terre

Jeffrey Farnes n'a pas su prendre son envol en finale Le dernier Américain de la TF termine sixième et encaisse 1 750 000 $ Main Event 10 000 $ (Finale)

Farnes
La première fois qu'on vous avait parlé de Jeffrey Farnes, c'était dans les premières heures du Day 6. L'Anglais venait de prendre un pot énorme à notre petit Français Matteo Cavelier, se plaçant par la même parmi les gros tapis du tournoi, à environ 100 joueurs restants. Quelques heures plus tard, celui qui a pour idole Daniel Negreanu terminait même chipleader au moment de "bag" les jetons, avec 35 joueurs encore en lice : lui qui avait terminé le Day 1 légèrement en dessous du tapis de départ avait multiplié son stack par cinq durant la journée ! Suffisant pour le propulser en finale après un interminable Day 7, mais dans une position moins enviable : 8e tapis sur 10 pour la TF non officielle, avec un stack représentant 29 blindes. Un bloc dans lequel il est difficile de manœuvrer, on le sait, surtout quand des chipleaders bien mieux lotis en jetons sont prêts à vous mettre la pression.

Pourtant, le scénario semblait devoir s'écrire différemment : l'Américain parvenait ainsi à rentabiliser un brelan pour grimper rapidement dans la hiérarchie. Avant de se faire grignoter son stack, puis de doubler une seconde fois sur la 107e main de la finale. Et, bis repetita, de perdre pas mal de petits pots pour se retrouver à nouveau shortstack, presque naturellement, à six joueurs restants. Et malgré tout le soutien d'un rail fourni, il n'a pu éviter une confrontation fatale : aux blindes 1 250 000 /5 000 000, et avec un tapis d'environ 32 millions pour Jeffrey, John Eames relance au bouton et Farnes décide de simplement payer depuis sa petite blinde avec 22, imité par Espen Jorstad en grosse blinde. Sur le flop 665, l'Américain tente alors un move audacieux : tapis pour 26,5 millions ! Si le Norvégien passe, Eames a trouvé le board parfait pour payer avec son 98, et joue tout le paquet pour passer devant. Pourtant, il ne va pas rentrer son tirage de quinte flush ventral, ni faire de paire... mais contrefaire la main de son adversaire après un turn 3 et une 3. Le 9 rentre, et Jeffrey Farnes est donc éliminé de ce Main Event.

Au bout du compte, le joueur de Dallas n'aura jamais pu vraiment prendre les choses en main durant la TF, ne profitant pas des moments où il était bien loti en jetons pour tenter de se hisser au top du chipcount. Alors certes, cela lui a permis de gagner quatre paliers, et on imagine que c'était important pour un joueur plutôt habitué des tournois à middle buy-in et qui comptait avant ce Main Event moins de 200 000 $ de gains en live, dont 61 000 $ glanés sur un tournoi au MGM début juillet. Mais c'était évidemment insuffisant pour espérer se mêler à la lutte pour le titre.

Au moment de passer au cashier, Jeffrey Farnes, qui était le dernier joueur américain en lice dans cette finale, encaisse donc 1 750 000 $ : une belle consécration tout de même pour un joueur qui a démarré le poker il y a 18 ans de cela, sur des parties de cash-game en Limit Hold'em, et qu'on devrait peut-être revoir plus régulièrement désormais sur des tournois aux enjeux élevés. Alors bravo, Jeffrey, mais la prochaine fois, merci de laisser nos Français tranquilles...

Dobric, c’est chic

Matija Dobric prend la 5e place pour 2 250 000 $ Il aura fait très bonne impression durant les derniers jours du tournoi Main Event 10 000 $ (Finale)

Dobric
Les observateurs étaient unanimes : Matija Dobric avait prouvé les jours précédents qu'il avait les armes pour s'imposer dans ce Main Event. En effet, il avait montré un très bon niveau de jeu depuis trois jours, cela lui permettant de finir les Days 5 et 6 dans le peloton de tête, et de débarquer sur la dernière table avec le 3e tapis des dix joueurs encore en course. En TF, le Croate s'est d'ailleurs rapidement emparé du chiplead, faisant toujours preuve d'un gros niveau de jeu pour être le premier joueur à franchir la barre des 100 millions de jetons, et se permettant au passage de craquer les As de Philippe Souki pour éjecter l'Anglais en 8e place.

