Chocs et chutes, chic et chatte
Main Event (Day 2CEF) - Level 7 (500 / 1 000 ante 1 000)
Baromètre au beau fixe pour Hossein Ensan, le dernier joueur dont nous avons assisté à la victoire sur le Main Event en présentiel, c'était en 2019. L'Allemand affiche un stack de 150 000Joffrey : l'homme pressé
Lancées sur Winamax dans l'urgence et avec optimisme début octobre, les qualifications pour les WSOP ont suscité l'enthousiasme chez tous les joueurs pressés de retrouver - ou de découvrir pour la première fois - l'ambiance unique Championnats du Monde. Sauf qu'entre temps, l'annonce concernant la date officielle d'ouverture des frontières en a refroidi plus d'un : le "début novembre" qui laissait espérer une ouverture une bonne semaine avant le Main Event s'est transformé en un 8 novembre rendant le voyage un poil trop précipité. On l'a vu hier, cela n'a pas empêché des dizaines de Français de tenter le braquage express, mais du côté de nos qualifiés, la quasi-totalité ont opté pour la patience : tous vont attendre l'édition 2022 des WSOP pour rejoindre Vegas. Tous, sauf un :
Joffrey Esteve, que j'ai retrouvé en salle Pavilion au moment où sonnait la deuxième pause du Day 2CEF. Son histoire, pas banale, saura presque nous faire oublier les gros contingents de qualifiés W auxquels nous avons été habitués ces dernières éditions, ainsi que les légendaires soirées officielles Winamax sur le toit du Rio ou du Palms, qui ne sont évidemment pas d'actualité cette année.
Car en écoutant le Lyonnais de 24 ans me dérouler ses habitudes de jeu sur Winamax (buy-in moyen : 100 €, c’est élevé) et commenter les points forts et points faibles de notre grille MTT (« Vous devriez faire plus de tournois à 125 ou 200 €, il n’y a pas assez de trucs à faire entre les 100 et les 500 ! »), je crois d’abord avoir affaire à un grinder expérimenté, qui en me révélant son pseudo me rappellera immédiatement un compte rendu Winamax Series ou Main Event écrit par mes soins il y a quelques mois ou quelques années. Que nenni : avant le premier confinement de mars 2020, Joffrey n’avait jamais joué au poker. Vingt mois plus tard, le voilà engagé sur le plus gros tournoi du monde. Incroyable !
« Au début, je mettais 15 ou 20 balles par-ci par-là. Puis c’est en découvrant les streams que j’ai commencé à progresser. Il y en a un que j’aime beaucoup, il est chez vous, c’est Chance44. Du côté des étrangers, il y a un Américain qui est très bon, Lex quelque chose… Ha, il est Hollandais ? » On le devine : l’univers poker de Joffrey vient tout juste de naître. Ses stars à lui sont plutôt à aller chercher du côté des jeunes joueurs se montrant devant la webcam plutôt que des vieux Texans ayant gagné le Main Event deux fois de suite dans les années 70. « Oui, je l’ai croisé hier, le vieux avec le chapeau de cowboy. Mais je ne sais pas vraiment qui c’est ! » Étudiant en finance, Joffrey est venu à Las Vegas avec son pote Nicolas. Lui n’est pas trop focus sur le poker, mais voulait découvrir Las Vegas depuis une éternité. Leur voyage ne fut pas de tout repos. « On avait prévu une escale au Canada, mais notre vol atterrissait de nuit, et dans ce cas-là il faut un formulaire spécial… que l’on n’avait pas ! » La sentence des autorités est terrible : raccompagnement immédiat à la frontière, autrement dit retour à la maison dans le prochain vol ! « Finalement, on a pris un vol de Genève… On est arrivés le 8 novembre à 23 heures. » Pas le temps de découvrir le Strip : à peine douze heures plus tard l’attendait le Day 1F, dont Joffrey s’en est finalement pas si mal tiré (vu les circonstances), emballant un stack de 68 000. Il faut dire que ce joueur 100% online s’était judicieusement préparé un petit programme d’apprentissage en accéléré. « Avant de partir, je me suis fait deux semaines dans le Sud pour jouer les petits tournois d’Aix et Bandol, et j’ai joué à Paris au Club Montmartre. Mais ça ne m’empêche pas de galérer ! Le showdown c’est compliqué, j’ai l’habitude que ce soit automatique sur mon ordi… et compter les stacks, l’enfer ! Si je vais loin dans le tournoi, il va falloir que je branche le stream pour savoir qui a combien ! [rires] C’est clair, au début je n’ai pas aimé le live car c’est trop lent. Mais en fait, c’est juste différent. Sur les petits tournois que j’ai fait en France, tu dois t’adapter aux différences, aux pots limpés par six joueurs, ce genre de truc. Et ici sur le Main Event, le niveau est plus homogène, c’est agréable. »
Confessant être plongé dans un bad run après avoir monté « pas mal de thune » auparavant, Joffrey, qui s’est qualifié en Expresso (« Je n’en joue jamais mais un soir, j’en ai lancé 100 ou 150 et j’ai gagné le package ! ») vit actuellement un Day 2 compliqué : à sa droite est assis Adam Walton, le chip-leader du Day 1F, dont la bonne étoile ne l’a pas quitté depuis hier. « Il joue bien, il run bien, il nous roule dessus. Il doit avoir 600 000 maintenant. » Avant de laisser Joffrey rejoindre sa table, on lui rappelle ce mantra connu de tous les habitués du Main Event : c’est un marathon, pas une course ! - Benjo
"Bizzare cette ambiance"
Alors que tout le monde disputait tranquillement son Day 1 du Main Event, un joueur Français a vu son tournoi plutôt perturbé subitement, il s’agit d’
Arthur Conan.