Pourtant, Dobric n'était certainement pas l'un des joueurs les plus expérimentés de la finale, lui qui ne comptait que 239 000 $ de gains en live avant ce Main Event 2022, avec un biggest cash à 198 550 $ gagné... grâce à une 35e place dans le Main Event l'an passé. Avec déjà deux cashs sur ces Championnats du Monde avant le Big One, Matija était en revanche mieux préparé que l'année dernière selon son propre aveu, parvenant mieux à gérer l'adrénaline de son deep run en réussissant à être plus calme et à mieux dormir entre les Days. Ce spécialiste des tournois avait en tout cas joué une partition presque parfaite, avant de perdre son leadership en faisant doubler Jeffrey Farnes sur la 107e main de la finale.

À partir de là, le Croate n'a jamais pu revenir dans le game, se retrouvant avec 50 millions de jetons à cinq joueurs restants alors que tous ses adversaires possédaient au moins le double. Après avoir repris quelques pions, il découvrait alors une paire de 6 en position UTG, et choisissait de relancer. En small blind, Espen Jorstad plaçait alors une surrelance à 21 millions au bout d'une grosse réflexion, et Matija décidait finalement d'envoyer la boîte. Un tapis payé par le Norvégien avec AQ, une main qui parvenait à améliorer sur un tableau K-Q-7-10-8. Matija Dobric fait donc un beau 5e de ce Main Event 2022, pour un gain de 2 250 000 $, pendant que son adversaire prend les commandes du tournoi. Nul doute que s'il conserve les qualités étalées durant ce Big One, on devrait vite le revoir en haut de l'affiche.

The current plan for the Main Event is to play down to 3 players or finish Level 42, whichever happens first. Level 42 started a few minutes ago.

— WSOP (@WSOP) July 16, 2022

Alors que le plan initial était d'arrêter ce Day 8 à quatre joueurs restants, les organisateurs ont décidé de gagner du temps pour demain : la nuit n'est pas trop avancée, on peut jouer encore un peu !

John Eames ferme le ban

John Eames est éliminé en quatrième place (3 000 000 $) Main Event (Table finale)

John Eames
L'élimination de Matija Dobric aurait théoriquement dû sonner la fin de la journée. Comme il n'était pas encore trop tard (minuit environ), les organisateurs ont décrété des prolongations, avec deux issues possibles : soit on terminerait le niveau en cours, soit un joueur se ferait éliminer. C'est la deuxième option qui s'est avérée la bonne.

Avec seulement 13 pots gagnés au cours des 186 mains jouées aujourd’hui, John Eames se plaçait dans le camp des joueurs les plus conservateurs de cette finale. Sur la dernière, il décide pourtant de shove directement pour 72 000 (24 BB) depuis la BB après un min-raise UTG d’Espen Jorstad. La main choisie pour ce move, AJ, est plus que correcte, mais Jorstad n’attendait que ça avec ses Rois rouges.

Le flop J-10-8 améliore la main d'Eames, sans pour autant renverser la tendance. Le turn 3 et la rivière 6 confirment l'élimination de l'Anglais en quatrième place et referment officiellement le premier volet de la finale.

Pour ses efforts, John Eames remporte 3 millions de dollars tout rond. Une récompense qui fait plus que doubler les gains d'une longue carrière de pro menée discrètement mais avec succès : 15 ans à grind le circuit live comme online sur tous types de buy-in, les tournois low-costs de Grande-Bretagne comme les Main Event EPT.

Intéressant à défaut d’être passionnant

Un trio de bons et solides joueurs se qualifie pour la deuxième partie d'une finale qui a jusqu'ici manqué de vrai spectacle Espen Jorstad conserve le chip-lead acquis la veille au cours des demi-finales Main Event 10 000 $ (Finale)

Finale Main Event
Cordiale et détendue, l'atmosphère en finale du Main Event des WSOP 2022 l'est restée tout au long d'une première phase de jeu qui s'est étirée jusqu'une heure du matin ce vendredi. Les rires, invectives et punchlines ont régulièrement fusé à table entre des joueurs ayant passé tellement d'heures ensemble au cours des derniers jours qu'ils pouvaient presque nous faire croire qu'ils jouaient un home game entre potes pour quelques euros, et non la finale du plus gros tournoi de poker du monde avec un enjeu de dix millions de dollars. Mais une ambiance décontractée ne se traduit pas forcément par une partie à ne pas rater : les téléspectateurs connectés aujourd'hui pour observer des passes d'armes légendaires et autres bluffs de haute volée en seront pour leurs frais. Certes, sur le plan technique, rien à reprocher aux dix finalistes, qui, si ce n'est pour quelques déviations par-ci par-là, ont suivi la partition que l'on attendait eux. Aucun n'a flanché de manière spectaculaire. Aucun n'a sur-performé non plus. Chacun s'est montré digne de l'enjeu. Mais tous nous ont rappelé combien l'absence de quelques-uns des grands animateurs des journées précédentes a pénalisé la qualité du spectacle aujourd'hui. Devant le show, correct mais sans plus, qui nous a été offert aujourd'hui, difficile de ne pas laisser son esprit divaguer et s'imaginer ce qu'aurait pu être ce cru 2022 avec un Karim Lebei, un Alexandro Loco ou un Kenny Tran à table. Ces regrets ainsi exprimés, revenons sur les prestations des dix joueurs qui se sont présentés au casino Paris en début d'après-midi.

Espen Jorstad (Norvège) 298 millions (99 BB)

Espen Jorstad
Chip-leader au départ, chip-leader à l'arrivée d'étape : Espen Jorstad n'a déçu personne aujourd'hui. Sens du timing impeccable, sourire omniprésent sur le visage, il n'a pas toujours été au sommet du classement mais n'a jamais été en danger non plus. Ce n'est qu'en fin de journée qu'il a signé ses premières éliminations, mais elles lui ont permis de s'installer de nouveau dans le très confortable fauteuil de leader. C'est lui qui aura le plus à perdre samedi.

Adrian Attenborough (Australie) 149,8 millions (50 BB)

Adrian Attenborough
40 mains gagnées aujourd'hui, soit 21 % du total des coups joués : incapable de tenir en place, l'Australien fut de loin le joueur le plus actif de la journée... et ce sans éliminer un seul adversaire, tut en ayant subi l'épreuve du tapis couvert à deux reprises : il lui a fallu d'abord gagner avec Roi-Valet contre le As-Dame d'Espen Jorstad, puis trouver le miracle avec 99 contre les Dames de Matthew Su. Bref, un miraculé. Aussi bien positionné en fond de tableau et au bord de l'élimination que tout en haut du chip-count, il pourra terminer demain à n'importe laquelle des trois dernières positions.

Michael Duek (Argentine) 72,1 millions (24 BB)

Michael Duek
A causé la première élimination de la journée en gagnant un flip contre Asher Conniff, mais s'est ensuite retrouvé short alors que personne d'autre n'avait sauté : il lui a fallu passer par la case "tapis payé" et gagner avec As-9 contre le Dame-6 de Matija Drobic. S'est ensuite de prendre les quatre dernières blindes d'un Aaron Duczak qui avait perdu un pot énorme la main d'avant. À ensuite piqué son chip-lead à Adrian Attenborough en rentrant une quinte par le ventre. Une dernière heure catastrophique, durant laquelle il a perdu tous les pots importants, le contraint à entamer le dernier virage du Main Event avec seulement 24 blindes.

Les prix restants
Vainqueur : 10 millions de dollars
Runner-up : 6 000 000 $
3e : 4 000 000 $

Ils nous ont quittés aujourd’hui

Rail
4e : John Eames (UK) 3 000 000 $
Deux Rois qui le font doubler contre les 9 de Michal Duek… Deux As qui le font doubler contre le tirage couleur d’Aaron Duczak… Puis un As-Valet qui le fait sauter contre Espen Jorstad : peut-être parce qu’il l’a jouée comme si elle était aussi bien que les As ou les Rois ? Dommage : le pro Anglais, si solide et sérieux tout au long du Main Event comme il est dans sa carrière de pro depuis 2007, est parvenu à éliminer deux joueurs aujourd’hui et s’est un temps rapproché du chip-lead : il y avait sans doute mieux à faire.

5e : Matija Dobric (Croatie) 2 250 000 $
Premier joueur à passer la barre des 100 millions grâce à une confrontation flush vs flush face à Adrian Attenborough, le Croate a conservé son avance de longues heures avant de céder un peu de terrain en faisant doubler Jeffrey Farnes. L’élimination de Philippe Souki, via un craquage d’As, sera son dernier vrai coup d’éclat : la seconde moitié de la finale le verra lentement degrind avant de perdre le flip de la surive contre Espen Jorstad.

6e : Jeffrey Farnes (USA) 1 750 000 $
Le dernier Américain du Main Event s’est sans doute montré un peu trop timide et prudent pour représenter une vraie menace en finale. On retiendra tout de même ce gonflé donk-bet all-in avec pocket paire de 2 sur un flop 6-6-5 en guise de dernière main.