Mais qu’est-ce qui a bien pu secoué l’imperturbable jeune Breton :
Phil Hellmuth himself a fait son entrée dans le Main Event… en s’asseyant juste à sa gauche ! Déguisé, et avec tout le spectacle habituel qu’on lui connait.
« Et bien crois-moi, c’était très perturbant pendant au moins 30 minutes, vraiment bizarre cette ambiance. Et les filles qui l’accompagnaient sont restées pendant tout ce temps derrière moi. » Pas facile de jouer un tournoi à 10 000 $, en l’occurrence le plus important de l’année pour n’importe quel joueur de poker de la planète, et se retrouver dans cette situation… mais c’est aussi ça le folkore des WSOP, et Arthur se souviendra malgré tout du spectacle, qu’on n’a pas fini de revoir dans les meilleurs highlights de l’Américain.
Aujourd’hui, l’ambiance est plus détendue pour Arthur, qui se retrouve parmi les dernières tables de la Pavillon Room. Il partage notamment quelques bons moments en compagnie de l’Américane Cate Hall, et c’est bien tout ce que l’on peut reconnaitre. Problème : son stack est sur une pente descendante. Parti à 90 000 au début du jour, on l’a quitté à 30 minutes du prochain avec 50 000 jetons. Mon Roi Arthur, il est temps de lever l’épée et de montrer qui est le patron. -
VeunstyleUn privilégié qui connait la route à emprunter
Runner up du Main Event, ne serait-ce pas un titre malgré tout assez prestigieux pour être heureux pendant des années ? Je crois que la question elle est vite répondue quand on s’appelle
Tony Miles, second en 2018. Problème, pour le moment, le grand ami de Pierre Calamusa ne vit pas un rêve aussi éveillé qu’il y a 3 ans :
« Ma table est plutôt difficile, et les jetons ne viennent pas pour l’instant », m’expliquait-il dans un calme qui le caractérise tellement. Son tapis se maintient autour des 80 000, et ce n’est encore pas pour l’inquiéter totalement : «
C’est un véritable marathon, je suis bien placé pour en parler ! Et je sais notamment que je n’ai pas le droit de me plaindre pour le moment. De plus grandes décisions sont à prendre bien plus tard. » Affecté par l’élimination de Pierre hier, il espère avoir la chance de pouvoir le venger en allant le plus loin possible cette année.
One more time baby. - VeunstyleDeux de chute pour le Team Pro Winamax
De ses propres dires,
Gaëlle Baumann « n’a pas vu le jour aujourd’hui », passant son temps à fold toute la journée.
« J’ai open deux fois, je me suis fait 3-bet deux fois, j’ai fold à chaque fois. » Le stack fond, jusqu’à tomber à 18 blindes. Là, un joueur ouvre UTG+1, le joueur au HJ paie et Gaelle en BB découvre A
J
. Que faire ici ? Call ? Tapis ? Gaelle a pris l’option de payer, pour découvrir un flop J
9
5
. Top pair plus backdoor flush draw, ce sera bon pour un check raise à tapis.
« Il m’a snap call avec une paire de 5… et maintenant je suis un peu perdue : est-ce que j’ai vraiment pris la bonne décision ? » Gaelle est partie réfléchir à ce coup en allant tenter sa chance sur le Mini One Drop à 1111$.