7e : Aaron Duczak (Canada) 1 350 000 $
Seulement 6 pots remportés sur les 122 mains durant lesquelles il était assis à table. La plus importante d’entre elles ? Un tirage couleur max joué à fond alors que John Eames l’attendait avec les As.

8e : Philippe Souki (UK) 1 075 000 $
Double up sur son premier coup à tapis préflop. Double up sur son second coup à tapis préflop. Les As craqués sur le troisième ! Mais pour quelqu’un qui possédait 11 blindes à dix joueurs restants, ce n’est pas un si mauvais résultat… L’Anglais a même eu le temps d’éliminer un joueur.

9e : Matthew Su (USA) 850 675 $
Le chip-leader à la reprise (à égalité avec Espen Jordstad) fut le finaliste le plus malchanceux du jour. Et de loin.

10e : Asher Conniff (USA) 675 000 $
N’a pas eu le temps de gagner un coup. Dès la septième main, ses 15 BB ont perdu le flip de la survie contre Michael Duek.

La finale reprendra vendredi à 14 heures, heure locale (23 heures en France). Bien entendu, on jouera jusqu'à la remise du bracelet suprême, et du tas de 10 millions de dollars en (faux) cash. Bonne journée à tous !

La dernière bataille

Les trois derniers prétendants au Main Event ont fait leur entrée dans l'arène. Une dernière cérémonie de présentation, avant de s'engager dans un ultime combat, le plus important de leur carrière.

Ils combattent depuis près de dix jours. Ils ont transpercé un field immense, voyant des milliers d’autres tombe à côté d’eux. Au moment de l’ultime bataille, ils ne sont plus que trois. Trois hommes prétendant au bracelet de champion du monde et aux dix millions de dollars. L’Argentin Mikael Duek, l’Australien Adrian Attenborough et le Norvégien Espen Jorstad - ce dernier avec le grade de large chipleader.

Avant que ne sonne l’Olifant, la tension est palpable. Les premiers supporters chauffent le champ de bataille, prennent possession du territoire, avant d’accueillir leurs héros. Mikael Duek est le premier à pénétrer dans l’arène, évidement suivi de tout un cortège de caméras PokerGo. L’Argentin de Miami est accueilli par une foule de Latinos et d’amis venus de Floride. Déjà ivres avant même les premières bières, tous chantent à la gloire de Mikael. Adrian Attenborough et Espen Jorstad débarquent peu après dans une effervescence plus mesurée.

Bracelet

Les spectateurs curieux s’étalent sur le bord des barrières encadrant anciennement les tables extérieures, ou sur les dizaines de chaises alignées devant le grand écran de l'Event Center. Le bracelet est arrivé, soigneusement essuyé par les assistants joailliers pour qu’il brille de mille feux et les caméras se mettent en place.

Quelques minutes de latence, le temps que tout soit prêt, un dernier répit pour les combattants qui prennent les dernières énergies auprès de leur clan. La stratégie, elle, a été pensée depuis longtemps.

« Je ne vais pas foncer, affirme Miki Duek. On va voir comment la partie évolue, et j’adapterai ma stratégie en fonction du stack des adversaires. Ce qui est sûr, c’est qu’on a gagné la bataille du rail, les Argentins montrent qu’ils sont présents ».

Adrian Attenborough, lui, ne cache pas ses intentions. Le joueur le plus actif et le plus offensif de la première partie de finale continuera de prendre des risques. « Je joue toujours pour gagner. Mais aujourd’hui, encore plus qu’hier, assure l'homme de Brisbane. On est déjà assuré de beaucoup d’argent, j’ai très envie de jouer au poker, et d’apprécier le moment ».

Les deux hommes tenteront de bousculer le chipelader Espen Jorstad. Le Norvégien a fait preuve d’une grande solidité hier. Il a montré qu’il avait toute la patience et la technique nécessaire pour asseoir sa domination. À lui de concrétiser de son avantage pour aller chercher sa plus grande victoire, celle qui changera sa vie.

Tandis que les trois joueurs sont assis, Jack Effel prend le micro pour un discours largement étouffé par les cris du rail argentin. On distingue tout de même le fameux "Shuffle-up and Deal" lançant officiellement les hostilités. Deux minutes plus tard, une mise en scène attire l'attention de l'armée médiatique. Un charriot de métal, pareil à celui dans lequel sont réservés les jetons, protégé par un imposant garde du corps qui ouvre la marche... Armé d'un fusil à pompe. Vous l'aurez compris, ce chariot renferme les millions de dollars qui seront exposés sur la table au moment du Heads-up. Bienvenue au Nevada.

Rappel des Pay-outs :

1er : 10 000 000 $ 2e : 6 000 000 $ 3e : 4 000 000 $

Ils ont détrôné le Duek

Le spécialiste du PLO ne sera pas le deuxième argentin sacré sur le Main Event WSOP Sorti en moins de 30 minutes lors du plan à trois, il empoche 4 millions de dollars Main Event 10 000 $ (Finale - 3 joueurs restants)

Duek
Michael Duek a commencé ce deuxième jour de finale comme il avait commencé le premier : mal. Sauf qu'au moins, hier, il n'avait pas craqué, se qualifiant pour le deuxième jouer de la TF après l'élimination de John Eames en 4e place. Malheureusement pour lui, l'Argentin n'a pas réussi à renverser la tendance aujourd'hui, sa chute se terminant au fond du précipice après même pas 30 minutes de jeu.

Duek 3
Il faut dire qu'avec 24 blindes et une configuration en 3-handed où les blindes, justement, tournent à vitesse grand V, Michael allait forcément être contraint de jouer son tournoi, probablement en premier : Adrian Attenborough, deuxième en jetons, était bien conscient que l'ICM démentiel (2 millions de dollars de différence entre la seconde et la troisième place, imaginez la valeur de vos jetons !) lui interdisait de prendre tout risque inutile contre le gros chipleader Espen Jorstad. En joueur de cash game peu habitué à jouer de petites profondeurs, Michael n'a pas su éviter les balles : même s'il est rapidement remonté à une quarantaine de blindes, le grinder de Fort Lauderdale s'est tout aussi vite retrouvé dans un spot bourbax.

Duek 5
L'Australien min-raise à 6 000 000 au bouton, et Michael décide de placer un 3-bet à 23 millions depuis la SB. Attenborough s'aligne, pour voir un flop Q105. Aucune action à ce stade du coup, et nous arrivons donc sur un turn K. Duek dégaine alors une mise de 17 millions, suivie par son adversaire. Sur la river 3, il va cette fois réfléchir deux bonnes minutes avant de miser 52 millions, se gardant cinq millions derrière. Mais l'Australien lui demande vite son tapis, et Michael met le reste au milieu avec K8. Une top paire bien bien insuffisante, car en face, il n'y a rien de moins que les nuts, avec AJ.
Duek Father
Après une très longue accolade avec son clan suite à la main fatidique et un gros câlin de son père, Michael s'est ensuite prêté au jeu de l'interview, malgré une envie évidente de déguerpir le plus vite possible. "Ce fut une grande expérience, bien plus que je ne le pensais. Je suis très heureux, assurait un Michael plutôt au bord des larmes au micro de PokerGO. "Toute ma famille était présente, je vais partager tout ça avec eux."

Duek 2
Au moment du bilan, on retiendra tout de même l'énorme Day 6 du Floridien, où il était passé de 1,6 million à 22 millions de jetons, son rail toujours prompt aux encouragements qui l'a poussé très très loin dans ce tournoi, et évidemment sa récompense de 4 millions de dollars, qui constitue seulement sa 5e ligne Hendon Mob, lui qui avait tenté sa chance sur deux tournois de Pot Limit Omaha sur ces WSOP avant le Main Event.

Duek ITW
"Je vais retourner faire du PLO en cash-game, expliquait d'ailleurs Michael. Mais je vais sûrement faire aussi d'autres tournois désormais." Michael Duek ne succèdera donc pas à son compatriote Damian Salas, sacré en 2020. Bon, tout de même, il y a quand même un peu de positif à retenir...

La tête dans les mains

Mis sous une pression d'enfer par Espen Jorstad, Adrian Attenborough a fini par craquer Runner-up, l'Australien remporte 6 millions de dollars, chez lui à Las Vegas Main Event 10 000 $ (Heads-up final)

Mal de crane
Des maux de crânes, encore et encore : c'est l'image que l'on retiendra d'Adrian Attenborough dans le heads-up final. Pourtant, au début, les neurones ont gentiment chauffé : l'Australien se payait sans douleur le scalp de Michael Duek au bout de 20 minutes de jeu. Cela lui a notamment permis de grappiller de précieux jetons pour l'ultime duel, afin de revenir dans la roue du chipleader Espen Jorstad avec 235,8 millions de jetons contre 284,5 millions. Mais c'est à partir de ce moment que les choses se sont gâtées.