L’autre W à trinquer, c’est
Guillaume Diaz. L’oiseau du 38 aura fait des hauts et des bas dans cette journée, pour finir par s’écraser le bec en avant. Après être monté à plus de 100 000 jetons, son stack était retombé à ce qu’il avait reçu initialement, en l’échange de 10 000$, soit 60 000 jetons. Là, dans un coup 3-bet préflop, et sur 8
5
5
, il a senti qu’il y avait un bon coup à jouer pour doubler, avec J
J
en main. Sauf que ça, c’était sans compter sur le fait qu’il allait finalement découvrir K
K
chez son adversaire. Record égalé pour Volatile38 qui bust une fois de plus au jour 2 de ce tournoi…et un joueur de plus parti pour s’inscrire sur le Mini One Drop, un ! -
VeunstyleForge et Deyra, les colosses en sommeil
Hasard du seat-draw, deux ogres du poker français se sont retrouvés côte à côté. Un qui dévore les tables de cash-game, à Marrakech et ailleurs, en la personne de Tristan Forge, et un autre qui se régale en bagues WSOP-C et bracelets WSOP, à savoir Ivan Deyra. De quoi s’envoyer de belles parpinades en bataille de blindes ? De quoi se la croustiller avec des merguez dont l’ancien Team Pro Wina a le secret ? Du tout, du tout. En deux niveaux de deux heures, les gars ne font que folder.
Rien d’alarmant pour autant. Tristan compte toujours 80 000 jetons et attend sagement son spot pour lancer sa journée. Et même son Las Vegas, pour l’instant un peu mollasson à son gout. « Quelques mincashs mais rien de fou. J’ai gardé mon deep run pour le Main Event » confie Forge en toute tranquillité.Son voisin ne se presse pas non plus. Mais avec 40 000 jetons, Ivan tarde à rentrer dans ce Main Event. « J’attends le Day 3 » répond l’ex Team Pro, avec son flegme légendaire.
Tout le monde semble faire la sieste quand bim ! Ivan réveille la table dès la main suivante, avec un cold 4-bet à 13 500 face à son voisin asiatique, qui tombera en maladie pendant deux minutes avant de folder son As-Dame.
Et alors que je quitte nos deux compères, qui vient renforcer ce gang de talents franchies ? Louis Linard, aka Labrik débarque au siège 8, tout sourire, avec une centaine de milliers de pions. Trois top regs tricolores à la même table. On va rester à l’affut. - Fausto
Zarbo fait tomber le costard
Giuseppe Zarbo, c’est la classe à l’italienne. Toujours un costard impeccable, une élégance qui fait plaisir dans les rooms où fourmillent les maillots de foot et autres survêtements négligés. Mais que vois-je au moment de l’apercevoir en table 403 ? Giuseppe Zarbo avec un maillot de la Squaddra Azzura et une casquette
Italia !
Ma que fai Giuseppe ? « Ici, c’est Vegas ! » assume le plus italien des français, ou le plus français des italiens, on ne sait plus vraiment. Même le chipcount s’y perd. « Un jour ils me mettent italien, un jour ils me mettent français. La dernière fois, je suis repassé italien à partir du Jour 4 » se souvient Zarbo.
On lui souhaite de pouvoir faire la même expérience, mais pour cela, il faudra déjà passer l’obstacle du jour. Et depuis hier, Giuseppe a du mal à trouver son rythme. « Je perds 20 000 puis je les regagne, je gagne 20 000 puis je les reperds, c’est comme ça depuis le début, raconte l’intéressé. En même temps, je n’ai pas de spot. La seul fois où je trouve deux rois, je tombe contre deux as ». Heureusement, son adversaire n’avait que peu de stack. 20 000, justement. Avec 70 000 jetons devant lui, le représentant de la Squadra Azzura a encore largement de quoi faire.
En attendant de monter les pilasses, Giuseppe discute avec ses collègues francophones. Après le trio fantastique Deyra-Forge-Linard, nous avons ici un virage Zarbo-Houri-Panetti. Au siège numéro 7, Yehoram Houri a trouvé brelan intermédiaire sur un board 1074, et s’est fait payer grassement au flop, puis sur la turn 6 avant que son adversaire n’abandonne sur la river A. Avec 140 000 jetons, il fait partie des gros stacks de la table. Son voisin Christophe Panetti n’est pas mal non plus. Pas de gros coups à signaler, mais à force de gratter les petits pots, le Suisse dépasse désormais les 100 000 jetons. - Fausto
Statistiques anecdotes et citation à la con
43 : comme le nombre de tables restantes dans la Pavillon Room, à quelques instants du break. Elle est la prochaine salle à fermer. Tous seront réunis ensuite dans l’ultime salle qu’ils ne quitteront plus, l’Amazon Room.
Coincé dans la Pavillon Room, Meddi Ferrah est installé sur une table qui fera partie des dernières à casser. Et qui selon lui, n’est la plus simple à manœuvrer. Avec plus de 150 000 jetons en sa possession, le Français a encore de quoi voir venir