On commence avec une première prise de tête : quelques minutes à peine après le début du HU, Espen raise à 7,5 millions et Adrian 3-bet depuis sa big blind à 26 millions, avec J4. Le Norvégien suit, et paye à nouveau 16 millions sur le flop K108, puis 54 millions sur un turn 4. Adrian choisit de checker la river 8, et entend ce qu'il ne voulait pas entendre : "all-in".

Tank 6
Couvert, l'Australien joue donc une première fois son tournoi, et va hésiter pendant 20 minutes à faire ou non ce hero call. Se parlant à lui-même, se tordant un peu dans tous les sens, devinant même à un moment la main de son adversaire (K-Q), qui reste lui parfaitement impassible, Adrian va cependant finir par lâcher sa main, à raison. Après avoir donc déjà crâmé pas mal de matière grise, Attenborough tombe donc à 132 millions, contre 385 chez Jorstad.

Photographes
Les photographes étaient prêts à dégainer leurs objectifs si le tournoi prenait fin subitement...

Pas de quoi le décourager pour autant : rapidement, le résident vegassien, toujours aussi actif comme depuis le début de la TF, repasse devant grâce à quelques pots savamment gagnés. Mais le Norvégien ne s'en laisse pas compter, et se fait violence pour reprendre un petit leadership. Puis survient cette main.

Espen Jorstad limp sa SB, et Adrian Attenborough check avec J4 pour découvrir un flop 242. Espen mise 4 millions, et Adrian place un check-raise à 12 millions. Mais le Norvégien semble vouloir encore faire grossir le pot : ce sera un 4-bet à 32 millions ! Une mise payée assez rapidement par Attenborough. Le turn est un 8, et Jorstad réfléchit aux différentes options avant d'envoyer une praline à 62 millions. Pas de quoi impressionner son adversaire, qui met une minute à s'acquitter de la somme, avant de checker très vite la river Q. Le Norvégien emploie une nouvelle fois la manière forte, demandant alors le tapis d'Adrian...

Tank 2
Ce dernier nous refait alors un remake de la main racontée plus haut : tentant sans succès de déceler des tells chez un adversaire qui ne bouge pas une oreille, il s'excuse encore de prendre autant de temps à réfléchir, en rigolant même avec son clan. Sourire narquois sur le visage, se refaisant le film du coup à voix haute, essayant d'énumérer les différentes mains que peu avoir son adversaire, Adrian ne sait pas quoi faire. Il peut tout aussi bien être un héros si son adversaire bluffe, où un zéro s'il call avec sa faible main et qu'Espen retourne un meilleur combo...

Tank 1

Tank 3

Tank 4

Tank 5

Tank 6

Au bout de huit minutes, Adrian lâche un "Fuck it" et prend la décision de payer. C'est la mauvaise : Espen Jorstad retourne Q2 pour un brelan floppé transformé en full sur la river. C'est bien ça qu'on appelle un "fuck call" ?

Adrian Attenborough termine donc runner-up de ce Main Event. À 28 ans, le local de l'étape remporte 6 millions de dollars en récompense des dix jours passés à batailler vers le titre, chez lui, alors qu'il comptait jusqu'ici 1,46 million de dollars de gains sur le circuit, dont huit ITM WSOP. Dix jours qui n'auront pas été de tout repos : on se souvient que lors du premier jour de cette finale, celui qui a appris le poker en famille lorsqu'il était adolescent s'est retrouvé à deux reprises à tapis couvert, alors qu'il avait démarré la dernière table en milieu de peloton.

Adrian
Cet adepte de la Game Theory et des parties de cash game high-stakes aura aussi démontré un bon niveau de jeu durant les derniers jours de l'épreuve. Un Main où il aura pris son envol lors d'un Day 4 stratosphérique, qu'il termina dans le peloton de tête pour ne plus le quitter jusqu'au bout de ce tournoi. Il ne lui aura manqué qu'une marche pour décrocher le titre dont rêvent tous les joueurs de poker de Las Vegas. Mais il va maintenant pouvoir laisser son cerveau prendre un peu de repos...

Espen Jortstad remporte donc le Main Event des WSOP 2022 ! Retrouvez notre post de fin dans quelques minutes.

Super Jorstad !

À la suite d'une finale foudroyante, Espen Jorstad s'impose devant l'Australien Adrian Attenborough. Le Scandinave remporte le bracelet de champion du monde, encaisse dix millions de dollars et hisse pour la première fois la Norvège sur le toit du poker mondial. Main Event 10 000 $ : c'est fini !

Espen Jorstad

Un nouvel éclair dans ce heads-up orageux. Pour la troisième fois en moins d’une heure, Espen Jorstad demande le tapis de son adversaire sur un pot massif. Cette fois, il ne craint rien. Dans un pot limpé, son adversaire, le check-raise alors qu’il touche brelan floppé, 2-barrel sur une brique et check sur une river qui lui donne le full.

HU Jorstad Attenborough

Le Norvégien n’a plus qu’à avancer le tapis. Un nouveau tank d’Adrian Attenborough, plus court cependant que le précédent, celui qui restera dans les annales de ces WSOP. Il hésite, se frotte les mains, se gratte la barbiche, rigole, se reconcentre puis termine par un rapide « OK Fuck ! » en avançant brusquement une pile de jetons et retourner sa double paire. Espen retire alors la figurine Super Mario qui lui servait de porte bonheur et de protège-carte pour afficher son full. Ça y est ! Espen Jorstad vient de remporter le Main Event des World Series of Poker.

« Allo maman, j’ai gagné le Main Event »

Il se lève calmement, fait un signe de prière pareil à celui du Namaste indien en direction de son clan, jette un coup d’œil à la table, puis s’en va rejoindre les siens. Le clan norvégien sert son héros dans ses bras, le congratule quelques secondes, puis Espen s’extirpe pour faire deux choses en urgence. Un : saluer son adversaire, Adrian Attenborough, avec beaucoup de respect. Deux : appeler sa maman, directement depuis le plateau télévisé, à côté du butin et du bracelet qu’il vient de remporter. (A noter : le streaming étant diffusé avec une heure de décalage, maman Jorstad a donc été proprement spoilée par son propre fils !)

Espen Jorstad

Le fiston partage quelques mots avec sa mère, le temps d’un coup de fil où Espen, solide, impassible tout le long de cette finale, ne peut s’empêcher de lâcher quelques larmes. « Elle était en train de pleurer aussi, beaucoup. On a pas réussi à beaucoup parler, confie Espen au moment de l’interview post-victoire. Elle était très fière bien sûr, c’est ma fan numéro 1. C’était assez émouvant comme coup de téléphone ».

Espen se fait mitrailler de photos pendant quelques minutes, puis se prête au jeu des micros, à chaud, pour commenter sa victoire. « Ça fait beaucoup de bien, mais je ne réalise pas vraiment encore, je pense que ça deviendra plus réel dans quelques jours, déclare le joueur, qui embraye tout de suite sur la qualité de son runner-up. J’ai eu un heads-up vraiment difficile, contre un excellent joueur. Adrian m’a causé beaucoup de problèmes, depuis le Day 6 où on a commencé à se jouer. Je lui ai d’ailleurs dit, “peu importe ce qui arrive, j’aimerais jouer le heads-up contre toi » et c’est ce qu’on fait, mais j'ai eu des meilleures cartes que lui aujourd’hui ».

Le guerrier méditant

Espen Jorstad

Comme chaque vainqueur de tournoi, Espen a eu les cartes en sa faveur. Pendant toute la fin du Main Event, il s’est positionné dans le haut du chipcount grâce à un run favorable, mais aussi grâce à ses qualités de joueur. La technique bien sûr, que le grinder a aiguisée durant des années sur les plus hautes limites des rooms online. Mais aussi la maîtrise de soi, en montrant une attitude exemplaire, caractérisé par un calme, une quiétude presque troublante.

Même quand son adversaire tankait pendant 19 minutes, Espen restait imperturbable, confortant sa stature droite et fière en regardant fixement son adversaire, derrière ses élégantes lunettes rondes. « J’essayais juste de me concentrer sur ma respiration, explique le joueur en revenant sur ce fameux tank. C’était un peu une pratique de méditation. Où on se concentre sur différentes parties de votre corps. Ce doigt là, puis ce doigt là » illustre le joueur. Imperturbable, le Jorstad mêlait à cette froideur un certain enthousiasme, une volonté d’apprécier ces moments de jeux, à l’image de ce sourire en coin, qui ne l’a pas quitté de la partie. Une sérénité et une gaieté qu’on retrouvait jusque dans les T-Shirt arborés par son rail, floqués de cette question improbable « Do you even meditate ? » (Est-ce que tu médites, au moins ?, parodie zen du célèbre meme "Do you even lift, bro ?", "Est-ce que tu vas à la salle au moins ?").

Pourtant, c'était mal barré

Espen Jorstad

Le voilà donc champion du monde. Pourtant, on peut parier que personne n'aurait misé un kopek sur le Norvégien à l'issue du Day 1A : il s'était qualifié pour le Day 2 certes, mais avec seulement le 605e tapis des 630 joueurs restants, soit 17 600 jetons, moins d'un tiers du stack de départ ! Sauf que la courbe s'est radicalement inversée lors du Day 2ABC : Espen terminait la journée avec... 463 500 jetons, en 40e position au chipcount. Sa progression fut ensuite assez linéaire lors des trois jours suivants, durant lesquels il se tint en embuscade, bien calé en outsider derrière les tapis de tête.

C'est vraiment lors du Day 6 qu'Espen sortit de l'ombre, puisqu'il passa de 4,665 millions à 31,175 millions, multipliant donc son tapis par plus de six et terminant en 5e position au classement. Puis il a surfé sur la vague lors du Day 7, atteignant la finale en position de chipleader : une TF où il a mis un peu de temps avant de passer la seconde, puis d'éjecter tour à tour Mathija Dobric (5e) et John Eames (4e). Largement en tête pour le 3-handed, il a laissé Adrian Attenborough se charger du cas Michael Duek, avant de travailler au cerveau l'Australien en heads-up, jusqu'à ce que ce dernier fume ses derniers neurones. Une preuve de plus que la structure du Main Event est définitivement exceptionnelle, et que dans ce tournoi, rien ne sert de courir : il faut surtout partir à point.

Les vikings, encore eux !

Jorstad

Et maintenant ? Que faire après avoir remporté le plus beau tournoi du monde, pour une somme affolante ? D’un point de vue financier, le joueur reste fidèle à la réponse classique des tournois de poker : Jouer plus cher, investir, et acheter des cryptos. « J’aimerais m’installer sur la scène High Stakes. Jouer plus de 25 000 $ par tournoi par exemple », affirme le joueur, qui n’avait jamais ITM en live plus cher qu’un 5 000 $ jusqu’à aujourd’hui.

Au-delà de l’argent, l’homme qui vient de vivre le premier jour du reste de sa vie aura besoin de temps pour prendre la mesure de son exploit et savoir quelle direction prendre après cet accomplissement. « Je ne sais pas quoi faire tout de suite, avoue Torstad. Je suis comme un sans abri, j’essaie de comprendre où je veux aller. Je vais prendre un break, et peut être aller à Barcelone pour refaire un peu de poker. Je n’ai pas décidé encore ».

Espen Jorstad

Peut-être pourra-t-il prendre conseil aux côtés des champions présents dans son rail. Un certain Koray Aldemir, mais ausso Manig Loeser, Dietrich Fast, Jack Sinclair, et bien sur Patrick Leonard, avec qui il remportait le Tag Team Event deux semaines plus tôt, s’étaient glissés dans le kop norvégien. Après avoir célébré en compagnie de leur ami champion, ils auront certainement quelques bons conseils à lui partager.

Avant de penser au futur, il est temps d’apprécier le moment. Espen Jorstad vient de remporter le titre ultime du joueur de poker. Le natif de Steinker, petite commune située dans le comté de Trøndelag, hisse la Norvège sur le toit du poker mondial. Il sera le troisième scandinave à voir son poster afficher sur les murs de l’Event Center, après Martin Jacobson et Peter Eastgate et s’installe directement tout en haut de la All-Time Money List nationale, devant un certain Felix Stephensen, runner-up en 2014… Derrière Martin Jacobson. Jadis, il paraît que les vikings ont envahi l’Europe. Dans l’histoire moderne, leur conquête s’étend jusqu’à Las Vegas.

NB : Voilà pour ce Main Event. Vous voulez du rab ? Il reste encore un 10 000 $ 6-max pour le déssert. On a du Romain Lewis, du Adrian Mateos, du Davidi Kitai et un énorme Pierre Calamusa (en termes de stacks hein), accompagnés de toute une flopée de grinder français, qui, on ne sait pour quelle raison, se débrouillent plutôt bien en format short-handed. Rendez-vous dimanche pour déguster ensemble le der des ders de ces WSOP.